N° 234. Dimanche 37e ANNÉE. 1er Avril 1877 6 FRANCS PAR AN. JOURNAL D'Y PRES ET DE L'ARRONDISSEMENT La papauté l'heure actuelle. PARAISSANT LE JEUDI ET LE DmANCIIE. BULLETIN POLITIQUE. D'après des renseignements que le Times a reçus de Vienne, l'Angleterre consentait donner son appui la Russie pour obtenir que la Turquie s'exécutât, la condition qu'il y eût désarmement simultané des deux puissances et qu'on laissât la Porte un délai d'un an pour se mettre en règle vis- à-vis de l'Europe. Ces deux conditions ont été repoussées par le cabinet de Saint-Pétersbourg, et l'Angleterre a fini par y renoncer. Il serait question maintenant d'un protocole par lequel toutes les puissances mettraient la Turquie en demeure d'accomplir les réformes indiquées par la conférence, mais resteraient libres d'agir chacune selon son gré, s'il était nécessaire de recourir une exécution matérielle. Tout ceci ne ressemble guère une solution, mais comme nous l'avons dit plus haut, c'est un point de départ pour des négociations ultérieures. Il ne faut pas oublier du reste que ces arrange ments ne préjugent rien, quant l'attitude de la Turquie, et celle-ci ne parait pas plus disposée céder aujourd'hui qu'il y a un mois. C'est peut-être elle qui en fin de compte déclarera la guerre l'Europe. Dans l'audience de congé accordée au général Klapka, le Sultan a dit, s'il faut en croire la Ga zette de Cologne, que la paix lui est nécessaire pour l'exécution des réformes. Cependant, si la Russie veut en venir aux mains, a ajouté Abdul- Hamid, je suis prêt me mesurer avec elle, et même après l'issue des événements, j'accorderai encore uae retraite honorable l'armée du Czar. On voit donc que non-seulement la Porte ne reculerait pas devant un conflit, mais qu'elle serait loin de désespérer du succès de ses armes. Les débals du Parlement ottoman ne semblent pas non plus de nature justifier les espérances de ceux qui voyaient dans sa réunion un gage de con cessions et de paix. Dans la séance buis clos qui a eu lieu avant- hier, il a discuté le texte de l'adresse en réponse au discours du trône et a déclaré l'unanimité qu'il repoussait d'une manière absolue toute intervention étrangère dans lesaffairesintérieures delà Turquie. La séance d'avant-hier n'a pas été moins signifi cative. Plussieurs députés ont volés l'unanimité moins quelques voix, une adresse qui ratifie le rejet des propositions de la Conférence et invite le gouvernement agir conformément aux intérêts et l'honneur du pays, en refusant toute cession ter ritoriale au Monténégro. Enfin, de l'avis d'un des représantanls de la Porte auprès des puissances, la guerre est imminente, et le gouvernement turc a immédiatement rappelé sa flotte de la mer de Mar mara, pour la faire stationner l'embouchure de la mer Noire. Pour comprendre cette attitude, qui semble si étrange, on doit se placer un point de vue tout lait turc. Aux yeux des ottomans, le chef du pou voir n'a déjà fait que trop de concessions, et doit désormais veiller l'honneur de ses sujets. D'Angleterre on annonce qu'il a été pourvu au remplacement provisoire de sir H. Elliot Con- stantinople. M. Layard fera l'intérim de ce diplo mate. Cette question renfermerait-elle encore une surprise pour l'Europe? C'est ce que l'avenir nous apprendra. Les Parlements d'Athènes et de Suisse ont clô turé leur session dans des dispositions favorables l'administration intérieure de ces deux pays. Post-scriptdm. Le Morning Post annonce que le protocole sera signé bientôt une entente parfaite s'est établie, sur la base du désarmement simultané. L'allocution du pape dans le consistoire du 12 mars a ému Je gouvernement italien. Cependant, sauf un appel indirect l'intervention des puissan ces étrangères, on ne peut dire que ce document contienne rien de nouveau. Les accusations de desseins impies de machinations ténébreu ses de cruelle et vaste persécution font depuis longtemps partie du langage de la chancel lerie pontificale. Elles sont de style, comme on dit. Les protestations du saint-père contre diverses mesures du gouvernement ne devraient non plus, quelle qu'en soit la véhémence, ni étonner, ni irriter. Il est certain que la conduite de Pie IX tranche avec les ménagements, les habiletés, les souplesses qui caractérisaient autrefois la politique. Le souverain pontife s'est mis en guerre ouverte avec ces puissances du siècle dont ses prédéces seurs savaient si bien pardonner les fautes et même supporter les rudesses. Mais il faut avouer aussi que le pontificat de Pie IX ne ressemble celui d'aucun des Pontifes précédents. Il restera part dans l'histoire de la papauté. Il marquera la plus grande révolution qu'ait jamais éprouvée cette puissante institution. Les événements auxquels nous assistons depuis la guerre d'Italie, la fin du pouvoir temporel, la revendication par l'autorité séculière d'une foule d'attributions jusque là exercées par l'Eglise n'ont rien assurément que de légitime ils ont mis fin un état de choses qui n'élait plus conforme l'état des esprits ils n'ont fait que replacer la société civile sur ses bases naturelles mais il faut être de bon compte et reconnaître que le souverain pontife ne peut guère entrer dans cette manière de voir. La violence des allocutions consistoriales cessera de nous scandaliser si nous nous rappelons que le pontificat du présent pape a été pour l'Eglise, une crise plus grave que la Révolution française elle- même. Mais si les plaintes de Pie IX nous paraissent trop naturelles pour ne pas être excusables, nous avons plus de peine comprendre la partie de l'allocution qui concerne l'élection du prochain pape. En proclamant qu'il n'y a pour le pontife romain d'autre destinée possible Rome que celle d'être vrai souverain ou captif Pie IX a commis une imprudence. Il a inutilement engagé l'avenir. Il a fait son successeur des conditions que celui-ci ne pourra assurément pas remplir. Nous n'avons certes pas la prétention de deviner sur qui se fixeront les choix du conclave, mais une chose paraît sûre, c'est que le successeur du pape actuel ne sera pas son continuateur. La fiction de l'emprisonnement au Vatican ne pourra se prolonger. Il y a eu, dans l'altitude de Pie IX après les événements de 1870, une question de dignité personnelle qui ne saurait faire loi pour un pape parvenu au pouvoir dans des conditions différentes. Le nouveau chef de l'Eglise n'aura le choix qu'entre deux partis, quitter Rome ou y rester mais s'il y reste, comme il est certain qu'il le fera, il sera obligé de mettre fin des manières de faire qui ne seraient plus de sa part qu'un rôle. La régularité même avec laquelle se sera faite son élection attestera trop hautement la liberté dont jouit l'Eglise, pour que le chef de l'Eglise puisse encore se dire opprimé. Il reprendra Saint-Pierre, ces grandes fonc tions qui importent l'éclat et au prestige du catholicisme. Il circulera travers la ville, et n'y rencontrera que le respect. En un mot, il adoptera forcément un modus vivendi qui aura sans doute l'inconvénient de consacrer les prétendues usurpa tions du gouvernement italien, mais qui aura l'avantage de rendre l'exercice du pouvoir pontifical plus régulier et plus facile. Pie IX a donc eu tort de vouloir enchaîner la liberté de ceux qui vien dront après lui. Il l'a fait dans la simplicité de sa foi vivant dans l'attente d'une intervention mira culeuse en faveur du Saint-Siège, il n'a pas vu d'inconvénient recommander l'intransigeance mais il doit être le premier comprendre que, si le miracle ne s'accomplit pas, la réconciliation entre la papauté et le gouvernement n'est plus qu'une affaire de temps. (Temps). On se rappelle les agronomes du Courrier de Bmixelles, qui nous ont fait il y a quelque temps un petit cours d'agriculture ecclésiastique. L'un, repoussant les théories des spécialistes et les expé riences des gens pratiques, renonçant la bêche et au rateau, attendait tout de l'assistance divine l'autre avait un peu moins de confiance en Dieu, mais pensait que si le fumier de ferme a du bon, la prière cependant est encore meilleure. Voici venir aujourd'hui un bon paysan, brave homme sans aucun doute, qui a lu gravement les articles du Courrier de Bruxelles. Bon catholi que comme son père, allant.la messe comme son grand-père, il est abonné au Courrier parce que son curé le lui a recommandé, et il respecte son curé comme a fait son bisaïeul. Mais quand il s'est trouvé en présence des théories agricoles de sa gazette il a soulevé avec étounemeut ses larges LE PROGRÈS VIRES ACQUIRIT EUND0. ABONNEMENT PAR AN: Pour l'arrondissement administratif et judiciaire d'Ypres. Ir. 6-00 Idem Pour le restant du pays7-00 Tout ce qui concerne le journal doit être adressé l'éditeur, rue de Dixmude, 59. INSERTIONS: Annonces la ligne ordinaire fr. 0-10; Réclames: la ligne fr. 0-25. Vpres, le 31 Hars 18Ï7.

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Le Progrès (1841-1914) | 1877 | | pagina 1