No 244. Jeudi.
3 Mai 1877.
6 FRANCS PAR AN.
JOURNAL D'Y PRES ET DE L'ARRONDISSEMENT
37e ANNÉE.
PARAISSANT LE JEUDI ET LE REVANCHE.
BULLETIN POLITIQUE.
LE PROGRÈS
VIRES ACQUIRJT ECND0.
ABONNEMENT PAB AN: Pour l'arrondissement administratif et judiciaire d'Ypres. Ir. 6-00
Idem Pour le restant du pays7-00
Tout ce qui concerne le journal doit être adressé l'éditeur, rue de Dixmude, 39.
INSERTIONS: Annonces la ligne ordinaire fr. 0-10; Réclames la ligne fr. 0-23.
La Gazette de Londres publie une proclamation
de la Reine, en date du 30 avril, déclarant que l'An
gleterre observera dans la guerre actuelle la neutralité
la plus complète. Cette nouvelle, dit le Moniteur
universelprovoquera une sérieuse détente dans le si
tuation générale.
M. Gladstone a déposé la Chambre des communes
les cinq propositions qu'il désirait soumettre la dis
cussion de cette assemblée.
L'ancien chef de l'opposition veut blâmer la conduite
de la Porte qui, pour se concilier les sympathies de
l'Europe, doit faire dans son administration intérieure
les changements conformes aux intérêts de la justice
et de l'humanité. Comme garantie effective contre les
intrigues qui pourraient se tramer dans la guerre
présente, M. Gladstone propose d'adopter le principe
de la responsabilité individuelle. Un député libéral, M.
Lubbock, a déclaré qu'il s'opposera la discussion et
posera la question préalable.
Dans la même séance, M. Bourke a déclaré que le
secours que porterait le Khédive la Turquie ne nui
rait en rien aux intérêts des créanciers de l'Egypte.
Aujourd'hui comme hier nous n'avons signaler en
Europe et en Asie aucun fait militaire important. Les
Russes manœuvrent et préparent sans doute quelque
opération sérieuse. Mais l'heure n'a pas encore sonné
où ils seront en position de tenter un grand coup.
D'après une dépêche d'Erzeroum, une bataille eu
lieu Kars l'issue n'en est pas encore connue.
La Gazette de Cologne annonce qui six canonnières
russes sont attendues incessamment pour défendre le
pont de Barboche. L'escadre russe ae Nicolaïeff part
pour les Bouches du Danube.
Le Tagblatt de Vienne annonce que le Czar vient
d'ordonner la mobilisation de l'armée du Nord compre
nant 16 divisions d'infanterie, 8 régiments de cavalerie
et 14 batteries d'artillerie. Le général Tottleben en
aura le commendement suprême.
En Russie l'opinion générale est que la guerre ne
sera pas très longue. La Gazette de Cologne croit
savoir que le prince GortchakofF a déclaré 1 ambassa
deur de France Saint-Pétersbourg que la Russie dis
pose de ressources militaires et financières suffisantes
pour une campagne de trois ans, mais que le gouverne
ment espère terminer la guerre avant le printemps
prochain.
La diplomatie attend les événements. A Pesth, on
affirme que le gouvernement austro-hongrois ne fera
pas de réponse la circulaire Gortchakoff, et l'on croit
que l'Angleterre gardera également le silence, tandis
que, d'après le Daily Télégraphla réponse anglaise
aurait déjà été transmise Saint-Pétersbourg. A,Bu:
charest, la convention signée avec la Russie, et qui
avait été déjà ratifiée par la Ghambre des députés, a
été votée également par le Sénat. Le libre passage et
la pleine et entière disposition de toutes les ressources
qu offre l'armée russe le territoire roumain sont donc
accordés par contrai la Russie. On remarque que cette
convention a été signée le 16 avril, c'est-à-dire anté
rieurement l'entrée des Russes sur le territoire rou
main le gouvernement de Bucharest avait donc con
senti l'avance, et il a cédé l'influence des Russes
avant qu'une pression matérielle fût exercée sur lui.
Mais, dit le Nordle bon sens le plus élémentaire
indique que la Roumanie ne pouvait prendre d'autre
parti que celui auquel elle s'est arrêtée. Outre l'impos
sibilité morale qu'il y avait pour ce pays agir contre
une puissance venant affranchir ses frères chrétiens de
l'oppression musulmane, outre l'avantage qu'il trouve
dans un arrangement qui éloignera sans doute de son
territoire le théâtre de la guerre, avantage doublement
appréciable en raison du caractère de la composition de
l'une des armées belligérantes, le gouvernement avait
encore, pour refuser de s'associer la Porte, des motifs
puisés dans les intérêts les plus vitaux de la Roumanie.
En tenant compte des entraves que le gouverne
ment turc a suscités la Roumanie ehaque fois que
celle-ci voulait développer ses relations économiques
avec les Etats de l'Europe par conclusion de conventions
de postes, de commerce ou autres, il est facile de voir
quelle serait la position de cette pricipauté la suite
d'une guerre dans laquelle elle aurait confondu son sort
avec celui de la Turquie. Victorieuse, la Porte ne
songerait rien moins qu'à sacrifier les prétentions
qu'elle a fait valoir jusqu'ici vis-à-vis de la Principauté.
Vaincue, elle s'attacherait peut-être trouver une
compensation sa défaite en resserrant davantage les
liens de vassalité de la Roumanie. Et qui défendrait les
Roumains? La Russie, contre qui ils auraient fait cause
commune avec les Turcs Ou bien l'Europe, qui a
reculé avec tant de persistance devant toute action
coërcitive exercer contre la Turquie Une alliance
effective avec la Porte eût donc été pour la Roumanie
un véritable suicide.
Une dépêche de St-Pétersbourg annonce que les Turcs
continuent expulser tous les sujets russes de leur
territoire. Néanmoins les Turcs peuvent rester en
Russie et se mettre sous la protection de l'Angleterre.
Une nouvelle importante nous est encore signalée par
la Gazette de Cologne. La feuille rhénane croit savoir
que le Czar aura, dans quelques jours, une entrevue
avec l'Empereur d'Autriche.
Il ne faut naturellement accueillir ce renseignement
que sous toutes réserves.
En France, la Chambre des députés reprend ses tra
vaux aujourd'hui.
M. le duc Decazes a été entendu hier matin, au Palais
Bourbon, par la sous-commission du budget qui s'occupe
des affaires étrangères. Incidemment, le ministre a
annoncé aux députés faisant partie de cette sous-com-
mission qu'aujourd'hui, après le tirage au sort des
bureaux, il ferait spontanément et l'occasion de la
distribution du Livre jaune une déclaration très nette
et très catégorique, en même temps que des plus ras
surantes sur l'état des relations extérieures du pays.
Ypres, le 2 Mai 1877.
Un premier fruit de la candidature de M. Janson
est l'élection du candidat clérical comme sénateur
de Soignies. M. Delaroche, qui a si indignement
outragé la Royauté, la emporté de 154 voix sur
son concurrent, qui était pourtant le candidat le
plus sympathique et celui qui réunissait le plus de
chances de réussite. M. Anseaux, en effet, a été
représentant de l'arrondissement de Soignies pen
dant plus de vingt-cinq ans et sa réélection y était
toujours considérée comme tellement certaine, que
le plus souvent le parti clérical ne lui opposait pas
de candidat.
Il s'est donc opéré dans le corps électoral de cet
arrondissement un revirement de trois quatre
ceul voix,dont on ne saurait méconnaître la cause,
car toutes les correspondances, que nous avons
reçues des environs de Soignies, s'aecordent dire
qu'il faut l'attribuer l'élection de Bruxelles.
11 ne restera au libéralisme de province,si de pareils
choix se renouvellent dans la capitale, qu'à décli
ner toute solidarité avec le libéralisme Bruxellois
et qu'à adopter un programme, qui soit en rapport
avec le tempérament politique de ses populations.
Ce n'est pas que la candidature de M. Janson
nous inspire la moindre terreur M. Janson s'est
déshabillé avant d'entrer la Chambre il a laissé
la porte sa vieille défroque républico-socialiste
et nous le croyons assez honnête homme pour ne
plus s'en affubler l'avenir; si d'ailleurs il songeait
jamais vouloir réaliser son ancien programme,
il se verrait bientôt réduit l'impuissance nous
sommes donc complètement rassurés pour l'avenir
mais tout le monde ne partage pas notre quiétude
et on le comprend si bien dans le camp clérical
qu'un de nos ministres, qui on parlait de la can
didature de M. Janson, répondit très-naïvement,
«c'estpour nous une prolongation de vie.pour deux
ans au moins. C'est ce point de vue que nous
avons trouvé celle candidature une mauvaise chose
et que nous formons des vœux ardents pour qu'il
ne s'en présente plus de pareille l'avenir.
Nous ne sommes pas les seuls émettre celte
appréciation et nous recommandons ceux qui nè
la partageraient pas. les lignes suivantes, que nous
extrayons d'une brochure de circonstance et qui
ne manquent pas de justesse
Les électeurs socialistes et ceux qui se laissent
tourne^ la tête par les périodes harmonieuses de leur
grand orateur, devraient bien, s'ils ont souci de l'avenir
au pays, faire trêve, un moment, leur enthousiasme
et considérer froidement ceci
Entre les catoliques et les francs libéraux il existe
une masse flottante d'électeurs qui votent avec les
seconds, lorque ceux-ci sont modérés, et qui se rallient
subito aux premiers, dès que le libéralisme penche un
peu trop vers le radicalisme.
J'appellerai volontiers ces électeurs ni chair, ni
poisson, des hommes sans conviction, tous déloyaux,
traîtres infâmes. Mais quand, tous ensemble, nous les
aurons injuriés sur tous les tons, ils n'en voteront pas
moins pour qui leur plaît. Et qui leur plaît? Ce sont
les catholiques, quand nous nous passons la fantaisie
de faire du socialisme.
Or, nous avons besoin de l'appoint de ces voix
indécises pour lutter sans désavantage centre les ca
tholiques en beaucoup de points du pays, et reconquérir
la majorité dans les Chambres doit être aujourd'hui
notre plus grande préoccupation.
Pour arrêter la crétinisation, la démoralisation du
pays, il faut que les libéraux aient en mains toutes lés
forces que donne la possession du pouvoir. S'ils Re
parviennent pas reprendre le gouvernement de la
nation, la Belgique ne fera que se cléricaliser chaque
jour davantage, et les avancés, les progressiste^ de
toutes nuances, aussi bien que les libéraux modérés,
seront obligés d'abandonner la lutte et de quitter
l'arène.
Elire Bruxelles des hommes comme M. Janson,
montrer des tendances socialistes, c'est rejeter en
arrière les libéraux de province, c'est éterniser le gou
vernement des cléricaux, c'est rendre impossible un
changement de régime... autrement que par une
révolution
Au moment où la Chambre va s'occuper du pro
jet sur la réforme électorale, il n'est pas sans inté
rêt de connaître l'opinion de 1^ section centrale sur