N° 249. Dimanche 37e MRÉE, 20 Mai 1877 6 FRANCS PAR AN. JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSE M ENT PARAISSANT LE JEUIÏI ET LE DIMANCHE. BULLETIN POLITIQUE. Une dépêche nous a annoncé hier qu'à la suite d'explications qui ont eu lieu entre le maréchal Mac-Mahon etM. J.Simon,celui-ci a donné sa dé mission, qui a été acceptée. On en est aux conjectures quant au successeur probable de M. Jules Simon comme président du conseil. Si c'était M. le duc Decazes, les prévisions de noire correspondant se trouveraient absolument réalisées. Voici l'explication de la démission de M. Jules. Simon. Après avoir lu au Journal officiel le compte rendu de la dernière séance de la Chambre des députés, dans laquelle a été votée par 377 voix contre 55 uae proposition de loi de M. Cunéo d'Or- uano, tendante l'abrogation de la loi du 29 dé cembre 1875 sur la presse, le Président de la République a adressé MJules Simon la lettre suivante J'ai vu. avec surprise que ni vous, ai le garde des sceaux n'aviez fait valoir la tribune les raisons qui auraient pu prévenir l'abrogation d'une loi sur la presse votée il y a moins de deux ans sur la proposition de M. Dufaure, et dont récemment vous demandiez vous-mê me l'application aux tribunaux, et cependant dans plusieurs délibérations du conseil et dans celle d'hier matin même, il avait été décidé que le président du conseil et le garde des sceaux se chargeraient de la combattre. M. Jules Simon a répondu, et sa réponse est une assez faible riposte de la part d'un ministre qui a derrière lui l'immense majorité de la Chambre, au chef de l'Etat qui veut faire prévaloir son opinion personnelle sur celle des élus de la nation. Le maréchal de Mac-Mahon sort ici de son rôle de Président constitutionnel et assume une grave responsabilité en s'insurgeant contre un vote de la Chambre. Le maréchal de Mac-Mahon a également écrit MM. Dufaure et Duclerc pour les prier de venir conférer avec lui. D'après l'Agence Havas, M. Dufaure a répondu que, devinant le motif de l'in vitation, il prévenait le maréchal que sa santé ne lui permettait pas d'accepter un portefeuille en ce moment. Sa présence au Sénat, où il s'efforcerait de repousser l'abrogation de la loi de 1875 sur la presse, serait d'ailleurs plus utile. On cite encore M. Léon Renault, ancien préfet de police, comme ayant été chargé de la formation d'un nouveau cabinet. Toutes les gauches se sont réunies au Grand Hôtel et on», tenu une séance très courte. M. Gambella, qui a été acclamé par la foule, a pro noncé quelques paroles, engageant les citoyens rester calmes et espérant que force restera définiti- menlà la majorité. Des cris de Vive Gambetta. vive la République, vive la France, ont éclaté sur divers points. Le bruit court que le maréchal adressera aujour d'hui un message la Chambre et ajournera l'as semblée pour quatre semaines. Les organes républicains sont unanimes expri mer leur mécontentement au sujet de la crise qui a éclaté au moment où le ministère jouissait de la coniiance du parlement et du pays, cependant ils sont d'avis de ne pas s'alarmer outre mesure et at tendant au besoin la dissolution avec confiance. A la suite d'une réunion qu'ils ont tenue hier après-midi, tous les ministres ont remis leur démis sion au maréchal. Une dépêche de Paris nous annonce la formation du nouveau ministère: M. de Broglie a la prési dence et la justice; M. de Fourlou, l'intérieur; M. Cailliaux, les finances: M. Paris, les travaux pu blics; M. de Meaux, l'agriculture; M. Brunei, l'instruction publique; M. Berlhant et Decazes garderont les portefeuilles de la guerre et des affai res étrangères. La marine est provisoirement con fiée un ministre intérimaire qui n'est pas encore désigné. On dit que ce sera l'amiral La Roncière le Noury. Le maréchal donc nommé un ministère de combat, qui s'appuiera sur le Sénat pour résister la majorité républicaine de la Chambre. Ou croit généralement que la Chambre sera prorogée au jourd'hui pour un mois. Il est facile de voir que le bénéfice de la crise revient en grande partie M. le duc Decazes, qui cherchait depuis quelques temps, comme nous l'avons dit plus d'une fois, se débarrasser de M. J. Simon. Appelé avant-hier l'Elysée, le ministre des af faires étrangères a déclaré au maréchal que sa lettre visait M Al. Jules Simon et Martel seulement, et qu'il était possible de conserver les autres minis tres. Maisdans la soirée des idées moins conciliantes prirent le dessus et il fut question alors de M. de Broglie. On proposa M. Decazes de garder son portefeuille. Il répondit par un refus; mais un émissaire du maréchal lui déclara le même jour que s'il persistait dans cette opinion. l'Europe con sidérerait l'avènement du cabinet de Broglie comme le triomphe du cléricalisme, ce qui pourrait créer une situation difficile la France. A l'ouverture de la séance de la Chambre des députés Versailles, M. Devoucoux, le nouveau président des gauches, a interpellé les ministres démissionnaires sur la crise ministérielle. En l'absence de M. Jules Simon, M. Christo- phle ministre des travaux publics, s'est déclaré dans l'impossibilité de répondre, n'ayant pu se con certer avec ses collègues. II a demandé que l'interpellation fût remise au lendemain. M. Gambetta, prenant alors la parole,a soutenu, conformément l'opinion émise par M. Dufaure dans une autre circonstance, qu'il ne peut y avoir d'interrègne ministériel, et que c'est aux ministres démissionnaires s'expliquer. La majorité de la Chambre ayant admis cette interprétation, M. Gambetta est resté la tribune pour développer l'interpellation. Il propose la Chambre de voler l'ordre du jour adopté daus la réunion du Grand Hôtel et portant que Ja majorité ne donnera sa confiance qu'un miuistère républicain entièrement libre dans son action. M. Durfort de Ci vrac, déclare au nom de la minorité que celle-ci ne peut prendre part un débat inconstitutionnel. La Chambre consultée, adopte l'ordre du jour des gauches par 355 voix contre 154. La séance est ensuite levée. Le Times dit que le maréchal Mac-Mahon mar che droit un coup d'Etat au profit d'un fantôme de monarchie que fera perdre la France les béné fices splendides de sept années de paix. Les nouvelles de la guerre nous apprennent quelques succès de l'armée ottomane. Une dépêche officielle de Constantinople annonce la prise de Soukoum-Kalé par les Turcs. La prise de cette ville, sur le territoire russe de l'Abasie, est la meilleure preuve de la réalité de la victoire de Batoum. D'après les dernières nouvelles, deux fortes ar mées turque et russe sont en présence Toprakala, près d'Erzeroum. La prise de Soukoum-Kalé par les Turcs est due en grande partie l'aide des Circassicns et des populations révoltées du Caucase. La Chambre a continué la discussion du pro jet de réforme électorale. M. Defuisseaux a commencé par préconiser le suffrage universel. M. Defuisseaux est entré jeune la Chambre et n'a perdu aucune des illusions de sa jeu nesse. Pour lui, le suffrage universel est une panacée destinée mettre fin tous les abus et telle est l'aberration de son jugement qu'à ses yeux. C'est le suffrage universel qui, après 18 ans, a chassé l'Empire et établi la Répu- blique. D'après notre gros bon sens, le suffrage universel n'a au contraire doté la France que du plus odieux despotisme et ce sont les bajon- nettes allemandes qui ont chassé VEmpire.... A d'autres points de vue, le discours de M. Defuisseaux est arrivé là comme mars en carême aussi la Chambre avait elle l'air de se dire tarte la crème Cependant M. Bara a daigné répondre l'honorable député dû PROGRÈS VIMES AC0CIRIT EUNDO. ABONNEMENT PAU AN: Pour l'arrondissement administratif et judiciaire d'Ypres. Ir. 6-00 Idem Pour le restant du pays7-00 Tout ce qui concerne le journal doit être adressé l'éditeur, rue de Dixmude, 59. INSERTIONS: Annonces la ligne ordinaire fr. 0-10 Réclames: la ligne fr. 0-25. Déjà on avait pu s'étonner que la Chambre dans ses dernières séances eût discuté toute une loi municipale et adopté même quelques dispositions dont au conseil des ministres vous avez-même reconnu tout le danger, comme la publicité des délibérations des conseils mu nicipaux, sans que le ministre de l'intérieur ait pris part la discussion. Cette attitude du chef du cabinet fait demander s'il a conservé sar la Chambre l'iofluenoe nécessaire pour faire prévaloire ses vues. Une explication cet égard est indispensable, car si je ne suis pas responsable comme vous envers le Parlement, j'ai une responsabilité envers la France, dont aujourd'hui plus que jamais je dois me préoccuper. Tpres, tel» Mai 1877.

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Le Progrès (1841-1914) | 1877 | | pagina 1