No 258. Jeudi.
37e ANNÉE.
21 Juin 1877.
6 FRANCS PAR AN.
JOURNAL D'APRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
PARAISSANT LE JEUDI ET LE DIMANCHE.
BULLETIN POLITIQUE.
Le ministère du 16 Mai a pris les devants; il n'a
pas cru devoir attendre le refus du budget pour
avoir recours l'extrême mesure de la dissolution
de la Chambre. Samedi, au début de la séance du
Sénat, M. de Broglie a donné lecture d'un message
présidentiel concluant une demande de dissolu
tion qui a été examinée Lundi dans les bureaux et
sur laquelle le Sénat diseutera aujourd'hui même.
Dans ce message, M. de Mac-Mahon dit, ou
plutôt on lui fait dire, qu'aucun ministère ne pou
vait se maintenir devant la Chambre actuelle sans
l'appui du parti radical, que l'altitude prise par la
gauche au lendemain de la prorogation ne permet
trait plus aucune conciliation, et que dès lors l'ap
pel aux électeurs était inévitable. Le maréchal
s'adresse avec confiance la France qui veut, com
me lui, maintenir intactes les institutions qui la
régissent. C'est probablement pour cela que
Bayard en confie la garde une coalition de bona
partistes, d'orléanistes et de légitimistes dont le
but hautement avoué est le renversement de ces
institutions.
A la Chambre, c'est M. de Fourlou qui a pris
la parole pour annoncer la dissolution. Puis s'est
engagé un débat d'une violence inouïe, pendant le
quel l'attitude des énergumènes de la droite a été
réellement scandaleuse. Confiant dans l'impudence
achevée et la grossièreté bien connue des soi-disant
conservateurs, nous avions prédit Samedi dernier
un incident tumultueux: vrai dire notre attente
est dépassée, et nous ne pensions pas que l'attitude
des soutiens de l'ordre moral serait aussi parfaite
ment ignoble.
En voici un échantillon M. Gambetla, faisant
allusion la candidature possibje de M. Thiers
comme président de la République, est interrompu
par le matamore du Pays
La Chambre a prononcé la censure.
Plus tard le même personnage revient la
charge
Plus tard encore
A certains moments, le tumulte était effroyable
les droitiers, bout d'injures, imitaient les cris
d'animaux un orléaniste faisait le coq un bona
partiste imitait s'y méprendre les jappements du
chien... Voilà ou en est arrivé le grand parti
conservateur en France
Nous ne résumerons pas la discussion tout a
été dit sur la crise. La gauche a accueilli avec
incrédulilé, et l'extrême droite avec une surprise
irrité, certaines déclarations de M. de Fourtou
affirmant que le cabinet est respeclueux de l'indé
pendance de la société civile et saura se soustraire
l'influence cléricale. Le discours de M. Gambetta,
cent fois interrompu par de furieuses clameurs, a
été réellement remarquable de logique et d'énergie.
Nous partons 363, nous reviendrons 400
s'est-il écrié aux applaudissements de la gauche. Il
a terminé en ces termes
Dites la vérité ce n'est pas parce que la
Chambre est radicale, exaltée, que vous voulez
vous en débarrasser c'est parce qu'elle est sage,
prudente c'est parce qu'elle ne vous a pas donné
la satisfaction de votes subversifs, de propositions
désordonnées c'est parce qu'elle était pour l'esprit
public comme une garantie de paix et de progrès
c'est parce que le pays s'était associé son œuvre,
en voyant les différents groupes de sa majorité
marcher d'accord, depuis les confins du centre droit
jusqu'à l'extrême gauche c'est parce que vpus
vous aperceviez que sa cohésion gagnait toute la
France, que vous êtes accourus auprès du maré
chal et que vous l'avez précipité dans les aventures.
Et pourquoi Pour conserver les espérances de
chacun des partis auxquels vous appartenez. (Vive
approbation gauche).
Le pays sait toutes ces choses le pays nous
jugera vous et nous.
Le pays sait très-bien l'avenir qui lui serait
fait si l'un quelconque de ces partis venait triom
pher. Il ne pourrait lui donner que la guerre civile
le lendemain de son triomphe. (Exclamations et
dénégations droite).
Le pays sait très-bien qu'il ne peut y avoir
entre légitimistes et bonapartistes, entre bonapar
tistes et orléanistes, que la discorde et, finalement,
la guerre civile. (Nouvelles dénégations droite.
Oui oui Très-bien gauche).
Il n'oubliera pas surtout, puisqu'on a voulu
donner la prochaine consultation du pays, une
tournure plébiscitaire, il n'oubliera ni le plébiscite
ni les désastres qui l'ont suivi. (Interruptions
droite).
Il se rappellera qu'on lui disait aussi de vivre
d'affaires et de négliger la politique il se souvien
dra qu'on lui disait qu'il fallait se contenter d'un
pouvoir personnel.
Il se souviendra surtout qu'on lui promettait
la paix et qu'on lui a donnéfla guerre. (Bravos et
applaudissements prolongés gauche et au centre.
L'orateur reiourne sa place et reçoit les féli
citations d'un grand nombre de ses collègues).
Brisé de fatigue, M. Gambetta a eu après la
séance un évanouissement qui a duré assez long
temps.
Un incident de la discussion M. de Fourlou
ayant parlé de l'Assemblée de 1871. dont on
peut dire qu'elle a été la pacificatrice et la libéra
trice du pays, immédiatement mue par une
magnifique inspiration unanime, la majorité s'est
levée comme un seul homme, et se tournant vers
M. Thiers, elle lui a improvisé une de ces ovations
enthousiastes qui commandent jusqu'au respect des
ennemis.
VIRES AC0UIRIT EUND0.
ABONNEMENT PAR AN: Pour l'arrondissement administratif et judiciaire d'Ypres. Ir. 6-00
Idem Pour le restant du pays7-00
Tout ce qui concerne le journal doit être adressé l'éditeur, rue de Dixmude, 59.
INSERTIONS: Annonces la ligne ordinaire fr. 0-10 Réclames: la lignefr. 0-25.
CHEMIN DE FER.
HEURES DE DÉPART D'YPRES A
Poperinghe-Hazebrouck. G-30. 12-07. 6-50.
Poperinghe. 7-30. 9-07. 12-07. 3-57. 6-50.
8-45. 9-50.
Courtrai. 5-34. - 9-46. - 11-20. - 2-35. - 5-25.
Roulers. 7-50. 12-25. 6-45.
Langhemarck-Oslrnde. 7-18. 12-06. 6-20.
Langbemarck, le samedi, 5-50.
M. Paul de Cassagnac. - Cet homme vous a ap
pelé fou furieux.
M. Gambetta. - Je suis résolu ne rien entendre
des interruptions qui me seront adressées par la droite.
(Bruit droite). Vous interpréterez mon dédain comme
il vous conviendra.
Je connais votre système vous avez mûri l'habile
projet de m'empêcher de parler. Renoncez-y.
IM. Paul de Cassaguac. - Allez sur votre balcon.
(Réclamations gauche).
NI. le Préaident.-Veuillez, M. de Cassagnac, ne
pas interrompre chaque minute.
NI. Gambetta. - Je comprends très bien que la mi
norité conservatrice adopte une pareille politique, mais
je plains le cabinet de n'avoir que de pareils auxiliai
res. (Applaudissements répétés gauche et au centre).
M. Paul de Cassagnac. - Vous êtes l'ami des co
quins.
NI. le Président. - M. de Cassagnac, vous vous po
sez en insulteur de tout député qui monte la tribune.
(Très bien très bien
NI. Paul de Cassagnac. - Et vous, vous êtes le
complice des insultes qu'on nous adresse. (Exclama
tions gauche).
NI* le président. - Je méprise souverainement les
insultes qui viennent de M. de Cassagnac.
NI. Paul de Cassagnac. - Je vous le rends. (Ex
clamations gauche et au centre. Cris la censure
M. le président. - Je devrais peut-être, après
l'outrage sans précédent dans les assemblées délibé
rantes que M. Paul de Cassagnac a cru devoir adresser
au président de cette Chambre, infliger la punition la
plus sévère qui soit inscrite dans le règlement. Je me
contenterai de proposer la Chambre de prononcer la
censure.
M. Gambetta. - Il y a quelque chose qui domine la
situation. Des divers partis qui se sont associés, celui
qui rêve encore le retour du lils des rois de France
NI. Paul de Cassaguac. - Nous rêvons d'abord
votre disparition.
NI. le présideut. - Veuillez garder le silence M. de
Cassagnac.
NI. Gambetta. - Quand on a ce génie-là, on ne peut
le contenir, cela déborde. (Rires gauche. Bruit pro
longé droite).
NI. le président. - Un pareil spectacle est indigne
d'une Assemblée délibérante. Je voudrais que le pays
pût vous voir pour juger.
NI. Gambetta. - 11 reste un autre parti celui-là est
divisé en plusieurs groupes, peu nombreux, il y a une
corporation très-honnète qui a le secret de sauver les
sociétés un bataillon de chasseurs et l'affaire est faite.
(Applaudissements gauche).
NI. Paul de Cassagnac. - Deux gendarmes suffi
sent pour vous.
NI. le président. - J'a épuisé contre M. de Cassag
nac les peines réglementaires il me réduit l'impuis
sance.
Je suis obligé de le livrer au sentiment de la Chambre
et de la France Rentière. (Très-bien très-bien Ap
plaudissements gauche).