La jubilé national. line brochure instructive. S'il est impossible de s'y opposer, de fermer leurs boutiques, comme l a tenté l'ordre moral, au moins préservons les campagnes de cette contagion Le village n'a pas de libraire, mais le libraire pctilallt-r trouver les villageois. Les colporteurs sont des libraires ambulants. Aussi les colporteurs ont-ils, en France, l'honneur d'être l'objet des plus vives craintes cl de la haine invétérée de l'ullramonlanisine. Ah! si l'on pouvait les supprimer, les détruire, les emprisonner, les brûler eux et leurs marchan dises. comme au bon vieux temps! Quel cau chemar de moins Mais défaut de tels moyens, on doit se contenter de réglementer les objets de vente, que ce soit simplement livres pieux et choses saintes, comme le catéchisme ou les mande ments. L'histoire de la commission du colportage est là pour montrer où l'on peut arriver, quand il s'agit d'écarter des yeux du peuple les lectures saines, fortifiantes et viriles. Ce qui est vrai en France est vrai aussi dans notre pays. Ce que nos adversaires redoutent par dessus tout, c'est la propagande libérale par les journaux. Ce Ilot qui menace de les submerger défie toutes les prohibitions et toutes les dignes. Ils voient leur échapper des mains, l'un après l'autre tous les moyens de résistance. 11 n'est pas de moyens qu'ils n'emploient pour anéantir la presse libérale. On n'épargne ni mena ces, ni mandements, ni refus de sacrements, ni l'excommunication même. La haine qu'ils portent aux journaux libéraux prouve l'excellence de l'œuvre qu'accomplit notre presse. Ces gens-là trouvent qu'on lit trop nous trou vons, nous, qu'on ne lit pas assez. Ils veulent hérisser de difficultés les moyens de lire, nous voulons populariser la lecture de plus en plus. Ils cherchent raréfier les livres; nous demandons les multiplier et les faire parvenir jusqu'aux chaumières les plus reculées. Que chacun, dans la mesure de ses moyens, se fasse instituteur du peuple, propagateur de livres, colporteur de journaux La lecture est aussi nécessaire la liberté que l'air respirablc l'est la vie. Les journaux sont l'a liment nécessaire du peuple éclairé. Si les cléricaux prétendent le contraire c'est qu'ils ont peur de la lumière. -a Parlons encore chiffres, au risque d'émeuterde nouveau contre nous ceux qui ne les aiment pas, et pour cause. Nous venons de recevoir l'Annuaire statistique du département de l'intérieur pour 1877. Or, la page VI, nous trouvons la division, par province, pour le degré de l'enseignement, et nous devons répéter que les deux Flandres sont aux derniers échelons. Pour tout le pays, la proportion est de 58 p. d'illettrés. Il est vrai qu'une note nous prévient que le re censement de 1876 ne s'est pas occupédeces détails et qu'il s'est arrêté tout simplement au chapitre de la population. Ces investigations ont été ajournées au dénombrement général qui aura lieu en 1880, pour satisfaire au vœu émis par le congrès de sta tistique. tendant ce que les grands reccncemenls soient effectués, dans les divers Etals, une époque dont le millésimese termine par unzÉno. Celleidée nous semble singulière et avoir peu de valeur. Le nombre des miliciens qui ont signé la décla ration de lecture des lois militaires était sur cent, en 1875, de 82. et. en 1876. de 81 pour tout le pays. En 1846, la Belgique possédait il serait plus exact de dire; était possédée par 779 couvents renfermant une population de 11.968 religieux des deux sexes. En 1866. elle copiple 1,322 couvents avec une population de 17,236 religieux. Augmentation en vingt années: 543 couvents et 5,268 religieux des deux sexes. La statistique s'arrête en 4866. En supposant ce qui est certainement en des sous de la vérité que le développement des cou vents ait simplement suivi la même progression depuis 1866. la Belgique compte actuellement 1.593 couvents avec une population de 19.870 religieux. Les corporations enseignai)tes pour garçons étaient en 1846 de 80, en 1866 de 85, et pour filles en 1846 de 433 et en 1866 de 861. Depuis lors ces écoles ont triplé Quelle idée aussi pour un travail statistique de s'arrêter toujours douze années en arrière. Il faut avouer que ces écoles, plus nombreuses dans les Flandres que partout ailleurs, en se multi pliant ainsi, ont bien peu fait pour combattre l'ignorance. Il est vrai que les illettrés ayant voix au chapitre électoral, l'ignorance ne peut rien contre la majorité cléricale, au contraire. En 1880, sonnera le cinquantième anniversaire de la révolution qui a donné la Belgique son indépendance et ses libertés et jeté les bases d'une prospérité, certainement inconnue de nos pères. L'événement sera remarquable et digne d'être célébré. Peu de nations en effet, dans ce siècle, si tour menté et si agité, ont eu la chance de vivre, pendant cinquante ans, sous le régime des mêmes lois et d'en être satisfaites. Notre pays a formé comme une exception dans l'Europe continentale; seul il n'a connu ni laguerre territoriale, ni la guerre civile, ni les bouleverse ments sociaux. De plus, en dépit de son triste gouvernement et des sympathies cléricales de ce dernier, il reste fort et respecté l'étranger. En dépit de ses couvents, il jouit d'une position commerciale t-lindustrielle, qui prouve l'abondance de ses ressourses. Toutes ces conditions heureuses, il les doit aux libertés constitutionnelles, dont le Congrès national l'a doté, et qui répondent parfailementà l'élaldenos mœurs, au bon sens pratique et l'esprit de tolé rance de nos populations. Aussi une pensée de patriotique reconnaissance envers cette illustre assemblée animait Léopold II, lorsqu'il y a deux ans, il conviait le pays, célé brer solennellement ce qu'il qualifiait de jubilé nationel, le cinquantième anniversaire de 1830. Userait étrange, que ces circonstances appelassent le parti clérical l'honneur de présider l'organi sation et la célébration des fêtes nationales, hon neur que sans contredit il ne mérite pas et que lui même, s'il était sincère et conséquent, devrait s'empresser de répudier. Ces fêtes doivent être la glorification de la Con stitution, tant de fois maudite par le Vatican, aux applaudissements de nos cléricaux Comment pourraient-ils préparer de tout cœur ces fêtes, si les grandes choses qu'elles doivent rappeler leur sont odieuses? C'est comme si les libéraux étaient appelés glorifier 1 c Syllabus et le jésuitisme Il ne seraient certainement se prêter pareille comédie, et ils auraient raison. Doit-on s'attendre moins de franchise de la part de cléricaux L'honneur de ces fêtes revient de droit au libé ralisme. dont la Constitution, qu'il s'agit de glori fier, réalise tous les vœux et tous les principes et qui. en en vantant les bienfaits, saura le faire de tout cœur, et sans réticence. Il est présumerqu'en juin prochain les électeurs le chargeront de cette patriotique mission, qui va son tempérammenl, sa nature et ses doctrines. Il serait par trop bouffon qu'on choisit, pour prôner le règne de la liberté en Belgique, ceux qui n'hésiteraient pas la supprimer sur l'heure, s'ils en avaient la force. Si le parti clérical est relativement modéré au pouvoir, s'il se borne caser ses créatures, peu pler les administrations, la magistrature d'ullramon- tains décidés, s'il s'abstient de toucher nos lois, nos institutions, ce n'est pas par goût, ruais par impuissance, par crainte de provoquer une surex citation publique qui le rendrait impossibleau gou vernement. La preuve de ces assertions est fournie dans une brochure autorisée qui vient de paraître Bruges, la libraire de St. Augustin, dirigée par MM. Desclée et De Brauwer et qui est revêtue de l'ap probation de l'évêché. Cette brochure, intitulée Catholique et politique, exprime les véritables sentiments du cléricalisme l'endroit de notre Constitution et de nos lois or ganiques. Elle déclare notre Constitution mauvaise vicieuse, consacrant des principes de liberté faux et subversifs, et elle engage les cléricaux se préparer la modifier danslesens du Syllabus et supprimér nos libertés, afin de se conformer entièrement aux enseignements de l'Eglise. En attendant que ce vœu puisse s'accomplir, la brochure épiscopale demande que le ministère ne subordonne pas toujours l'intérêt de l'Eglise aux conseils de la prudence, aux calculs delà politique. En conséquence, elle propose que sans plus tarder, on réalise les réformes suivantes Révision de la loi de milice, de façon rétablir les exemptions en faveur de religieux, des congré- ganisles, de tout ce qui touche l'église. Refus de subside tout enseignement qui ne serait pas absolument inconstitutionnel elultramon- tain. Christianisalion de l'armée et établissement d'aumôneries militaires. Suppression du budjet des lettres et des arts. Nouvelle loi sur les fabriques d'églises, afin de mettre la caisse des communes la discrétion des fabriques. Chômage obligatoire le Dimanche pour les entre preneurs de travaux publics. Retrait de la loi sur les bourses d'études, et re tour des fonctions leurs auciens collateurs, qui, comme on sait, avaient trop souvent l'habitude d'en gaspiller les revenus. Loi nouvelle plaçant les cimetièrpssousrautorité des curés, et établissement du trou des chiens. Protestation permanente contre la suppression du pouvoir temporel du pape. Refus énergique de toute alliance protectrice avec l'Allemagne. La brochure ne dit pas si la Belgique devra dé clarer la guerre M. de Bismarck, mais l'auteur en a, on s'en aperçoit, la plus furieuse envie. -* Le programme ci-dessus devra s'exécuter, si les élections sont favoiables au clergé. Le ministère devra marcher de l'avant, sinon il sera culbuté et remplacé pardes hommes qui accep teront le programme politique des évêques. Il devra aller jusqu'au bout .jusqu'à la des truction de la Constitution même, bien loin de devoir, comme le désirait notre auguste Roi, s'ap prêter glorifiereu 1880 lecinquanfième anniver saire de sa promulgation. Nous n'avons pas besoin d'insister pour mettre en relief l'extravagance du programme proposé et pour dire les bouleversements, les résistances, que provoqueraient infailliblement les tentatives de le réaliser. Mais auparavant, malgré l'appui chaleureux qu il trouve chez tous les organes des évéehés, chez le Courrier de Bruxelles, le Bien Public, la Gazette de Liège, etc., il faudra qu'il subisse l'épreuve périlleuse des élections de Juin. Il esta espérer que les électeurs sauront se montrer assez patriotes pour sauver le pays des projets perturba teurs des cléricaux.

HISTORISCHE KRANTEN

Le Progrès (1841-1914) | 1878 | | pagina 2