V 344.
Jeudi,
38e ANRÉE.
18 Avril 1878.
FRANCS PAR AIN.
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
L'enjeu des élections de Juin.
PARAISSANT LE JEUDI ET LE DIMANCHE.
BULLETIN POLITIQUE.
Le langage tenu par le Times et ses correspon
dants nous fournit la preuve que le caractère propre
la situation actuelle de l'Europe politique, est une
variabilité très grande dans les dispositions des
correspondants et dans les impressions que produi
sent en général, non seulement les événements,
mais même les simples nouvelles, sur l'opinion
publique. Bien que la situation générale des affaires
ne soit pas modifiée, dit l'organe de la Cité, il y a
dans l'esprit du peuple russe comme dans celui du
peuple anglais une idée bien arrêtée c'est que la
guerre est devenue inévitable. Le correspondant du
même journal St-Pétersbourg dit que dans les
centres officiels de cette ville, on considère l'esprit
de conciliation apporté par quelques membres du
cabinet britannique danslerécenldébat commeune
ruse, destinée raillier le reste de l'Europe aYnour
de l'Angleterre et isoler davantage la Russie. Pour
faire admettre cette opinion, on compare les négo
ciations présentes avec celles qui précédèrent
la guerre de Crimée. Alors comme aujourd'hui,
dit-on. il y avait des manifestations périodiques
d'un esprit de conciliation chez les puissances occi
dentales; mais chaque fois que la Russie faisait une
concession, les puissances élevaient une prétention
nouvelle, si bien qu'à la fin le cabinet de St- Péters-
bourg n'avait plus qu'à choisir entre la guerre ou
l'humiliation nationale. Dans les circonstances
actuelles, on signale les symptômes d'une politique
analogue dans l'attitude du gouvernement anglais.
Le Journal des Débats a reçu de Vienne une
dépêche annonçantque des pourparlers sont actuel
lement engagés entre l'Autriche et la Russie pour
amener une entente préalable, afin d'assurer la
réunion et les résultats positifs d'un congrès.
Un télégramme, adressé de Pesth la Gazette
de Cologne, assure que dans les cercfes officiels de
cette ville on regarde l'entente amicale comme
établie entre les gouvernements de Vienne et de
Saint-Pétersbourg.
On assure, du r este, dans les cercles officieux
de Vienne que la réponse du cabinet russe, trans
mise au comte Andrassy par M. le Novikoff. est
conçue dans des termes qui permettront de compter
sur un accord entre les cabinets de Saint-Péters
bourg et de Vienne.
Dans la correspondance diplomatique qui a été
publiée Londres, se trouve une dépêche adressée
par le prince GorlschakoiT au comte Schouvaloff
et dans laquelle le chancelier russe attribue un
malentendu l'affirmation faite par plusieurs jour
naux, que le gouvernement se serait refusé laisser
discuter la question de la Bessarabie au congrès.
Une telle prétention serait illogique, dit le prince
Gortchakoff, puisqu'ils est admis que les puissances'
pourront soumettre au congrès les questions qu'elles
jugeront convenables.
La Gazette générale de l'Allemagne du Nord
assurequele princede Bismark a engagé M. Bratiano
l'aire tous ses efforts pour renforcer l'autorité du
prince Charles qui est intelligent et qui a toutes les
qualités requises pour faire un bon souverain.
Une dépêche, envoyée de Cape-Town, la date
du 26 mars, signale plusieurs engagements impor
tants dans le Transval.
L'approche des élections a souvent la vertu de
convertir les cléricaux l'amour de la liberté et de
la Constitution.
11 n'est plus alors question, dans leur polémique
et dans leurs professions de foi. de tous ces beaux
principes ultramontains dont ils font parade en
d'autres temps.
Ils ne parlent plus des lois chrétiennes, du règne
social du Christ, des enseignements infaillibles du
Saint-Siège, du Syllabus.
Tout cela est mis au rancart, jusqu'au lende
main des élections, où l'on se réserve de reprendre
l'œuvre de réaction liberticide, laquelle s'est con
damné le parti des jésuites.
Nous serions surpris, si l'approche des élections
législatives de Juin n'allait pas cette année opérer
chez nos adversaires son effet habituel et les rame
ner, pendant quinze jours eten apparence, au culte
de la liberté.
Mais il importe, dit YOrgane de Verriers, de
tenir les électeurs plus en garde que jamais contre
cette ruse et cet acte d'hypocrisie, dont le succès
pourrait cette fois coûter cher au pays.
Dans les grands conseils de l'ultramontanisme,
il a été résolu, si le scrutin de Juin était favorable,
d'imprimer la politique ministérielle une vigou
reuse impulsion en arrière, de faire table rase de
toutes les lois contraires aux intérêts et la nomi
nation du clergé et de préparer la révision de la
Constitution et le règne du Syllabus dans un pro
chain avenir.
Ces résolutions graves ont été conseignées dans
une brochure autorisée, imprimée Bruges, avec
l'approbation de l'évêché et elles ont obtenu l'adhé
sion du Bien public, du Courrier de Bruxelles,
de tous les organes importants de l'épiscopal.
Il est donc évident qu'une partie redoutable va
sejoueren Juin et qu'il s'agira de décider si la Belgi
que veut continuer vivre sous l'égide de sa Con
stitution ou se livrer aux expériences ultramou-
taines, avec la perspective de l'hostilité des grandes
puissances et de la perte de sa nationalité. Car il
est douteux que lés grandes puissances qui veulent
bien d'une Belgique libre et neutre, continuent
proléger un peuple, favorisant les menées des jé
suites avec lesquels elles sont toutes plus ou moins
couteaux tirés.
Le prince de Bismarck qui était résolu ne pas
supporter patiemment en France le gouvernement
de l'ordre moral, supporterait-il un gouvernement
de ce genre dans notre petite Belgique, en présence
surtout de cet aveu de la brochure épiscopale, qu'il
y aurait nécessité de rompre avec l'Allemagne?
Cette éventualité est désolante sans doute
mais mieux vautenvouer toute la vérité aux élec
teurs, quand il est temps encore de conjurer le
malheur, que d'avoir plus tard exprimer des
regrets.
Dans la supposition toute gratuite que nos voi
sins nous laisseraient tranquilles, de quels dangers
intérieurs des élections cléricales ne nous menacent-
elles pas
Les cléricaux nous réserveraient le sort au quel
leurs coreligionnaires avaient assujetti la France,
il y a quelques mois et dont ils parlaient avec
enthousiasme et admiration.
Quels abus, quelles iniquités, quels scandales
les gens de l'ordre moral n'onl-ils pas commis?
Ils ont violé toutes les lois, protectrices de l'hon
neur et de liberté, des citoyens; ils ont renchéri,
sous prétexte de salut public, sur toutes les hontes,
et toutes les horreurs du régime impérial.
Ils se sont d'abord attaqués la presse libérale,
qu'ils ont voulu tuer sous les condamnations les
plus arbitraires.
Après avoir cléricalisé et corrompu la magistra
ture, ils lui ont déféré presque tous les journaux
libéraux.
On a compté en quelques mois plus de 3.200
procès, chiffre supérieur au nombre des procès,
intentés pendant les dix-huit ans de l'empire bona
partiste.
Ils ont fait en même temps la guerre tous les
cafés, tous les cercles, où les gens indépendants
pouvaient se réunir.
Sur la dénonciation du moindre mouchard, (la
mouchardise était la mode) le café le plus honnête,
le cercle le plus étranger la politique étaient fer
més dans les vingt-quatre heures.
Les sociétés de fanfares d'harmonie ou de
chœurs étaient dissoutes, pour peu qu'elles fussent
suspectes M. le curé ou M. le maire, son agent.
Les sociétés d'archers ou d'arbalétriers, et même
les société agricoles n'échappèrent pas l'indicliou.
On vit même défendre des foires, des marchés,
des expositions d'horticulture et d'agriculture, sous
prétexte que ces fêles villageoises pouvaient offrir
des lieux de réunion aux gens malintentionnés.
LE
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