La Belgique mise au régime du bâton.
Les gens d'ordre ont lieu d'être effrayés des alti
tudes violentes et agressives que les cléricaux pren
nent dans tout le pays.
Ceux-ci affichent la prétention de se faire justice
eux-mêmes, de se substituer la police, et de se
venger par la force de tous les procédés dont ils
pensent avoir se plaindre, parce qu'ils croient que
les pouvoirs publics ne les protègent pas suffisam
ment.
A Bruxelles, Gand, Bruges, Anvers,
Tournai, Louvain. ils annoncent formellement
l'intention de recourir la force: tantpissi la guerre
civile doit en sortir.
Le Bien public, moniteur de l'évèehé de Gand,
termine un article par ces lignes significatives:
Il est sans doute pénible d'avoir défendre nos droits
par la force, mais ce n'est pas nous qui porterons la
responsabilité de cet état de choses.
Dans tout pays civilisé, les citoyens trouvent justice et
protection, les catholiques belges ne trouvent ni l'une
ni l'autre.
Comment! s'écrie la Vedette, les cléricaux n'ont
plus ni justice, ni protection Ils ont le gouverne
ment, ils ont la majorité, ils ont les places, ils ont
les faveurs, ils ont tout, et ils ne disent encore
opprimés
Ils réclament le droit de bàlonner les libéraux,
quand les libéraux ne marcheront pas leurvolonté,
et se permettront de faire la critique des maivais
prêtres qui s'occupent de politique, et des petits-
frères qui corrompent l'enfance!
Mais si les libéraux leur tour s'avisaient de
répondre coups de bâton aux prêtres qui tous les
dimanches les attaquent en chairedile de vérité
Ce serait le régime de la violence et de la force
substitué au régime de la discussion et delà raison
Mais c'est là où les cléricaux veulent en venir
depuis longtemps.
Un des leurs n'imprimait-il pas, il y a deux ans:
Il nous faut régénérer la Belgique, dans un
bain de sang.
Il y a quinze jours, Louvain, après une bagarre
entre la police et les Xavériens, un d'eux s'écriait
avec décision
S'il faut du sang, on en aura.
Le même jour Dison, un jeune avocat clérical,
dans une conférence, tenue au Cercle noir, disait
qu'il fallait répondre aux vilénies des libéraux par
de justes raclées.
Et le Nouvellistefeuille cléricale du terroir,
estimait que le jeune avocat avait parfaitement
raison, et quelorsquecertains bourgmestres laissent
les libéraux jeter de la boue tout ce que nous
aimons et vénérons, il est juste que l'indignation
publique se fasse justice elle-même.
Plus de police, plus de justice réglée! C'est la
qui doit primer le droit.
Quand un parti en arrive professer et prati
quer de pareilles maximes, ce n'est qu'un parti
d'émeuliers et de révolutionnaires qui menace de
tout pousser l'extrémité.
Il est temps que les élections réduisent ces per
turbateurs l'impuissance, eten élevant au pouvoir
le libéralisme, ramènent l'ère de calme et de tran
quillité. dont le pays jouissait avant 1870.
On écrit de Bruges la Meuse
La situation se présente ici dans d excellentes
conditions pour le parti libéral et nous avons le
meilleur espoir de réussir aux prochaines élections
pour le Sénat. Le succès serait absolument certain
si M. Boyaval consentait céder aux instances de
ses amis et se décidait accepter les suffrages de
ses concitoyens.
Le scandale des affaires Gilliodls et Anthone,
en même temps que l'incapacité des cléricaux
installés l'Hôtel—de—Ville, ont singulièrement
compromis le prestige des cléricaux. A cela vien
nent s'ajouter une couple d'incidents qui auront
leur influence.
Le gouvernement avait beaucoup compté, pour
renforcer son action, sur la nomination du cheva
lier de Kuzelle au poste de gouverneur. Or, ce
haut fonctionnaire s'est fait du tort dans l'esprit
d'un certain nombre de cléricaux ultra-fanatiques
en lançant des invitations pour son premier bal,
fort peu de temps après la mort de Pie IX. La
Patrie a eu beau faire ressortir, dans un article
bien senti, que le deuil du monde catholique ne
mettait pas obstacle aux fêtes de la cour M. de
Kuzelte a eu beau obtenir lui-même l'assentiment
de l'évêque Bruges n'est pas Bruxelles, et beau
coup de dévols sont intimement persuadés que
l'incendie de l'hôtel provincial a été allumé par le
doigt de Dieu.
Un second fait, et des plus importants au point
de vue de l'honneur du parti libéral, est la convic
tion. aujourd'hui faite dans les esprits les plus
rebelles et les plus malveillants, que l'ancien gou
verneur, feu M. Vrambout, a été la victime des
calomnies cléricales. Vous n'ignorez pas la guerre
acharnée qui fut faite cet honorable fonction
naire, au sein du Conseil provincial catholique,
propos de prétendues irrégularités de la comptabi
lité administrative. La respectable Patrie avait
inventé ce propos. les plus méchantes qualifica
tions. Or, tout le monde sait aujourd'hui, Bruges,
qu'il résulte de la liquidation de l'avoir de M.
Vrambout que celui-ci est mort créancier de l'Etat.
Notre ancien gouverneur était un artiste, un détes
table calculateur, et ses amis intimes savent qu'il
avait en horreur toute question d'arithmétique,
surtout quand son intérêt personnel était en jeu.
En dépit des mesquines tracasseries dont il fut
l'objet et qui ont contribué le conduire au tom
beau, on ne put jamais le décider se justifier. Il
se sentait trop sûr de lui-même et de sa scrupu
leuse probité. Aussi a-t-il fallu qu'il fut mort pour
que la vérité éclatât avec la force de l'évidence et
que l'on acquit la preuve que jamais l'ombre d'un
soupçon n'avait pu effleure? sa délicatesse. Tout le
monde est aujourd'hui certain, Bruges, que M.
Vrambout a été l'objet des plus indignes chicanes
de la part de ses adversaires politiques, et comme
la vieille honnêteté flamande est très-chatouilleuse
sur ce chapitre, on sera heureux de venger le
libéral défunt en assurant le succès de l'opinion
dont il fut toujours l'énergique et fidèle défenseur.
Il y a, dit le Journal de Bruges, certainement,
des signes dans l'air, quiéchappenlauxapprécialions
de l'Observatoire, mais qui n'en sont pas moins
inquiétants pour cela. Nous n'entendons pas parler
ici des centres de dépression, qui, se déplaçant,
peuvent d'un moment l'autre nous retirer ou nous
ramener le beau temps, ni delà direction desvents
ni de la scintillation des étoiles. Nous voulons tout
bonnement, nous servant de vieilles figures de
rhétorique, constater que le flot du fanatisme monte
de plus en plus et qu'il est temps de lui opposer
une barrière.
A l'Observatoire, après avoir consulté l'état de
l'atmosphère, on rédige des bulletins. En politique,
après un examen de la situation, on formule des
programmes.
Règle générale, nous n'aimons pas les program
mes. Ils sont la vie publiqucce queles itinéraires
arrêtés d'avance sont aux voyages. Il est bien rare
qu'on les exécute.
Le programme du congrès libéral qui devait
frayer la Belgique notre roule sûre vers le progrès
n'est pas encore exécuté. Et que nous sommes loin
du temps ou M. Nolhomb disait au Congrès national
Il n'y a pas plus de rapport entre l'Etat et la
religion qu'entre l'Etat et la géométrie.
Aux longs programmes dont chaque point est
discutable et discuté, nous préférons une formule
courte et bonne qui contient en germe toutes les
réformes, et nous n'en voyons pas de meilleure que
celle qui consisterait raillier toutes les nuances du
libéralisme qui l'on n'impose pas un programme
comme un dogme.
Celte formule se résume ainsi: Instruction laïque
obligatoire. Indépendancedu pouvoirci vil. Abolition
des privilèges du clergéen dehors du droilcommun.
Il nous est même avis que le premier point
suffirai!, et nous mettons en fait que dix ans après
qu'il aurait été introduit dans nos lois, on se trouve
rait en présence d'un peuple émancipé qui n'aurait
plus besoin de loi contre les fraudes électorales,
parce qu'il voterait sérieusement et librement.
La haine du parti clérical contre renseignement
laïquedit assez que c'est là son talon d'Achille, son
côté vulnérable, le défaut de sa cuirasse. Est-il
donc si difficile de commencer par le commence
ment, et pourquoi vouloir toujours écorcher par la
queue l'anguille cléricale
On écrit de Bruxelles au Journal de Gand que
pour remercier la presse du concours qu'elle a
prêté l'association internationale pour l'explora
tion et la civilisation de l'Afrique centrale, la
direction de la société a fait défense formelle aux
explorateurs de faire des communications quelcon
ques aux journaux belges.
Cette nouvelle est exacte dit YÉconomie une
des dernières lettres que nous avons reçues du
capitaine Crespel. nous avait annoncé, en nous
priant de n'en rien dire, que des observations
avaient été faites aux membres de l'expédition au
sujet des renseignements qu'ils envoyaient aux
journaux.
La mesure en question est aussi inconvenante
qu'absurde, et nous trouvons avec le Journal de
Gand que la presse n'a plus qu'à garder le silence
le plus complet sur tout ce qui a rapport celle
fameuse expédition de l'Afrique centrale.
On écrit de Bruxelles, la Meuse
Je ne sais qui, du Courrier de Bruxelles ou du
Bien publicdisait dernièrement qu'il faut que les
catholiques s'habituent ne plus être rossés. C'était
une façon élégante et adroite de faire entendre qu'ils
se mellent en mesure de rosser les autres. En
effet, le Cercle catholique de Bruxelles a été en
pourparlers la semaine dernière avec un professeur
d'escrime et de bâton. Il a été proposé celui-ci
de venir donner des leçons de bâton et d'escrime,
le soir, dans les locaux du Cercle mais le maître
a trouvé par trop modeste la rémunération qu'on
lui offrait et qui devait s'élever 35 francs par
mois. Sur ses objections, on en a référé au Conseil
d'administration, qui a consenti porter la rétri
bution de 35 francs 100. L'accord était sur le
point d'être conclu, lorsqu'on a fait subir au maître
d'armes un interrogatoire sommaire sur sa clientèle,
et, ayant appris qu'il comptait parmi ses élèves un
journaliste libéral, on a immédiatement rompu les
négociations pour aller sans doute les nouer ail
leurs avec un prévôt plus orthodoxe.
Les journaux de Mons nous apportent des dé
tails sur une séance orageuse tenue Samedi parle
Conseil communal de celle ville.
Un des objets l'ordie du jour était une proposi
tion de M. Delnesl relative la sécularisation du
personnel des hospices, proposition déposée depuis
le 5 Août 1872.
L'auteur de la proposition ayant donné lecture
d'un rapport fort étendu concluant ce que des
mesures immédiates fussent prises pour séculariser
le personnel des divers établissements hospitaliers
de la ville, M. l'échcvin Sainctelctte a combattu
cette conclusion et a proposé de se borner réviser
les règlements des hospices de façon assurer aux
hospitalisés une entière liberté de conscience.
Il s'en est suivi un débat très-vif: M. Delnest a
donné des détails bien singuliers sur ce qui se
passe dans les différents établissements, notamment
l'Hôpital, où une religieuse donnait récemment
des gouttes de genièvre un malade pour l'amener
faire ses devoirs religieux, et l'Orphelinat, où
les élèves ont six heures et demie de prières sur
une heure de leçon et doivent réciter chaque jour
392 pater, ave, credo, litanies et chapelets: cer
tains jours, on les oblige se lever trois heures
du matin pour laver le linge sale, etc. Certai
nement, s'est écrié M. Delnest, aucun père de
famille ne voudrait d'un tel régime pour ses en
fants. Avons-nous le droit de l'imposer aux orphe-