La Manifestation de Gand. Les nouveaux Ministres. Nous lisons dans le Précurseur d'Anvers corps électoral cl nous allons satisfaire tos désirs plus tôt que vous ne le désirez peut-être. Le Journal dYpres commence maintenant réfuter l'incomparable polémique que nous a- vons soutenue au sujet de la candidature de M. Surmotil. Il est bien temps, vraiment. Si le Journal avait eu quelques bonnes raisons nous répondre, il n'eut pas attendu jusqu'à ce jour. D'après certaines rumeurs. M. Surmont de Volsberg renoncerait sa place de Sénateur pour se soustraire la discussion qui aura lieu au sujet de la validité de son élection, et cela se conçoit. Nos ainis soutiendront évidemment que son élection n'est que le résultat de la fraude, de la corruption et d'une pression illégitime du pouvoir. D'ailleurs quelle influence aura-t-il comme Sé nateur lorsque le gouvernement est libéral? Pourquoi ne resterait-il pas membre de la Dépu- talion Permanente? Là il pourrait au moins ennuyer le nouveau Gouverneur. Toujours est i! que d'après l'ordre de jour du Conseil provincial, le mandai de M. Surmonl ne doit pas être renouvelé. Devons nous en conclure qu'il restera membre delà Dépulalion permanente?Peu nous importe, car il est probable que le Gouvernement rognera les attributions de ces Collèges. f Mais le désespoir est dans le camp de nos adver saires; ils restent atterrés devant les résultats d'Anvers et de Gand surtout; Gand, les partis s'étaient toujours balancés 50 voix près, grâce la compression qu'exerçai<mt les propriétaires ca tholiques; aujourd'hui que les électeurs ont récu péré leur liberté, ils ont donné 600 voix de majori té aux libéraux. Et dire, s'écria l'un de nos mata dors cléricaux que nos amis n'ont pas même été assez prévoyants, pour me nommer Commissaire d'Arrondissement. Bah lui répondit un autre, quoi cclà l'eut-il avancé? Tu aurais tout de mê me claqué maintenant (littéral). Pas du tout, reprit le premier, j'aurais prouvé comme deux et deux font quatre, que mon père et moi nous avions été libéraux pendant plus de vingt ans. Ah Je comprends, fil l'autre, et vous eussiez ajouté que vous étiez prêt le redevenir. Au fait. Paris vaut bien une messe. Jamais la ville de Gand n'a été témoin d'une Manifestation pareille celle qui a eu lieu Dimanche. Dès les premières heures de la matinée plusieurs sociétés étrangères et députations des Associations libérales du pays étaient arrivées daus notre ville. A deux heures rendez-vous était donné 'a tuiiles, place de la Station. Toutes les sociétés de la ville, bannière et musique en tête, et des députations et sociétés de plus de soixante villes du pays, la plupart d'entre elles musique en tête, s'y étaient rendues directement. D'un autre côté, les Anversois, les Brugeois, les Lokrois étaient arrivés par les stations du pays de Waes et d'Ecloo. Plus de 2,000 libéraux étaient arrivés d'Anvers seul, et cet immi nse cortège, ayant sa téle MM. Pecher, Van der Tae- len et Delvaux, est allé réjoindre, place d'Arlevelde, les autres députations arrivées par la station de l'Etal. Le pays entier s'était donné rendez-vous Gand pour y acclamer celte victoire du 11 Juin qui a marqué la délivrance du pays. Le cortège, composé de milliers et de milliers de personnes, se dirigea par la rue Digue de Braliant, la Place d'Armes, la rue des Champs, le Marchés aux Grains, la rue aux Draps vers la place du Casino. On peut juger de ce qu'il comprenait de monde par ce fait qu'il a fallu plus d'une heure pour le défilé Ce fut une marche vraiment triomphale. Partout, sur le passage de Ij députation d'Anvers surtout, de toutes les fenê tres tombait une pluie de fleurs, partout s'élevaient les cris confondus de vive d'Anvers! vive Gand et, chaque fois qu'on reconnaissait dans la foule M. Pteher, les cris unanimes, enthousiastes de Vive Pecher! La moitié du cortège'a peine a pu trouver place dans la grande salle du Casiuo. Là, les diiïérrntes députations forent reçues par les prési dents de notre Association, MM. de Kerkhove, Meldepen- nii gen et d'Elhoungne. A côté de ces Messieurs nous avons remarqué sur l'estrade MM. Bnra, ministre de la justice; Rolin-Jaequemynsministre de l'intérieui Mascarl, vice- président de la Fédération libérale. Bientôt vinrent se joindre ces messieurs les chefs des députations de tout le pays, MM. de Hossius,Pecher, Van der Taelen, Wouters, Delvaux, Everaerts, Michiels, Biart, Sac- queleu. Van SchoorJollrand, Goblel, Van Nit-uwenhuyse, d'Hoiïschmidt, Cuinonl. cent autres que n'avons pu recon naître au milieu de la foule. L'aspect de la grande salle du Casino au moment de l'arri vée du cortège était magnifique. Au fond de la salle se trou vait la vaste estrade de la société des Chœurstoute rem plie de dames. Le haut de l'escalier, tout les fenêtres donnant sur la grande salle également garnies de dames donnaient la salle l'aspect le plus gracieux. Dire au milieu de quelles acclamations, au milieu de quel enthousiasme le cortège y lit son entrée, nous y renonçons. Ce fut une longue explosion d'enthousiasme fraternel et patriotique, dont tous les cœurs se sentirent émus et dont le souvenir restera gravé dans la mémoire de tous ceux qui ont assisté cette scène grandiose. Lorsqu'enfin la salle fut pleine, lorsqu'enfin les acclama tions prirent fin, M. le Bourgmestre de Gand se leva pour ouvrir la séance. Une magnifique ovation fut faite au premier magistrat, au chef aimé du parti libéral gantois. M. de Kerchove put enûn prendre la parole et souhaiter la bienvenue aux frères étrangers. Puis M. de Kerchove donne la parole M. Pécher. Le grand citoyen d'Anvers est accueilli par de longues et en thousiastes acclamations. M. Mascart prononce ensuite, au nom de la Fédération libéiale, quelques parolesde félicitation aux libéraux flamands. Après la parole est donnée M. de Rossius, délégué de l'Associatiou libérale de Liège, dont l'éloquence élégante et chaleureuse soulève une vive émotion. M. Jollrand félicite les libéraux flamands au nom de l'As sociation de Bruxelles. M. Van der Taelen, l'énergique et populaire président des gueux anversois prononce ensuite, avec celle verve vigou reuse et simple qui lui est familière, une allocution flamande. A peine les longs applaudissements qui ont salué ces paroles ont-ils cessé, que M. de Kerchove donne la parole l'illustre orateur M. d'Elhoungne. Un grand silence se fait et M. d'Elhoungne remercie, avec émotion, les milliers de libéraux venus Gand pour se réjouir avec eux de la délé— vrance de la patrie. Son discours est suivi d'une longue agitation et d'acclama tions qui ne finissent que pour recommencer plus enthou siastes. M. de Kerchove semble se disposer lever la séance, mais toute l'assemblée qui voit M. Bara siéger ses côtés et qui souhaite ardemment entendre la voix aimée du président de la Fédération libérale, éclate en cris de: Bara! Bara! Bara! Touché de la spontanéité de celte ovation, toute pleine d'admiration et de reconnaissante affection, M. Bara se lève immédiat) ment et prononce quelques paroles, qui sont cou vertes de longs applaudissements. M. de Kerckhove propose l'assemblée, avant de ce séparer, de crier avec lui: Vive le Roi vive la Constitution vive la liberté! L'assemblée se sépare au milieu de ces cris mille fois répétés et en proie un enthousiasme indescriptible. Voici les noms de villes et sociétés étrangères qui étaient représentées la manifestation: Anvers, (Association libérale, Ligue des gueux, Associa tion libérale flamande, Stryders-bond, la Ruche Wallonne), Alost, Alh (Association libérale), Alh (Denier des Ecoles), AudenardeArlonA»elghem, Braine-le-Comte, Bruxelles (Association libérale), id. (Ligue des Gueux), id. Denier des Ecoles, id. (Académiciens debouls), id. (Etudiants), Brugrs, Blankenberghe, Boom (avec grande harmonie), Capryke, Charleroi, Courtrai, Deinze (avec musique), Diesl, Dînant, Dixmude, Enghien, Fumes, Grammont, lx< Iles, Jemmappes, St-Josse-len-Noode, Jelle-St-Pierre, Hasselt, Huy, Laeken, Lessines, Leuze, Liège (Association libérale), id. (Etudiants), Lierre, Ledeberg, (avec musique), Lokeren, Lotivain, Mati nes (Association libérale), id. Jeune Garde (avec musique), Marche, Maesyk, Mons, Menin (Union libérale), id. (avant- garde) id. (Société Plnlarmoniquemusique), Mocrbeke (musique), Mouscron, Namur, Ninove, Nivelles (avec 2 musi ques), Nieuport,Ostende, Peruwelz,Poperinghe,Quevaucamp, Reuaix, Roulers, Saffelaere (avec musique), Schaarbeek, Si- Nicolas, Soignies, Sottegem, Termonde (avec musique), Tirle- mont, i'ongres, Tournai, Thielt, Thuin, Waremme, Wasmes, Wetteren, Verviers, Willebroek, (avec musique), Ypres (avec musique, les Wilte Klakken), id. le Denier des Ecoles. Plus de soixante sociétés de la ville ont participé au cor- tége. Dans la salle du Casino, on comptait plus de cent bannières et écusson. On remarquait, enlr'autres, un drapeau magnifique sur monté d'un superbe balai bleu. L'estrade occupée par les députations était couverte de bouquets splendides, de toutes les formes et de toutes les demensions. Nous apprenons que Son Exc. le président de la République d'Haïti, eu récompense des services rendus par M. E. Roelandts de Beaucourl, vice- consul. l'a promu au grade de consul en résidence Gand. Les nouveaux ministres sont trop connus pour qu'il y ait lieu de les présenter au public, soit chez nous, soità l'étranger. La biographie de MM. Frère- Orban cl Bara figure dans tous les dictionnaires. Le général Renard faisait partie du précédent mi nistère libéral. M. Van Humbeeck siège laCham- bre depuis dix-huit ans. Il y a succédé Charles de Brouckere en 1860. Il a été depuis 1869 jus qu'en 1877 le président de XAssociation Libérale. M. Saincleiette fait partie de la Chambre depuis dix ans, et, quoique jeune encore, figure déjà parmi les vétérans de la gauche. Les seuls hommes vraiment nouveaux du cabi net sont MM. G. Rolin-Jacquemynset Ch. Graux. Et encore M. Rolin jouit, depuis de longues années, d'une grande notoriété dans le monde politique et plus encore dans le monde savant. Il est correspon dant de l'Académie royale de Belgique et d'un grand nombre de Sociétés savantes de France et d'Allemagne. Il est connu surtout par ses travaux sur le droit international. M. Rolin louche par différents côtés aux tradi tions parlementaires. Son père fut ministre des travaux publics avec MM. Frère-Orban et Rogier, après avoir été l'une des gloires du barreau de Gand. Le ministre d'hier a épousé la fille de M. Jaequemyns, ce savant la fois modeste etéminent, qui, représenta pendant de longues années au Par lement sa ville natale, et qui est mort, après, une longue carrière publique, depuis les événements de 1870. Nous ne croyons pas qu'il y ait d'exemple en Belgique du père et du fils occupant l'un après l'autre le banc ministériel. M. Ch. Graux est avocat et professeur de droit criminel l'Université libre de Bruxelles, où son père occupa jadis une chaire dans la Faculté de médecine. Quoique sénateur, il est le plus jeune membre du cabinet. Lui aussi avait des attaches avec le monde parlementaire par son oncle, M. Léon Cans, qui fut longtemps représentant deBru- xelles et qui occupe aujourd'hui les fonctions de directeur général de la Caisse d'épargne et de re traite de l'Etat. Par une coïncidence assez bizarre. MM. Graux et Van Humbeeck entrent ensemble dans le cabi net après avoir été adversaires devant la justice dans un procès historique, le procès intenté par M. Goblet d'Alvieilla au général Eenens pour avoir attaqué la mémoire de son grand'père dans son livre sur les Conspirations de 1851. M. Graux plai da la cause du général Eenens et la gagna contre son collègue, M. Van Humbeeck. représentant son autre collègue, M. Goblel, lequel a partagé avec M. Graux les honneurs du scrutin aux dernières élections de Bruxelles. M. Rolin-Jacquemyns est connu comme orateur, et le discours qu'il a prononcé récemmentà l'Asso ciation libérale de Gand donne la mesure de son talent, doublé d'une sérieuse érudition. M. Graux passe, de son côté, pour un des avocats les plus littéraires et les plus lettrés du barreau de la capitale. La procession de la Fête-Dieu estsortie dimanche dans toutes les villes et les villages, en suivant le même itinéraire et avec autant de tranquillité et de solennité sous le ministère gueux que sous le mi nistère clérical. Les troupes y ont paru comme l'ordinaire, non pour maintenir l'ordre, qui n'y est et n'y sera jamais troublé, mais pour rehausser la solennité. Le ministre de la guerre, que la presse cléricale qualifie de gueux comme les autres mi nistres, avait donné désordres en cette circonstance.

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Le Progrès (1841-1914) | 1878 | | pagina 2