Y P RI A N A.
386. Jeudi,
38e ANNÉE.
12 Septembre 1878.
6 FRANCS PAR AN.
JOURNAL S»'YP!W;S ET 0 E t A kïiO N D1SSEUEN T.
PROGRES
PARAISSANT LE JEUDI ET LE MMANCIIE.
VIRES AcéflRIT ÊUNDO.
ABONNEMENT PAR AN: Pour l'arrondissement administratif et judiciaire d'Ypres. Ir. 0-1)0
Idem Pour le restant du pays7-00
Tout ceilili concerne le journal doit être adressé féditeùr; rire de Dixmude, 39.
INSERTIONS Annonces la ligne ordinaire fr. 0-10; Réclames: la ligne fr. 0-25.
CHEMIN DE FER. (I1' Septembre).
HEURES DE DEPART b'VPRES A
Popwingbe-Hazebrmiek: 0-20. 12-07. 0-47.
Poperinghe. 0-20. 0-07. 10-05. 12-07. 2-45.
5-57. 6-47. 8-45. 9-50.
Courtrai. 5-54. - 9-52. - 11-20. - 2-40. - 5-25.
Roulers. 7-30. 4 2-23. 0-30.
Langhemarck-Ostrnde. 7-20. 12-00. 0-07.
Langhernarck, le samedi, 3-50.
BULLETIN POLITIQUE.
M. Bardoux, le minititre de l'instruclion en
France, a trouvé Dreux un accueil des plus sym
pathiques. En présidant l'inauguration des éta
blissements scolaires de cette ville, le ministre a
été amené tout rràlurellemenl la féliciter des sa
crifices qu elle s'est imposés, et il a fait ressortir,
dans quelques paroles en réponse celles qui lui
avaient été adressées par M. Galineau, l'intérêt
social et patriotique qu'il y a donner, l'instruc
tion populaire, le premier rang dans les préoccupa-
lion des hommes politiques. M. Bardoux a insisté
sur le prineipede l'obligation, pour tous les parents,
de donner leurs enfants des moyens des'inslruire.
C'est, a-l-il dit. aimer la patrie qu'aimer
l'école.
C'est une idée juste heureusement formulée.
Notices, Eludes, Notes et Documents sur Ypres, par Al
phonse Vandenpecreboom. Tome premier. Les
Halles d'Ypres. XII-402 pages, 4 plans, 13 eaux-
fortes 1878.
Sunt lacrymae rerum, a dit le poète, et il semble, en
effet, en contemplant dans leur solitude les gigantesques Hal
les d'Ypres, qu'elles pleùrent un passé où un monde de tra
vailleurs circulait'flots prëSsés dans leur immense vaisseau.
Ypres a dix-sept mille habitants aujourd'hui j au XIIl" siècle,
ses échevins exposaient au pape qu'elle en comptait deux crnt
mille. Ce chiffre est-il fabuleux? Les Halles d'Ypres fournis
sent une éloquente réponse elles occupent une superficie de
4872 mètres carrés: la salle- de l'étage en compte, elle seu
le. 2473. Les quatre façades se développant Sur 353 mètres,
la façade principale seule en compte 152. De pareilles propor
tions démontrent une population énorme. Veui-on connaître
la richessedela commune? Sesdrapiers construisent leurs pa
lais leurs frais exclusifs. Un détail puisé dans les archives
donne l'idée de la légion d'ouvriers qu'ils y employèrent: en
une seule semaine, od paya 42 livres parisis pour achat et ré
paration de trois mille six cent marteaux.
Il ne faut pas insister beaucoup pour faire comprendre
l'attraction qu'exerce sur l'imagination et la pensée le specta
cle de cette grandeur et de celle décadence. On peut, en
décrivant tin monument comme ces Halles ressusciter une vil
le entière tout se rattache un édifice aussi colossal, non-
seulement l'histoire de l'art et de l'industrie, mais celle des
institutions et des mœurs, en un mot tout ce qui constitue
l'existence morale et politique d'un centre populeux, nous al
lions dire: d'un Etat. C'est qu'en effet, au moyen âge, les
grandes communes flamandes sont devérilablesEtats; elles oc
cupent le rang des hauts barons comme ceux-ci elles ont des
armoiries; leur beffroi, le dragon qui le surmonte, la cloche
qui sonne dans son capanile sont des symboles qui affirment
leurs droits et leur situation privilégiée. Lacommuneadmtnis-
tre, juge, légifère au besoin; elle pourvoit toutes les fonc-
i 1)011
Mais h; .passage politique le plus important de la
courte allocution ministérielle est celui où M. Bar
doux ajinçuce la présentation prochaine d'un pro
jet de loi qui rendra l'enseignement primaire obli
gatoire.
Le prince de Bismark, irrité des>résis>tances que
la Porte oppose l'exécution de plusieurs articles
du traité de Berlin, vient d'inviter les grandes
puissances faire une démarche commune Con-
stanlinoplc. L'Autriche, la France et la Russie ont
adhéré immédiatement cette proposition. Quant
l'Angleterre et l'Italie, elles n'ont pas encore
répoudu la circulaire du chancelier de l'empire
d'Allemagne. L'intervention de toutes les grandes
puissances si elle peut être obtenue, meltra.il n'en
faut pas douter, un terme aux tergiversations de la
Turquie.
Pendant que les circulaires du prince de Bismark
faisaient l'objet des délibérations des chancelleries,
le gouvernement i hellénique, ému du refus de la
Porte jd'envpyer des'délégués pour régler la ques
tion de, la délimitation des frontières, réclamait la
méd/aliop <tes grandes .puissances. M. «Delynnnis,
ministre dçs, ,a flaires ^étrangères, a expédié Diman
che sa circulaire dont nous connaîtrons bientôt le
texte.
Dans leur prochaine session, qui s'ouvrira le 27
lions de son gouvernement; deux cent mille habitants, la
ville, la banlieue, les relations avec les autres villes, grandes
et petites, avec l'étranger, l'organisation militaire, un com
merce prodigieux, des affaires au loin, tout cela au milieu des
guerres, des convoitises du prince, des troubles inlérii urs,
quelle intensité de vie cette activité suppose Joignez-y la
culture des esprits développée par la richesse, qui donne les
loisirs et vous verrez s'ouvrir des perspectives sur le mouve
ment que de semblables conditions matérielles et murales doi
vent imprimer aux intelligeQcrs.
Nous nous vantons souvent de nos libres communes et nous
nous complaisons parfois h nous nommer les descendants des
libres cpmmuniers; mais combien en est-il parmi nous qui
daignent scruter de pics ce passé quicaresse leur fibre patrio
tique On concède que la nature ne procède pas par sauts,
dès lors comment peut-on prétendre connaître le présent,
quand on avoue n'avoir qu'une notion superficielle de ce qui
l'a précédé M. Vandi npeereboom ne s'est pas borné pro
tester, au nom d'une saïue discipline intellectuelle, en faveur
d'une étude plus approfondie de notre histoire, il a fait mieux,
il a payé d'exemple après avoir publié un grand nombre
d'articles dans une revue qu'il a fondée; les annales d'Y
presil a fait paraître, en ces dernières années, ses Cours
de justice de la West-Flandre et son Essai de nu
mismatique Yproise, qui a été signalé ici même. Toutes
ses œuvres, et le nouveau volume qu'il publie comme les au
tres, témoignent d'un même sentiment une prédilection, qui
se conçoit sans peine, pour sa ville natale. Comme on ne creu
se et ne fouille que les sujets que l'on aime, la science ne peut
que gagner une préférence qui ne se dément point.
Les Halles d'Ypres forment, comme le dit M. Vandenpee-
reboom, une trinité monumentale le Beffroi, la Halle aux
draps, l'Hôtel de ville.
Quand les Halles ont-elles été construites? L'ont elles été en
une fois ou successivement? C'étaient des questions fort dis
cutées parmi les antiquaires. On a cru longtemps avec Gra-
maye et Sanderus que, sanf le Beffroi reconnu généralement
comme étant d'une époque antérieure, elles ne remontaient
qu'à 1342. Comme maintes fois déjà les légendes ont été dé
truites par des simples postes de comptes communaux. Lain-
dt* ce mois, les Chambres de Roumanie auront
discuter la rétrocession de la Bessarabie la Russie
el l'annexion de la Dohroudscha. Il est hors de doute
que la majorité des Chambres approuvera les déci
sions du cabinet, qui a déjà écrit Saint-Péters
bourg que la (Russie peut prendre possession de la
Bessarabie quand bon lui semblera, et que les
magistrats el les fonctionnaires roumains ont reçu
l'ordre de retourner Bucharest dès que les Russes
feront leur apparition.
Quand la questinn de la Dohroudscba, elle ne
parait pas non plus de nature inspirer des inquié
tudes. Quelques journaux étrangers, toujours
l'affût de nouvelles sensation. se font écrire que
les Roumains pourraient être reçùs dans la Dobroud-
seba. comme les Autrichiens l'ont été en Russie,
mais des renseignements pris sur les lieux démon-
Irenl qu'il ne faut attacher aucune importance
ces racontars.
L'ouverture du Parlement a eu lieu, la salle
Blanche du château.
Le eointe de Slolberg a donné lecture du dis
cours du trône qui s'occupe exclusivement du pro
jet de loi contre les socialistes. Il ne fait aucune
mention ni de la politique étrangère, ni d'aucun
autre projet de loi.
Le discours termine en exprimant l'espoir que
bin avait entrevu la vérité, mais il n'avait produit a l'appui de
sa thèse que des traditions recueillies chez les chroniqueurs.
M. Vandeupeereboom apporte des documents authentiques et
parvient établir:
Que le Beffroi a été élevé antérieurement 1250, la partie
orientale des Halles vers la même époque el la partie vers l'oc
cident en 1245.
L'hôtel de ville Stedehiiis ne fut construit que vers
la fin du du XIVe siècle. D'après certaines traditions, on l'é-
leva sur l'emplacement d'une Halle aux pelleteries démolie
vers 1342. M. Vandenpeereboom croit pouvoir conclure des
document qu'il a réunis, que celte aile des Halles était sem
blable aux autres, de sorte que, chose importante noter, il
fut un temps où les quatre ailes de l'admirable édifice étaient
de même appareil et de même style.
Chaque partie des Halles est décrite son tour dans cette
monographie si complète, el non-srulcnieiil la physionomie
extérieure du momeut, mais sa distribution intérieure dans
tous ses détails. Voici d'abord le beffroi flanqué, ses qua
tre angles, de tourelles percées de meurtrières, comme les
échaugaeltrs des donjons féodaux, avec son comble revêtu
d'ardoises el de plomb, sa lanterne pour les gens du guet, sa
galerie merlons el créneaux, sa large baie de porte ogivale,
où l'on s'attend voir lever la herse el se lever un pont levis.»
A son premier étage, se trouve la chambre aux privilèges.
En ces temps la lettre est tout point de droit sans litre aussi
il importe de garder celui-ci soigneusement. Comme l'écrivait
un jour Michelet, le droit est alors l'humble serviteur d'une
chose tangible et maniable qu'on serre elqu'on lient seusclef.»
En 1280 le beffroi de Brugesesten feu, les chartes sont incen
diées. Guy de Dampierredéclare la villedéchue, par cria seul,
de ses p ivilégrs; elle ne peut en effet plus les représenter.Le
mot privilège lui-même n'a pas alors le sens que nous lui don
nons aujourd'hui le privilège, c'est littéralement une preuve
écrite. Voilà la raison de ces huches ventaux ferrés, de ces
sept dépositaires des clefs, des nombreuses et minutieuses
précautions prises par la commune pour défendre l'accès de
sa trésorerie.
[La suite au prochain numéro).