Histoire vraie d uo bras cassé. PLOEGSTKI RT. A DICkl IilSCH. situation. Elles le sont encore aujourd'hui et tous les jours nous pourrions les adresser ces bêtes d'encre, qui déversent dans les colon nes du petit journal flamand des torrents d'injures et,sous le voile de l'anonymat, diffa ment les personnes les plus notables et les plua respectées de la ville. Nous poserons une seule question au Jour nald'Ypres. Comment appellerez vous celui qui, sous le couvert de l'anonymat, accuse un magistrat communal de payer, avec l'ar gent de la ville, des dépenses personnelles Pour nous c'est un lâche, et ce lâche que le Journal n'a jamais désavoué, mais qu'il a encouragé, nous sommes sûrs qu'il ne se fera jamais connaître. La parole est au Journal dYpres. D'Elverdinghe Ploegsteert, il y a loin. N'im porte! Allons y un peu pour voir, comme on dit rue au Beurre. C'est un pays inexploré et qui, notre connais sance du moins, n'a guère servi de thème jusqu'à ce jour aux polémiques des journaux. 0 Enfin mieux vaut tard que jamais, dit un vieux proverbe. En route. A Ploegsteert comme ailleurs c'est la question scolaire qui est l'ordre du jour. Il y a là une excellente école communale qui au jourd'hui encore compte au-delà de 70 élèves. Malgré ce chiffre respectable, le conseil commu nal a mis le sous-instituteur en disponibilité pour suppression d'emploi. Toute la charge retombe donc sur M. Cosyns, l'instituteur en chef. C'est légal, me direz-vous Oui et non! En strict droit, la comme n'est tenue sous le ré gime actuel, qu'à conserver un seul instituteur. Mais il résulte d'autre part des discussions qui ont eu lieu aux Chambres et de l'exposé des motifs, qu'en pratique, le personnel enseignant doit être en rapport avec la population scolaire. M. Jacobs lui-même l'a reconnu et M. Thonissen, dans une circulaire en date du 5 Novembre dernier, déclare en termes exprès que le personnel ensei- gnant doit être rationnellement proportionné la population de l'école. Et il ajoute Les communes n'auraient aucun droit ces subsides (les subsides du gouverne- ment) si elles éludaient leurs obligalions, soit en éloignant l'école des populations qui la réclament, soit en restreignant abusivement les dimensions ou le personnel. Il ne viendra l'idée de personne de prétendre sérieusement qu'un seul instituteur puisse convena blement donner l'instruction 70 enfants, filles et garçons. Cela est de toute impossibilité. La cléricale administration de Ploegsteert qui semble assez disposéeà n'en faire qu'à sa tête, con naît-elle la loi En saisit elle bien le sens? Nous sommes tenlés d'en douter. D'après un échantillon de conseiller communal qu'on nous a fait voir, nous nous en faisons, part quelques honorables exceptions, une assez piètre idée. Aussi ces gens-là ont-ils rejeté avec mépris une pétition par laquelle un grand nombre de pcres de famille ayant des enfanls en âge d'école, demandaient le maintien en fonctions du sous-iustituteur. R. Bien que l'école communale compte au delà de 60 élèves, le sous-instituteur a été mis en disponibilité pour suppression d'emploi. Le conseil communal a voté un subside en faveur de l'école libre quoique celle-ci ne soit pas adoptée. Cette décision constitue une illégalité flagrante surlaquelle nous appelons l'attention de qui de droit. Le 23 Décembre dernier, a comparu devant le tribu nal correctionnel d'Ypres, un certain Joseph Maurau, professeur au collège St-Vincent de Paul, en cette ville, prévenu d'avoir, par défaut de prévoyance ou de précaution, cassé le bras un de ses élèves, Robert Declercq. Or, Maurau, quoique laïc, appartient l'enseigne ment clérical. Donc il est innocent. Telle est la tbèse soutenue par le Journal et déve loppée dans des articles aussi longs que prétentieux dont le second finit d'ailleurs en queue de poisson. Notre confrère appelle cela une étude judiciaire Nous nous permettront de rendre compte notre tour des affligeants débats qui ont eu lieu devant le tribunal d'Ypres et nous essayerons de jeter un peu de lumière sur cette - histoire d'un bras cassé qui a tant pas sionné nos adversaires et qui aujourd'hui encore sert de thème aux élucubrations de leur presse. Nous exposerons les faits sans passion, sans parti pris et nous n'insulterons pas les magistrats qui ont siégé dans cette affaire. Certain jour du mois de Septembre dernier, le nommé Joseph Maurau, faisait danser la corde les élèves dont il avait la surveillance. Ce genre d'exercice, vivement recommandé, dit maî tre Biebuyck, par les hygiénistes, fait, paraît-il, les délices du corps professoral aussi bien que des élèves. Les extrémités de la corde étaient tenues, l'une par le professeur, l'autre par un enfant. L'un et l'autre tournaient. Les mioches, se suivant la queue leu leu, avaient chacun leur tour de venir gambader devant le maître qui semblait tout d'abord prendre un grand plaisir cet innocent divertissement. Il faut croit e cependant qu'à un moment donné, cet exercice si vanté par les hygiénistes agaça terriblement les nerfs de l'irascible pion, car lorsque ce fut au tour du petit Robert Declercq de sauter, Maurau, au lieu de continuer tourner la corde, la tendit brusquement de manière faire tomber l'enfant Il faut bien varier les plaisirs, quoi L'enfant tomba en effet, mais si malheureusement qu'il se cassa un bras. Il fondit en larmes et s'écria J'ai le bras cassé. Au lieu de courir l'enfant, de lui demander s'il ne s'était pas fait mal dans sa chute, Maurau ordonna aux autres enfants de se tnoquer de leur camarade. Il pleure, dit-il, moquez-vous de lui. Et en présence du maître, un enfant frappa le petit Declercq et, saississant le bras cassé, le fit tourner dans tous les sens. Le sang coula Maurau s'en aperçut, conduisit le victime dans un hangar et donna ordre un enfant de neuf ans de la conduire chez ses parents, l'extrémité de la rue de Lille, c'est-à-dire plus de dix minutes de l'établisse ment Voilà les faits dans toute leur simplicité, dans toute leur cruauté, tels qu'ils ont été établis l'audience par de nombreux témoins, tous camarades du petit Declercq. Maurau était poursuivi en outre du chef de coups volontaires distribués neuf de ses élèves. Il résulte des dépositions des témoins recueillies au cours de l'instructioh et l'audience que les élèves re cevaient fréquemment des coups de règle sur les doigts. Quand ce moyen de correction ne suffisait pas, Mau rau s'amusait pincer les jambes des enfants. A d'autres, il tirait violemment les oreilles au point que l'un d'entre eux, atteint d'une affection comme sous la dénomination familière de croûte de lait a eu l'oreille peu près détachée de la tête. Quand les enfants sont turbulents, Maurau les met debout sur une chaise, de manière que leurs pieds dépassent le siège de quelques centimètres. Alors il s'assied sur la puinte des pieds des enfants et appuie vivement pour leur faire mal. Plus les enfants souffrent et se plaignent, plus Maurau accentue la pression. Si les élèves pleurent la suite des mauvais traite- tements qu'ils ont subi. Maurau a un moyen infaillible de ramener le sourire sur leurs lèvres, il leur ordonne de rire au commandement de: une, deux, trois, et les menace d'une nouvelle punition. Une de ses distractions favo ites est d'empoigner les enfants par le cheveux et de les secouer violemment. Chose étonnante, M*'* Biebuyck n'a pas soutenu cependant que ce soit là un exercice recommandé par la Faculté Si un enfant se permet de rire pendant la durée de la classe, Maurau qui connaît, n'en pas douter, l'histoire de Jean qui pleure et Jean qui rit, s'empresse de cou per un oignon en deux parties bien égales qu'il fait tenir par un autre enfant sous les yeux du petit mutin jusqu'à ce que les larmes jaillissent. Nous n'ajouterons aucun commentaire mais nous dirons deux mots des plaidoiries. L'honorable organe du ministère public, considérant que tous les faits sont parfaitement établis, demande l'application de la loi. M"" Wyelandet Biebuyck prennent successivement la parole Le premier débite d'une voix masillarde un petit plaidoyer appris par cœur, phrases ronflantes, émaillé de flandncismes tout fait charmants. Il soutient notamment que si Maurau a failli arracher les oreilles un de ses élèves, c'est parceque ce dernier avait o le distèlle. Cela a jeté un froid dans la salle. Les confrères de M"* Wyeland, présents la barre, se sont mis feuilleter avec rage le petit dictionnaire de Larousse qu'un généreux marchand de cuirs a mis gracieusement la disposition du jeune barreau yprois. Hélas! ils n'ont rien trouvé et depuis lors, M"* Wye land a baissé d'un cran dans leur estime Pauvre M"* Wyeland M. le Procureur du Roi réplique. Il fait bonne et prompte justice du ridicule verbiage de la défense. M"* Wyeland s'est basé sur les contradictions des témoins. L'honorable chef du Parquet fait ressortir avec force non les contradictions, mais les variations qu'on trouve dans les dépositions, variations qui se rencontrent d'ailleurs, chose triste dire, dans tous les procès de l'espèce. Il qualifie en termes indignés la conduite du prévenu, sa brutalité envers les petits enfants confiés ses soins et apostrophant Maurau; si, dit-il, après avoir volon tairement ou involontairement cassé le bras au petit Declercq, vous avez pu ordonner ses petits camarades de se moquer de lui; si, ayant acquis la conviction que le bras était cassé, vous n'avez pas même eu la pensée d'informer immédiatement votre chef de ce qui s'était passé, de faire quérir un médecin pour donner les pre miers soins l'enfant, ou de reconduire celui-ci en voiture chez ses pareuts.j'ai le droit dedire que vous êtes un homme vicieux, un homme mauvais!!! Ces paroles causent dans l'auditoire une sensation profonde. m Dès ce moment, on peut dire que la cause est enten due. Les accents émus du second avocat de la défense ne parviendront pas jeter un jour nouveau sur cette affaire. Ceux qui ne connaissaient pas encore M"c Biebuyck, - comme orateur, et ils étaient nombreux l'audience, s'attendaient quelque chose de tapé £ux aussi ils ont dû en rabattre. L'honorable avocat essaie de répondre. Pour justifier son client d'avoir par défaut de prévoyance ou de précaution, cassé le bras un de ses élèves, M'r* Bie buyck ne trouve qu'une chose dire L'exercice la corde est recommandé par les médecins et par les hygiénistes. Là dessus, il s'emballe et, oubliant son dîner, lit au tribunal un long article d'une revue quelconque recom mandant le susdit divertissement. C'est idiot, dit-on daus l'auditoire et l'auditoire a, nia foi, raison. Enfin il est le quart de deux heures dit le puriste du Journal. Pour ceux de nos lecteurs peu initiés aux beautés du jargon de Poperinghe et oui ne comprennent que le français, cela veut dire il est une heure et quaiante cinq minuies. Le tribunal, apr ès une longue délibération condamne le susdit Joseph Maurau, rofesseur au Collège St- Vincent de Paul, Ypres fin francs d amende pour avoir par défaul «le prévoyance ou «le j léeauiioti, cassé le br as Robert Dei lorcq Quant aux autres infraet us, te tribunal déclare qu'elles sont toutes établies tuais y a l>ev de les considérer cutnme violent es tégétes éti itres f.ar ta prescription. Tel.e est l'« histoire vraie «l'uu bras cassé. Nous ajournons mis commentaires et nos apprécia tions sur la polémiqm- du Journal d'Ypres. (A continuer).

HISTORISCHE KRANTEN

Le Progrès (1841-1914) | 1885 | | pagina 2