N<> 1,056. Dimanche,
45e ANNÉE
15 Février 1885.
6 FRANCS PAR AN.
JOURNAL U'YPItKS KT il i. L' A il HOfll il 1SS EN EN T.
Le loup devenu agneau
ou J. Maurau pcinl par lui-même.
Les annonces de la Belgique et de l'Etranger sont reçues par l'Agence Havas (Publicité), 89, Marçhé-aux-Herbes, Bruxelles et çbez ses correspondants:
Pour la France: l'Agence Havas, 8, Place de la Bourse, Paris. Pour l'Allemagne, l'Austro-Hongrie et la Suisse chez Rudolf Afçsse (Annoncen-Expedition)
Cologne, Berlin, Francfort, Strasbourg, Munich, Hambourg, Leipzig, Sluttgard, Vienne et Zurich. Pour la Grande-Bretagne et FIrlande: chez Géo Street et
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38, Park Row-New-York.
Ypres, le 14 Février 1885.
Il n'y a pas que le singe qui soit imitateur.
Il y a encore le perroquet et parfois aussi
l'homme, le plus bel animal de la création.
C'est ainsi qu'un individu répondant au
doux nom de J.Maurau et se professeur
au collège St-Vincent de Paul imite la
loquacité de M. Ab hoc et ah hâc et dé iaigne
désormais les plaisirs de la danse pour passer
son temps copier et signer de sa plus belle
main des épîtres dont le style ressemble s'y
méprendre celui de certain rédacteur du
Journal d Ypres.
Pourquoi le dissimuler. Notre première
idée, la lecture des inepties débitées par
notre nouveau correspondant, a été de ne pas
publier ce factum. Nous eussions fait ce sacri
fice dans l'intérêt de la réputation de J. Mau-
rau et pour l'honneur du collège.
Il était inutile, pensions-nous, d'entretenir
une fois de plus le public de cette lamentable
affaire et d'insister nouveau sur ces faits
écœurants que le Tribunal a déclaré établis
mais éteints par la prescription.
Le débat était clos. A quoi bon le rouvrir
Mais bah! puisqu'il plaît Maurau de per
pétuer le scandale, allons y et livrons sa prose
aux sarcasmes de ses adversaires.
Pourvu seulement que ses amis eux-mêmes
ne se mettent pas hausser les épaules et ne
prennent en pitié ce triste personnage
Voici la lettre de l'écrivain-pion.
Lés débats, dites-vous, ont été affligeants. Je le veux
C'est se demander si l'athmosphère re
ligieuse dans laquelle vit Maurau n'a pas
oblitéré le sens moral de notre serviteur.
Comment! Le Tribunal déclare que tous les
faits mis sa charge sont établis Il condam
ne le prévenu cinquante francs d'amende
(ce qui est l'équivalent de quinze jours d'em
prisonnement) et Maurau viendra soutenir
que l'affaire s'est terminée la grande con-
fusion de ceux qui avaient voulu s'en faire
une arme politique
C'est trop d'audace
Ou bien c'est de la folie
Quos vult perdere Jupiter dementat.
Les débats, dit Maurau, ont été aflli-
géants pour ceux qui les ont provoqués.
Quel aveu
Nous nous empressons d'en prendre acte et
nous sommes heureux de reconnaître, une
fois n'est pas coutume, que nous sommes d'ac
cord avec le pion de S1 Vincent de Paul.
Car qui, en somme, a provoqué ces affli
geants débats si ce n'est Maurau, si ce n'est
sa manière d'agir l'égard des enfants confiés
ses soins, si ce n'est son imprudence ou son
imprévoyance
Mais ce que nous ne parvenons pas com
prendre c'est que Maurau, après avoir ainsi
reconnu sa culpabilité, vienne arguer de la
douceur de son caractère!
Ainsi les coups de règle sont des effets de
la douceur de son caractère?
Quand Mâurau-Mouton empoigne un élève
par les cheveux et le secoue violemment
quand il arrache les oreilles un enfant ma
lade, souffrant du distèlle comme dit l'au
tre, il prouve la douceur de son caractère
Décidément, ça fait rêver et ça vous trans
porte dans ce monde étrange où les mots ont
perdu leur signification, où le mal est le bien,
où les mauvais pions sont de bons anges gar
diens
Et que viennent faire ici, Maurau, les
opinions politiques des juges qui vous ont
LE PROGRÈS
PARAISSANT LE JEUDI ET LE DIMANCHE. VIRES ACQUIR1T EUN'DO.
ABONNEMENT PAR AN Pour l'arrondissement administratif et :udiciaire d'Ypres, fr. 6-00. Tout ce qui concerne le journal doit être adressé l'éditeur, rue de Dixmude, 39.
Idem. Pour le restant du pays7-00. INSERTIONS: Annonces: la ligne ordinaire fr. 0-10 Réclames: la ligne, fr. 0-23.
A Monsieur l'Editeur du Progrès Ypres.
Monsieur,
Je n'ai pas cru devoir répondre par retour du courrier
votpe Histoire vraie d'un bras cassé s numéro du
Progrès du 18 Janvier dernier. Il me semblait alors que
le jeu ne (sic) valait pas la chandelle. Les débats étaient
récents et les honnêtes gens savaient quoi s'en tenir
au sujet de ce retentissant procès Declerck. Celà me
suffisait et je jugeais l'affaire terminée la grande con
fusion de ceux qui avaient voulu s'en faire une arme
politique.
Or, voilà que dans votre dernier numéro vous reve
nez sur ces faits déjà anciens, persistant me faire
passer aux yeux de vos lecteurs comme un professeur
pétri d'immoralité et de cruauté.
Devant cette attitude, mon honneur et l'honneur du
collège M! où je professe me commandent de rompre le
silence et de mettre vos abonnés même de lire la
vérité vraie. Une fois n'est pas coutume.
Votre histoire vraie d'un bras cassé reflète admi
rablement certain réquisitoire, j'allais dire pamphlet,
dont les yprois garderont longtemps le souvenir.
bien. Seulement, comme le singe de la fable, vous
oubliez d'allumer votre lanterne et de nous révéler pour
qui ces débats ont été affligeants. La plupart sont cou
va.nous que ces débats ont été affligeants pour ceux qui
les ont provoqués, nullement pour moi ni pour le col
lège. Etes-vous de cet avis? Et, en effet, n'a-l-on pas,
pendant îles semaines, recueilli patiemment des témoi
gnages contre moi M. le commissaire de police n'a-t-il
pas, pour arriver découvrir la vérité, toute la vérité,
rien que la vérité, n'a-t-il pas savamment déployé ce
qu'il a d'énergietde talent, d'amabilité, de perspicacité,
de courtoisie, de galanterie, d'impartialité? N'a-t-on pas
dressé contre moi un dossier aussi chargé que volumi
neux, un dossier qui devait me faire passer aux yeux de
tous comme le plus immoral et le plus brutal des hom
mes
On dit que M. le chevalier de Borman, l'honorabie
chef du parquet est un homme aimable et doux entre
tous. A Achel, dans le Limbourg, où il a été juge de
paix,il a eu d'excellentes relations avec ses-administrés,
qui ont gardé de lui un charmant souvenir Et cepen
dant, malgré toute la bonté de son cœur, M.de Borman,
armé du dossier, n'a-t-d pas prononcé contre moi le
plus amer des réquisitoires
Or, quoi vit-on aboutir toute cette mise en scène
Des juges, qui professent notoirement les mêmes opi
nions politiques que m.le procureur du Roi, ont déclaré
violences légères toutes les abominables choses mises
ma charge par l'instruction et m'ont condamné seule
ment cinquante francs d'amende pour avoir, par
défaut de prévoyance, cassé le bras au petit Declerck,
qui était tombé en dansant la corde.
El c'est devant pareil jugement, rendu par des adver
saires politiques, qu'on se permettrait de m'appeier un
homme mauvais, irascible, cruel, immoral! Allons donc,
quel sot gobera cette pilule!
Mais cet irascible pion comme vous voulez bien
m'appeier. jouit de l'affection de ses élèves Les té
moins charge et décharge, élèves, principal, parents,
n'ont eu qu'un voix cet égard.Cette sorte de plébiscité
me venge suffisamment de tout ce qu'on a dit, écrit, et
de ce qu'on dira et écrira encore contre moi. Je serais
assez curieux de voir, si dans le cas très peu probable,
je l'avoue d'un procès charge de quelque instituteur
libéral, on pourrait constater la même chose.
Ainsi donc, c'est avéré: Je martyrise les enfants con
fiés mes soins, mon imagination perverse invente sans
cesse de nouvelles tortures. Mais il est non moins
avéré que les parents des victimes me laissent faire
sans réclamer, bien plus, qu'en plein tribunal ils van
tent la douceur de mon caractère; que les élèves bruta
lisés déclarent l'audience n'avoir jamais rien vu, rien
senti, rien souffert; que m. le principal, intéressé
comme chef d'établissement n'a pas été interrogé dans
l'instruction écrite, qu'il a du se faire inscrire lui même
comme témoin, qu ayant demandé une remise pour
cause d'indisposition et ne l'ayant pas obtenue, il s'est
fait transporter en voiture pour venir témoigner devant
les juges qu'il n'avait qu'à se louer de moi; enfin il est
avéré que mes juges ne m'ont trouvé coupable en
somme que de violences légères.
N'est-ce pas que je suis un homme bien mauvais
Certes, certain point de vue.
Pour ne citer qu'un exemple: quand vos patrons font
leur pointage, une peine qu'ils ne prennent plus que
pour les élections communales, et qu'ils en viennent
mon nom ils s'écrient d'une commune voix Mauvais,
très mauvais, archi-mauvais A ce point de vue là, oui,
je suis le plus mauvais des hommes, et celà explique
peut-être bien des choses.
Je termine cette épître en vous priant, au besoin vous
requérant de l'insérer. C'est une réponse votre
t histoire vraie d'un bras cassé qui a où être écrite
par un Monsieur tout irais venu parmi nous, puisqu'il
confond la rue de Lill.e où Declerck n'habite pas avec
la rue des Boudeurs eù il habite.
Agréez, je vous prie, les salutations de
votre Serviteur,
J. MAURAU,
Professeur au Collège
St-Vincent de Paul.
Ypres, le 11 Février 1885.