Le scandale de Bruges. La Science Moderne. année pour pieuses étrennes une augmentation de 22 centimes additionnels? Il est donc évident que, ne pouvant supprimer légalement l'enseignement, nos magistrats VILS ESCLAVES L)U CLERGÉ en font autre chose que travailler, avec une rafinerie toute jésuitique, le rendre tout fait impossible Ils mettent h vie des enfants en danger en entas sant ces petits malheureux dans trois classes trop petites, alors que G autres restent inoccupées. Us épuisent impitoyablement les forces de 5 profes seurs, martyrs de leurs devoir, tandis que par une RAFINERIE DE CRUAUTÉ, ils ne permettent pas même DEUX AUTRES, QU'ILS CONTINUENT A PAYER POUR NE RIEN FAIRE, de venir au se cours des malheureux condamnés succomber la tâche par suite d'un travail au-dessus de la force humaine Enfin aux parents qui osent envoyer leurs enfants l'école officielle, ils enlèvent les seconrs qu'ils avaient l'habitude de recevoir. Ce qui peut être prouvé. Comme vous le voyez, ceci n'est plus de la politi que c'est simplement de la CRUAUTÉ et le nom maudit de ceux qui se conduisent de celte façon de vrait être cloué au pilori afin de devenir l'objet de l'exécration de tous les hommes de cœur. On s'étonne et on jette les hauts cris chaque fois qu'un scandale comme celui de Bruges est mis au jour. Il semble, alors, qu'il ne s'en produira plus de pareil pendant longtemps, que l'autorité ecclésiasti que exercera une surveillance assez active pour en éviter le retour. Nous sommes persuadés qu'elle se donne même beaucoup de mal pour cela. Elle doit bien sentir que ces désordres ruinent sa cause. Mais quelques mois après, on découvre autre chose c'est-à-dire la même chose ailleurs. La quantité des faits ainsi révélés fait conclure la multitude de ceux qui restent secrets. On com prend que souvent le silence a été acheté aux inté ressés ou leur a été imposé par la terreur qu'il y a du reste tant de honte ce genre de crime, que les victimes mêmes souvent n'osent pas s'en plaindre. On devine même que dans les centres livrés la toute-puissance des corporations religieuses, le sens moral soit assez peu développé pour que ces mon struosités trouvent leur sécurité dans leur fréquence même elles sont si répandues qu'elles doivent y passer inaperçues. Remarquez, d'ailleurs, qu'il n'est jamais nécessaire quand elles se découvrent, de donner beaucoup de détails pour faire comprendre de quoi il s'agit. Je vais vous raconter une histoire de voleurs. Il y avait une fois un financier..., racontait un jour Voltaire. El c'est toute l'histoire. Quand quelqu'un dit: Je vais vous raconter une histoire de con- gtéganisles, il est également inutile d'insister... Que voulez-vous? Ces scandales sont le produit naturel des associations religieuses. Ils sont inhé rents la vie de couvent. Ils l'ont toujours été et ils le seront toujours. Comment Voilà des êtres qui renoncent au monde, aux biens, l'amour, tous les plaisirs, tout l'imprévu de la vie, qui abjurent toutes les curiosités et tous les goûts de la nature humaine pour se soumettre, jusqu'à la mort, une règle qui étouffe leur activité, leur initiative, qui leur fait des jours immuables, une existence impersonnelle. Tout ce qui constitue la virilité, ces instincts tel lement importants chez l'homme que sans eux, s'il vous plaît, le monde n'existerait pas. l'instinct de la famille et de la paternité, ce besoin d'avoir une femme et des enfan's aimer que les plus pauvres gens satisfont au prix de si grands sacrifices, et, côté de celle question de sentiment, la grande ques tion matérielle de la chair, tout cela n'existe plus pour eux Ils anéantissent en eux les ressorts qui font aller les sociétés, qui jious garantissent la conservation de notre espèce. Et cette abnégation serait possible chez des individus raccolés au hasard L'on n'a aucune garantie, cependant, de celle vocation éton nante, et on soutiendra que ces gens ne sont pas, fatalement, des fourbes ou des fous? Des fous, s'ils sont sincères dans leur renoncement des fourbes, s'ils ont le dessein secret de chercher l'ignoble com pensation que l'on sait tous les instincts naturels qu'ils abandonnent Ce qu'ils souffrent pour résister est tel qu'il n'en a pas fallu davantage saint Antoine pour devenir saint. Encore saint Antoine vivait-il dans un désert. Dieu sait ce qu'il lût devenu dans un couvent Et combien y a-t-il de saint Antoine au monde? Des fous ou des monstres, voilà donc ce qui con stitue l'armée congréganisle. Notez que la religion est tout fait étrangère la question. Les congré- ganistes seraient juifs ou voltairiens, que, s'impo- sant celte même vie contre-nature, ils n'en vaudraient pas mieux. Mais les faits nous montrent que la religion ne préserve pas les congrégations de la souillure etqu'elleest absolument impuissante contre le mal en question. L'expérience confirme le raison nement. Voilà pourquoi, lorsque l'armée cléricale vint manifester Bruxelles, le 7 Septembre, en faveur de cet enseignement libre auquel le gouvernement entend livrer nos enfants, les honnêtes gens l'ac cueillirent unanimement par un cri brutal, et inju rieux, si l'on veut, mais qui formulait avec énergie et netteté la protestation de la conscience publique. Et c'est le sentiment de dégoût ainsi exprimé qui nous empêchera de faiblir dans la lutte que nous soutenons contre l'enseignement clérical. Ce n'est pas seulement une question politique c'est une question de moralité publique, où 1 honneur du pays est engagé. Une des conclusions philosophiques les plus incon testables que l'on puisse tirer de l'étude de l'histoire de l'humanité, c'est le parallélisme, toujours et partout constant, entre les progrès des sciences et ceux de la civilisation. Si l'on suit leur marche travers les siècles, depuis les temps infiniment reculés, pendant lesquels l'homme isolé luttait péniblement avec la nature sauvage, jusqu'à nos jours où les forces natu relles sont si admirablement soumises sa volonté, l'on conçoit alors combien cette union est étroite. Aux époques de l'histoire où les sciences sont délaissées, l'humanité rétrograde et semble retourner la barbarie. On voit les empires de l'Asie et de l'Egypte, puis plus tard la Grèce et Rome, fleurir sous l'influence des col lèges de prêtres savants ou des écoles de philosophie. Bien peu de travaux de ces époques nous sont parve nus, mais plusieurs nous étonnent par les connaissances qui y sont contenues et le génie peu commun de leurs auteurs. Après la chute de l'empire d'Occident, les barbares, en bouleversant les Etats et les institutions, arrêtent les travaux intellectuels. Bientôt, sur les ruines du monde romain, une religion nouvelle, favorisée par l'indécision des espnls qui accompagne toujours les cataclysmes soc.aux, étend peu-à-peu son influence, parvient dominer eu maîtresse. Celle domination, plus tard, devient lyranique et fatale aux investigations scientifiques; religion positive, elle impose la croyance en ces dogmes, condamne le libre examen et la pensée. Le règne absolu de droit divin occupe la triste pé riode du moyen-âge. Le moyen-âge, qui a vu huit croisades, constitue un temps d'arrêt presque complet dans les progrès des sciences naturelles. C'est le règne de la croyance aveugle, du dogme établi, de l'ignorance. C'est cette époque que des prêtres chrétiens, sous les ordres de l'évèque Théophile, livrent aux flammes la bibliothèque et les collections de l'Ecole d'Alexandrie, renfermant tous les travaux philosophi ques et scientifiques de l'antiquité, des manuscrits uniques, des trésors inappréciables. Enfin, après bien des persécutions subies par les hommes qui s'obstinaient voir dans l'étude de la nature, la source de toute vérité et de toute philosophie vraie, arrive l'heure bénie de la Renaissance. Le monde intellectuel renaît en elï'et la vie les sciences sont remises en honneur les savants reçoivent la pro tection des rois; les sociétés scientifiques se fondent tous les esprits d'élite rivalisent d'ardeur dans l'élude de la nature. Le grand mouvement scientifique de notre siècle n'est que l'accélération de l'impulsion reçue au siècle de Frauçois lr par tous les travaux d'investiga tion. a** Aujourd'hui, sous l'influence des connaissances ac quises sur la nature, la civilisation marche sans cesse vers une perfection plus complète. Les multiples appli cations des sciences naturelles ont rendu l'homme le véritable roi de la création. Mais si celte influence sur le bien-être matériel est heureuse et féconde, les sciences naturelles mettent l'esprit sur la voie de la philosophie vraie elles appren nent chercher la vérité non pas uniquement dans les écrits des philosophes, mais surtout dans la nature elle-même. La prétendue force vitale, ce principe incompréhen sible, ce deus ex machina, qui venait étayer les théories fantaisistes des anciens physiologistes, est de nos jours considérée comme une face de cette force unique, qui régit les mondes; les manifestations intellectuelles fini ront un jour par ne plus échapper aux investigations de la science physiologique. Et sous ce rapport, que d'études déjà laites et que d'études faire encore Nos neveux sont bien heureux, disait Voltaire, ils verront de bien grandes choses. Le plus grand résultat philosophique de la science moderne est sans doute la tendance l'unification. L'unité de force, l'unité d'énergie est chose établie; l'unité de substance le sera tôt ou tard. Plusieurs phy siciens philosophes prétendent même pouvoir ramener la matière et la force un principe unique. Matière et force ne se créent ni ne se perdent, mais subissent des transformations incessantes; voilà com ment le naturaliste moderne"conçoit l'univers. L'éner gie que le charbon restitue en brûlant, se manifestera notre gré, sous forme de chaleur dans nos foyers, de mouvement dans nos locomotives, d'électricité môme dans 1 éclaitâge des phares ou de nos places publiques. Cette tendance la métamorphose régit les mondes comme les molécules, les êtres vivants comme les minéraux; l'homme lui même y est soumis eh tant que matière et en tant que forme animale la combustion au sein de ses organes lui fournit cette chaleur bienfai sante, nécessaire la vie, et cette énergie, qui lui per met d'exécuter ses travaux. Dans le domaine de l'astronomie et de la géologie, l'introduction de cette idée ne rencontre aucune diffi culté: la genèse et les phases de l'existance des mondes selon la conception de Kant et Laplace sont admises universellement par les savants. Quant au principe de l'évolution des êtres vivants, du perfectionnement graduel, il a soulevé des protestations vives de la part des savants, des philosophes et du vulgaire. Les malédictions des prêtres de tous cultes n ont pas empêché la théorie de l'évolution, le darwi nisme de faire son ohemin dans le monde intellectuel et aujourd'hui elle a pris rang parmi les conquêtes les plus brillantes du siècle. Tous les naturalistes, chez qui la croyance aveugle n'étouffe pas l'impartialité ou la

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Le Progrès (1841-1914) | 1885 | | pagina 2