Le pelil Frérisme. Le scandale de Bruges. Gamabut chez lui, ou un ange de plus. D'ailleurs, navez-vous pas, pour vous rassurer, les déclarations de M. Beernaert Les élections de Juin terminées, il faudra peul- iv lien finir par prendre un parti. Vais, bast! on a ira le temps d'aviser et qui sait si, d'ici là, la quos- t n ne sera pas tombée l'eau Au besoin, on l'y jelti m, en se débarrassant de M. de Moreau, dont on n'a que faire et le tour sera joué. Cette enquête n'est donc qu'une comédie, un moyen de gagner du temps. Nous ne prétendons pas empêcher le ministère de jouer la comédie. Ce serait trop exiger. Mais nous tenons ce qu'il sache que nous ne sommes pas sa dupe. Nous lisons dans le Journal de Bruxelles La section centrale chargée de l'examen de la pro position de M. Dumont et de ses amis relative aux droits sur les céréales, s'est réunie, sous la prési dence de l'honorable M. Tack. La section était au complet. Après avoir pris connaissance des répon ses du gouvernement diverses questions, la section a été saisie nouveau d'une proposition formulée par MM. Malou et Nothomb et tendant décréter une enquête parlementaire sur la situation de l'agri- cilture et de l'industrie du pays. Dans l'opinion de ces membres, cette mesure est indispensable et doit précéder tout examen du fond pour eux, les mesu res proposées par les honorables députés de Nivel les sont illusoires ou dangereuses. Le remède la situation pénible de l'agriculture n'est pas là. Cette enquête, qui permettra d'attendre les effets des mesures votées en France et en Allemagne, de vra être terminée dans le délai maximum d'un an. La proposition d'enquête, ainsi caractérisée, a été votée par quatre voix contre deux, après avoir été vivement combattue par les honorables MM. de Lie- dekerke et Dumont. Elle sera donc soumise la Chambre, et si elle est adoptée, c'est l'ajournement de l'examen du fond de la question. M. le chevalier Schaetzen a été nommé rapporteur. Les faits scandaleux qui viennent d'avoir Bruges pour théâtre, me remettent, la mémoire des actes non moins honteux qui se sont perpétrés, il y a quelques années, dans les différentes maisons de ré forme placées sous la garde de l'Etat et sur lesquels pour des causes restées jusqu'ici inconnues, on n'a jamais publié de détails. Le personnel de surveillance attaché aux établisse ments de S'-Hubert, Namur et Gand était fourni par l'ordre des frères de la Miséricorde de Malincs Peu de gens ignorent que la population détenue dans ces maisons se compose d'enfants acquittés par les tribunaux comme ayant agi sans discernement, mais mis néanmoins la disposition du gouverne ment ordinairement jusqu'à la majorité. C'est sur ces pauvres enfants, les plus jeunes ont 7 ans, que ces êtres immondes assouvissaient leurs plus infectes passions. Les pratiques les plus hon teuses, les actions les plus répugnantes que peuvent se figurer les esprits les plus pervertis ne sont rien côté des faits qui se sont passés dans les maisons de réforme de la Belgique pendant plus de 30 années. Ce sont ces innocents, arrachés au foyer paternel et placés sous la garde de l'Etat l'effet d'être instruits et moralisés, qui servaient de victimes cette pieu vre, cette lèpre au frèrisme. Quelle honte pour un pays civilisé Quelle lourde responsabilité pour un gouverne ment? Qu'aurait fait ce dernier si les parents de ces malheureux enfants lui eussent intenté des actions en dommages.intérêts. Je me rappelle qu'un jour, aprè S aVOirvisité l'éta blissement de St-Hubert, j'errais l'aventure quand j'arrivai l'humble cimetière de cette localité. Il s'étendait sur le penchant d'une colline;je remarquai avec étonnement qu'environ un tiers de son étendue ne portait aucun monument funéraire, aucune croix, seul un léger tertre de terre, simulant un cercueil, indiquait qu'un être humain y avait trouvé le der nier repos. Je questionnai le fossoyeur et j'appris que c'était la place réservée aux détenus. Lorsque quelques années plus lard, le jour se fui fait sur la situation morale des maisons ce réforme, grâce la persévérance et la ténacité d'un homme que l'histoire rendra célèbre, je frisonnai en resongeant aux malheureux enfants qui n'étaient peut-être cou chés dans ce cimetière que par suite des actes hon teux que les frères chargés de leur entretien,avaient eu le cynisme de leur faire subir car, on a remar qué que depuis que l'élément laïque a fait place dans ces institutions, au répugnant élément religieux, le nombre des décès a considérablement diminué. Un détail pour finir. Le jésuitisme de ces gens n'est plus contester. Une exploitation agricole est jointe l'établissement de Sl-Hubert, de nombreuses étables y sont annexées b>s frères se refusaient l'achat d'un reproducteur sous prétexte que ce serait un pernicieux exemple pour les détenus! 0 pudeur, où vas-tu te nicher? A. L. L'affaire de la congrégation est fixée au Samedi 25 courant, 9 heures précises du matin. Les prévenus sont 1° Claerhoudt, Albéric, 33 ans, préfet de la con- grégalion de St.-Jacques, paraît avoir été dans un ordre religieux Lille (fugitif); 2° Hernou, Frédéric, 18 ans, ouvrier relieur; 3° Van Caillie, Charles, 14 ans 4* Hilderson, Gustave, 14 ans, relieur 5° llerpoel, Pierre, 22 ans, sacristain de la con grégation de St.-Jacques, jadis frère laïc au carmes déchaussés (détenu) 6° Vandepitte, Gustave, 13 ans, apprenti 7" Wensch, Arthur, 16 ans, relieur. 11 y a une douzaine de témoins. 11 y a pour le moment, dans la prison de la Ro quette, Paris, un estimable condamné mort qui, demain matin, ira probablement, comme autrefois Jean Hiroux, rejoindre l'infortuné Louis XVI J'ai nommé Gamahut. Du moins, les gens sensibles conservent peu d'espoir relativement au succès du recours adressé par ce personnage au dispensateur des grâces. On sait que cet ancien oblat de Marie (Gamahut appartint ce corps) a été condamné la peine ca pitale pour avoir assassiné la pauvre mère Balle- rich, ce qui occasionna par-dessus le marché une série de drames lamentables. Le mobile du crime était d'ailleurs aussi ignoble ment vulgaire que possible l'ex-oblat chourina la pauvre vieille pour la voler, simplement. Ce qui apporta un correctif énorme cette fâcheuse aventure et mit un baume sur la plaie des âmes chrétiennes, c'est la nouvelle que Gamahut, en deve nant assassin et voleur, n'en était pas moins resté oblat, chose, en somme, plus facile réaliser que le phénomène en vertu duquel sa patronne, en de venant mère, n'en resta pas moins vierge, dit l'his toire sainte. Alors, la douleur des âmes dévotes se changea en joie, et l'on commença envisager avec ravissement la prochaine entrée au ciel de G:.mahut, ce chérubin en préparation. Les sentiments exprimés par le condamné ne lais sent pas, en effet, le moindre doute sur sa destinée. L'oblat, après avoir tué et volé, ira s'asseoir la droite du Père éternel. C'est là, évidemment, un résultat que M. Grévy n'a pas voulu compromettre par un acte de clémence irréfléchi, et il n'a eu garde d'arracher aux joies cé lestes, pour le rendre celle vallée de larmes, un bienheureux aussi désigné. De son côté, Gamahut, plein des sentiments de la plus édifiante piété, atteint la minute suprême avec joie, soupire après l'instant où son âme, dégagée des liens terrestres, s'envolera sur l'aile des anges vers les demeures éternelles, tandis que son corps, escorté par la gendarmerie, se dirigera vers le Champ des Navels. Les journaux ont publié une lettre, adressée par lui, du fond de la cellule des condamnés, son an cien supérieur, le directeur des Oblats. Gamahut, détail touchant, a conservé dans sa correspondance la formule d'invocation que les gens de profession religieuse mettent en tête de leurs épitres; il écrit: J. M. J. Jésus,Marie,Joseph. Une vieille habitude, que celle du vol main armée n'a point chassée. Et, en effet, rien, dans la loi et les prophètes, ne s'oppose ce que ces habitudes subsistent ensemble. Gamahut aurait fait graver les initiales de Jésus, de Marie et de Joseph sur le couteau l'aide duquel il a chouriné la veuve Ballerich, que je n'eusse pas été étonné. S'élant placé sous ce triple et auguste patronage, ni plus ni moins qu'une pensionnaire du Sacré-Cœur, le respectable assassin commence ainsi sa lettre édifiante Et cent lignes de ce style imprégné de la plus chrétienne résignation et de la plus tendre piété envers Jésus, Marie. Joseph. La suite de la lettre nous révèle que Gamahut,non content d'avoir été oblat, fut encore chartreux, qu'il se sauva de chez les Chartreux parce qu'il n'aimait pas voir des gens creuser leur fosse eux-mêmes,que, rentré dans le monde, et ayant besoin d'argent, il assassina. m Mon père, Permettez-moi, k la veille de quitter ce monde, de vous donner encore une fois ce nom comme autrefois lorsque j'étais admis au noviciat de votre ordre. Ce n'est pas sous l'empire du découragement que j'écris celle-ci,non, bien au contraire, j'ai puisé dans les règles rigoureuses et acétiques (sic) des Chartreux la fermeté nécessaire pour aller dans l'éternité. Je ne redoute pas de comparaître devant le Dieu vivant: le crime que j'ai commis est bien grand, mais l'om nipotence de notre divin Maître n'a pas de bornes et je suis persuadé de sa miséricorde...

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Le Progrès (1841-1914) | 1885 | | pagina 2