MARTINE ET SON ANGE.
N° 1,098. Dimanche,
45e ANNÉE
12 Juillet 1885.
6 FRANCS PAR AN.
JOURNAL b'Yl'RES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
Les procès d'Ennelières.
Le Bassin de natation.
LE PROGRES
PARAISSANT LE JEUDI ET LE DIMANCHE.
VIRES ACQUIRIT EUNDO.
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Ypres, le 11 Juillet 1885.
De tous côtés, on nous demande pour quels
motifs le Progrès n'a pas, l'instar du Jour
nal d Ypres, publié un compte-rendu des pro
cès d'Ennetières.
Deux mots d'explication au sujet de notre
réserve.
Outre que nous n'avons guère l'habitude de
nous occuper des affaires judiciaires aussi
longtemps que la justice n'a pas rendu sa sen
tence, nous avons cru que nous étions trop di
rectement intéressé dans cette affaire pour
pouvoir en rendre compte sans mettra
ce qu'un semblant de partialité dans nos arti
cles.
Mais aucun prix nous n'eussions voulu
jouer le triste rôle qu'a rempli le Journal
d Ypres, en publiant l'attaque et en négligeant
la défense.
Ce procédé dans lequel on ne peut voir de
la part du pître du Journal qu'un moyen vul
gaire et grossier d'en imposer l'opinion pu
blique et de peser sur la magistrature, nous
répugne et, de la part d'un confrère, nous at
triste profondément.
Nous avons un trop haut degré, n'en dé
plaise certain avocat qui a osé dire le
contraire, le sentiment de la souveraineté de
l'opinion et de l'impartialité-de la magistratu
re pour suivre un aussi déplorable exemple.
La sentence du tribunal, nous l'accepterons
quelle qu'elle soit et d'avance, nous pouvons
certifier au Journal que nous ne l'attaque
rons pas sitôt le jugement exécuté ou le délai
d'appel expiré, comme le ftût d'habitude celui
même qui se dit éferffTéeole du respect.
Nous en avons pour garant notre long pas
sé exempt de toute flétrissure judiciaire.
La Rédaction.
...ni" "V i" la
Il y a, quelque douze ans, (c'était, croyons-
nous, le 24 Juillet 1873) par une chaleur tro
picale, un grand nombre d'habitants adres-
LES PETITES LÉGENDES.
I.
En ce temps-là, dans ce pays, il y avait une enfant de
quinze ans, appelée Martine, qui était sur le point de ren
dre l'àme. La maladie l'avait prise tout coup; maintenant
elle allait trépasser. Ses parents, de pauvres campagnards
qui ne possédaient rien autre chosaqu'une vieille chaumière
au milieu d'un maigre champ, éprouvaient une cruelle
affliction car ils aimaient tendrement la jolie moribonde.
La mère surtout se désespérait; d'abord, parce qu'elle était
la mère, et puis parce que, la chaumière se trouvant très
loin du village, elle craignait que M, le curé n'arrivât pas
avant la mort de Martine. Très dévote, elle pleurait en son
geant que sa fille cesserait de vivre sans s'être confessée et
sans avoir reçu l'absolution.
Pour ce qui est de cela, n'ayez point de souci, ma
dame, dit une voix si douce que les parents, malgré leur
douleur, en eurent l'ouïe enchantée.
En même-temps, ils voyaient derrière le litdel agonisante,
se lever une forme blanche, un peu vague, avec des ailes.
La voix reprit
Je suis l'ange gardien de Martine, et je pense qu'un
ange peut remplacer un prêtre sans aucun désavantage.
Tenez-vous dans ce coin, là-bas, ne retournez pas la tète.
Votre enfant me dira ses péchés; comme elle est tout fait
innocente, ce sera l'affaire, d'un moment.
II.
Il arrive,peu souvent qu'une jeu,ne fille se confesse un
ange; la chose arrive en.ce. temps-là dans ce pays. Martine
eut bientôt fait d'avouer ses menues peccadilles le divin
messager allait la bénir, pardonnée, non des mains, niais
des ailes, lorsqu'elle se souvint a une grosse faute qu'elle
avait commise, la semaine passée. Envieuse d'un mouchoir
de cou, en soie rose, si joli, que lui avait montré une voi
sine, elle l'avait dérobé pour s'en parer. Double crime
coquetterie et larcin. L'ange demeura perplexe.
Je ne sais, dit-il, si je dois vous absoudre d'un tel
péché. Où est-il, ce mouchoir?
Sous l'oreiller, mon bon ange.
Il faudrait le restituer.
Oh! ce serait de grand cœur. Mais le puis-je? Malade
comme je suis, je ne saurais faire un pas ni môme descen
dre de mon lit; et la maison de la voisine est de l'autre côté
du petit bois.
Qu'à cela ne tienne, dit l'ange gardien qui avait ré
pondu tout. Faisons un troc, pour un instant: donnez-moi
votre maladie,"prenez ma bonne santé; et je resterai dans le
lit, au lieu de vous, tandis que vous irez rapporter le mou
choir. Vos parents ne s'apercevront de rien; je cacherai mes
ailes sous le drap.
Je ferai comme il vous plaira, dit Martine.
Mais surtout gardez-vous de perdre le temps en
chemin! Imaginez ce qui arriverait si l'heure marquée pour
votre mort sonnait avant votre retour il me faudrait mou
rir votre place; ce qui serait tout fait malséant, puisque
jq suis immortel.
N'ayez crainte, mon ange Je ne vous exposerai pas
un si grand malheur. Quelques minutes suffiront pour que
j'aille et revienne.
Là-dessus, se sentant aussi dispose qu'il est possible de
l'être, elle sauta du lit et se vêtit la hâte, en silence, pour
ne pas attirer l'attention de ses parents; quand ceux-ci se
retournèrent, ils virent sur l'oreiller un doux visage pâle,
avec des cheveux blonds sans doute, c'était l'ange, qui
cachait ses ailes sous le drap.
salent au Bourgmestre de la Ville d'Ypres une
requête dont la teneur suit et dont nous tes-
pectons scrupuleusement l'orthographe:
Les soussignés prennent la respectueuse
liberté de vous rappeler que depuis dix ans
il est sérieusement question de aoter la ville
d une école de natation, chose reconnue com-
me salutaire et indispensable au point de
vue de l'hygiène publique.
Nous espérons, Monsieur le Bourgmestre,
que la démarche que nous vous faisons sera
prise en sérieuse considération et que vous
convoquerez dans le plus brel délai, le Con-
seil auquel vous voudriez bien soumettre le
- projet de Monsieur Heyninx, Architecte de
la Ville, dont les plans sont déposés depuis
un an l'Hôtel de Ville.
Nous désirons, dans l'intérêt du bien être
des habitants de la ville, qu'une prompte
décision soit prise et qu'on exécute au plus
vite le vœu que nous formulons ci-présente-
ment.
Agréez, Monsieur le Bourgmestre, nos
civilités empressées.
Chose étrange et assurément digne de re
marque, les cléricaux n'étaient cette époque
III.
Courant travers les branches, sautant les fossés, Mar
tine faisait toute la diligence possible. Bien que ce fût déjà
nuit noire, elle connaissait trop bien la route pour qu'il y
eût le moindre risque qu'elle s'égarât. Elle arriva sans re
tard la maison de la voisine, entra sans frapper, glissa
dans un bahut le mouchoir de soie rose, par bonheur, il
n'y avait personne au logis, et s'en revint sur ses pas.
A "vrai dire, elle marchait un peu moins vite que tout
l'heure. Etait-ce qu'elle hésitait, au moment de rendre son
ange la santé qu'il lui avait prêtée Pas du tout. Elle lui
gardait une grande reconnaissance de ce qu'il avait fait pour
assurer le salut éternel d'une pauvre fille, et se sentait ré
solue tenir sa promesse. Non certes, non, elle ne le lais
serait pas mourir au lieu d'elle Si elle ne courait point,
présent, c'était cause de la fatigue. Puis, un rossignol
chantait dans les branches nocturnes tout argentées de lune,
et qu'y a-t-il de plus doux écouter que ce chant, la nuit
Elle l'entendait, hélas! pour la dernière fois. En môme
tejnps une tristesse lui venait penser qu'il y aurait demain
un ciel de lune et d'étoiles, qu'elle ne verrait point. C'était
affreux, ce lit, si proche.où elle s'endormirait pour toujours.
Mais elle secoua ces lâches regrets! Elle s'élança, et, déjà,
elle apercevait dans l'ombre, la vieille chaumière au milieu
du champ, lorsqu'une musique de violon sonna dans le
lointain. On dansait, là-bas, dans le hangar d'une ferme.
Elle c'était arrêtée. Elle écoutait, troublée, ravie. Elle se
disait que s'était tout près, cette ferme, qu'une valse, une
toute petite valse, ne dure pas longtemps rien de plus
mal sans doute que de faire attendre l'ange qui souffrait
pour elle; mais, enfin, l'heuie où elle devait mourir n'était
pas, peut-être, si proche qu'on le croyait...
IV.
Après une valse, ce fût une autre valse, une autre, une
autre encore Avant chacune, la dernière pensait Mar-