N° 1,110. Dimanche,
23 Août 1885
6 FRANCS PAR AN.
JOURNAL D'¥ PRL8 ET D$ L'ARRONDISSEMENT.
Le tabac.
45« Me.
LE PROGRES
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La proposition faite récemment par le ministre
des finances d'apporter des modifications l'impôt
frappant les tabacs, a rappelé l'attention du public
sur la culture de cette planle exotique et sur l'impôt
dont cette culture est frappée. Un des plus grands
hommes d'Etat a compris, il y a longtemps, la pré
cieuse ressource fiscale que les Etals allaient pou
voir trouver dans ce qu'on appelait l'herbe Nicot.
C'était Richelieu, l'Eminence Rouge, le grand car
dinal qui ne craignit pas en imposant le tabac,
d'encourir l'excommunication majeure dont il avait
été frappé le tabac, pas Richelieu par les pa-
■pës Urbain VII et Urbain VIII. Ces pontifes, en ef
fet, avaient excommunié la solanée péruvienne
comme d'autres avaient excommunié des porcs qui
avaient dévoré des enfants ou les chenilles et les han
netons qui avaient eu l'audace de ravager les vergers
et les torêls. Dès 1674, en France, la ferme exista,
c'est à-dire que la vente du tabac fut affermée un
particulier. Depuis, presque tous les Etats euro
péens ont demandé, sous une forme ou sous l'au
tre de renoncer au tabac la Belgique n'est entrée
qu'une des dernières dans cette voie: l'impôt est
perçu sur la récolte du cultivateur et tout porte
croire que cette année encore, malgré l'impôt, la cul
ture du tabac sera l'une des plus lucratives de notre
pays.
On raconte qu'un soir, au bal des Tuileries, sous
le premier empire, l'empereur Napoléon I" remar
qua une dame couverte des plus beaux diamants du
monde. Quelle est cette dame? demandait-il au
tour de lui. C'est MM R femme d'un négo
ciant en tabac, lui répondit-t-on. C'est donc le
Pérou, le commerce des tabacs? répliqua l'Empe
reur, et cette observation fit que, dit-on, l'Empereur
établit en 1810, la régie en France. Si nos cultiva
teurs se rendaient compte aujourd'hui de ce que rap
porte la récolle du tabac, si par une comptabilité
minutieusement tenue, ils parvenaient distinguer
les récoltes productrices de celles qui ne laissent
après elles que de la perte, ils s'écriei aient sans nulle
doute aussi c'est donc le Pérou la culture des ta
bacs Partout où elle peut se faire, cette culture est
lucrative et nous avons entendu récemment un hom
me fort compétent, habitant, il est vrai, un des can
tons où la culture du tabac est la mieux comprise,
évaluer S francs la verge, soit plus de 4,500 fr.
l'hectare, le bénéfice fait par la culture du tabac aux
environs de Grammont, tous frais d'ensemencement,
d'engrais, d'impôts, etc.. défalqués.
La culture du tabac ne peut malheureusement
pas être aussi généralisée que le désireraient nos cul
tivateurs: toutes les natures du sol ne conviennent
point cette plante. Les sols froids et argileux ne lui
conviennent guère. Le sol le plus convenable pour
le tabac est de nature sablo-argileux avec abondance
d'humus. Les allnvions sableuses fortement fumées
se prêtent parfaitement cette culture, tandis que la
glaise lourde, le sable aride ou les terres humides
de marais ne conviennent en aucune façon au tabac.
Le tabac n'occupe aucune place dans l'accolement
régulier de la ferme, parce que généralement on sè
me le tabac plusieurs années successivement sur la
même terre. Dans les pays où> la culture est libre et
se fait sur une grande échelle, le tabac succède
une céréale, au maïs ou la betterave mais, la
terre est bien ameublée c'est là une condition sine
quà non de la culture du tabac pour ce motif, on
donne la terre trois labours un avant l'hiver, un
la sortie de cette saison suivi d'un hersagev.goureux
et on bêche o.u on laboure encore une fois la terre au
moment de la plantation.
Les cultivateurs de tabac doivent être tous plus
ou moins horticulteurs. Qu'es1-ce en eflel que la
culture du tabac si ce n'est la culture d'une plante
tropicale, et quelle différence y a-t-il entre celte cul
ture et celle de certaines plantes qui ornent nos jar
dins pendant l'été et qui gèlent aux premiers froids?
Quelle, différence sépare le tabac qu'on vend de cer
taines plantes ornementales comme le Nicotiana
Wegandoïdes qu'on ne cultive que pour la beauté de
son feuillage? Aucune autre sinon que l'un est utile
et se vend bien, tandis que l'autre est coûteux et ne
se vend point. C'est un principe auquel nous ne pou
vons assez engager nos cultivateurs se bien graver
dans leur mémoire. Le tabac est une plante tropi
cale: elle doit pour se développer,avoir une certaine
chaleur. C'est pourquoi le cultivateur doit imiter le
jardinier qui sème sur couche ses légumes, ses pri
meurs. Il doit faire une couche et semer la fin de
Février ses graines de tabac. Celle-ci étant très fines,
il les stratifiera, c'est-à-dire les mélangera de la
terre pour les épandre sur le sol afin de ne pas se
mer trop dru. Les graines ne doivent pas être recou
vertes. La couche se fait de la manière la plus éco
nomique possible; c'est un parallélogramme large et
assez épais formé de fumiers de feuilles et de mousse
ou de toutes autres matières fermentescibles suscep
tibles de s'échauffer et de conserver leur chaleur
pendant un certain temps. Elles servent activer la
végétation et afin d'éviter le froid des vents, on re
couvre les semis d'un châssis en verre qu'on main
tient ouvert pendant la plus grande partie de la
journée. Certains cultivateurs conseillent de faire les
semis en Février, la fin du mois. Ils ont raison
et de laisser pendant toute la journée les châssis
entr'ouverls dès que les premières jeunes plants ap
paraissent. On éclaircit le semis dès que l'on peut
saisir les jeunes plants, et on épique en pépinière ou
on transplante directement en plein champ lorsque
les jeunes plants ont de six huit feuilles. Quand on
a repiqué en pépinière.la transplantation se fait plus
aisément, la plante reprend plus facilement. Il n'y a
pas de comparaison établir eutre deux plantes,l'une
transplantée directement de la couche semis, en
plein champ, l'autre repiquée en pépinière, puis mise
en pleine terre. La végétation est beaucoup plus ra
pide dans ce cas. Le tabac planté prend rapidement
un grand développement quelques arrosemenls
peuvent être donnés avec de l'engrais liquide: les
agriculteurs le connaissent suffisamment et les con
sommateurs de tabac ne nous pardonneraient pas
d'indiquer ici les qualités diverses que donnent au
tabac les engrais employés. Ce que les jardiniers
recommandent aux cultivateurs, c'est de donner
leurs plantes un épais saillis de fumier court au pied
de chaque plante il entretient a u pied de la plante
une humidité nécessaire et remplace avantageuse
ment le battage que l'on néglige de faire presque
toujours en Belgique.
Les plants sont replantés en plein champ la fin
de Mai, immédiatement après les jours froids si con
nus dans notre pays sous le nom des saints de glace:
ont les espace d'après l'usage des lieux des distan
ces variant entre 25 75 centimètres.
Le tabac prend un rapide développement; ses
feuilles grandissent rapidement, surtout quand l'éci-
mage a eu lieu. Celle opération qui consiste pincer
la tête de la plante, c'est à-dire en supprimer la
sommité, se fait quand la plante a émis sa douzième
feuille, mais généralement quand le plant n'est pas
très vigoureux, on n'attend pas si longtemps, et on
ne maintient que 8 feuilles par pied. On excepte de
celte opération les pieds de tabac qu'on réserve pour
la production de la semence. C'est ce moment que
la plantation du tabac réclame la visite journalière
du maître. Il doit examiner chaque planle et sup
primer tous les bourgeons qui se développent A