Ko 1,129. Jeudi,
45e ANNÉE.
29 Octobre 1885.
6 FRANCS PAR AN.
JOURNAL D'ÏPRIiS ET DE L'ARRONDISSEMENT.
RÉPAR4TI0\ JUDICIAIRE.
LE PROGR
PARAISSANT LE JEUDI ET LE DIMANCHE* VIRES VC.QI.1R1T EUNDO.
Rûl montrer sont reçues mr XAaence Havas (Publicité), 89, Marché-aux-Horbes, Bruxelles et cbez ses correspondants:
8, pu| de
ftaofS^BCrtMeS»^ Ç^Londres. - Po'Jr la Hollande che> Nygh et Van Ditmar, Rotterdam. - Pour l'Amérique eke. Pelhinghill et C-,
38, Park Row-New-York.
ABONNEMENT PAR AN Pour l'arrondissement administratif et 'udiciaire d'Ypres, fr. 6-00.
Idem. Pour le restant du pays7-00.
Tout ce qui concerné le journal doit être adressé l'éditeur, rue de Dixmude, 39.
INSERTIONS Annonces: la ligne ordinaire fr. 0-10 Réclames: la ligne, fr. 0-25,
Insertions Judiciaires la ligne un franc.
Nous, Léopold deux. Roi des Belges, tous
présents et venir, faisons savoir: Le Tribunal
de première Instance; séant Ypres, Flandre-
Occiaentale, a prononcé le Jugement dont la
téneur suit
Entre Monsieur Emile Brunfaut, particulier,
domicilié Ypres, demandeur, représenté par
Maître H. Bossaert.
Et: Monsieur Victor Demets, imprimeur, do
micilié Ypres, défendeur, représenté par Maî
tre R. Colaert.
Faits: Après une inutile tentative de concilia
tion, le demandeur a, par exploit du ministère
de l'huissier Verhaeghe, en date du quatre No
vembre, enregistré, ajourné le défendeur devant
le Tribunal decéans aux tins ci-après
La cause, régulièrement introduite, a été por
tée l audience dit neuf Novembre suivant, où
Maître'Bossaert, pour le demandeur, a pris les
conclusions suivantes, fesant suffisamment con
naître le point de fait.
Attendu que dans le numéro du dix Septem
bre mil huit cent quatre-vingt quatre du Jour
nal d'Ypres, dont l'assigné est 1 Editeur et l'Im
primeur responsable (enregistré deux rôles sans
renvoi k Ypres, le trente Septembre mil huit
cent quatre-vingt-quatre.volume quarante-sept,
folio quarante-deux,case cinq.Reçu deux francs,
quarante centimes. Le Receveur, (signé). A
Bogaert) et au cours du récit des événements
passés Bruxelles, le sept Septembre mil huit
cent quatre-vingt-quatre, le demandeur est re
présenté comme ayant, avec d'autres, dans la
nuit du sept au huit Septembre, attendu, armé
d'un bâton, les manifestants catholiques d'Ypres
pour les assommer la descente du train que
même il est désigné comme s'étant spécialement
fait remarquer parmi la bande; que, dans le
numéro subséquent, du treize Septembre mil
huit cent quatre-vingt-quatre, (aussi enregistré
deux rôles sans renvoi, Ypres, le trente Sep
tembre mil huit cent quatre-vingt-quatre, volume
quarante-sept, folio quarante-deux, recto, case
six. Reçu deux francs quarante centimes. Le
Receveur, (signé.) A Bogaert,) on a qualifié de
parti des assassins
Attendu que cette imputation toute malveil
lante et diffamatoire au pretoier chef, a infligé
(;rief et préjudice au demandeur en l'exposant
a haine et an mépris de ses concitoyens.
Vu l'article mille trois cent quatre-vingt-deux
du code civil.
Plaise au Tribunal déclarer calomnieux et
hautement dommageable l'article en question
Par suite, condamner le défendeur devoir:
Primo: payer au demandeur, titre de dom
mages-intérêts
A. Une somme de cinq mille francs ou telle
autre arbitrer
B. Une autre somme de trois cents francs
employer en insertions du jugement dans le
Journal de Bruges et l'Etoile Belge.
Secundo: Insérer le même jugement dans son
propre Journal, la première page, ce deux
reprises et dans les quinze jours de la significa
tion peine de cent franc par jour de retard, le
tout avec dépens.
Demande évaluée dix mille francs pour
fixer le ressort.
A l'audience du trois Décembre, Maître Co
laert, pour le défendeur a lépondu
Attendu qu'il est complètement inexact que,
dans 1 article visé par le demandeur, celui-ci
soit représenté comme ayant.avec d autres,dans
la nuit du sept au huit Septembre, attendu, ar
mé d'un bâton, les manifestants catholiques
d'Ypres pour les assommer la descente du
train;
Attendu que s'il est vrai que le dit numéro
du journal a dépeint les personnes qui se trou
vaient la descente du train par les expressions
suivantes
a Une centaine de gueux nous ont attendus,
jusqu'à trois heures de la nuit, la plupart armés
de bâtons etc. Il est faux que le défendeur ait
voulu viser le demandeur Brunfaut comme étant
armé d'un bâton ou ayant voulu assommer les
catholiques;
Attendu que le fait posé par le demandeur et
les autres personnes spécialement désignées,
de se trouver la gare,trois heures de la nuit,
fait qui n'est pas contesté et ne saurait l'être, a
du frapper l'attention des manifestants revenant
de Bruxelles par un train spécial qui ne pouvait
ramener ni des parents ni des amis du deman
deur.
Attendu, en ce qui concerne le demandeur,
que c'est ce fait là,et aucun autre,que le numéro
du dix Septembre du Journal d'Ypres, a fait
ressortir.
Attendu que l'imputation de ce fait singulier
n'est pas diffamatoire et n'a pu infliger grief ou
préjudice au demande^en l'exposant, comme
il le prétend, la haine et au mépris de ses
concitoyens.
Par ces motifs, tous autres réservés ou a faire
valoir d'office, le défendeur conclut:
Plaise au Tribunal dire que les articles dont
s'agit du Journal d'Ypres, n'ont pas visé le de
mandeur dans le sens que celui-ci attribue
ces articles que, partant, ces articles n'étaient
pas diffamatoires et n'ont pu causer au deman
deur aucun préjudice quelconque; en consé
quence, débouter le demandeur de ses fins avec
dépens.
Ces conclusions, dûment signifiées de part et
d autre, par acte d'avoué.
A l'âudienee du premier Mai mil huit cent
quatre vingt cinq parties ont plaidé leurs moyens
le ministère Public déclarant, pour autant que
de besoin, s'en rapporter Justice. Le Tribunal
a ordonné là dessus le dépôt des pièces et tenu
l'affaire ên délibéré.
En droit. Les articles incriminés sont-ils
diffamatoires et dommageables l'égard du de
mandeur?
En cas d'affirmative y a-t-il lieu de lui ac
corder des réparations? Lesquelles? Quid des
dépens
Sur quoi délibérant:
Attendu que dans le numéro du dix Septem
bre mil huit cent quatre-vingt-quatre portant la
relation suivante de l'Enregistrement. Enre
gistré deux rôles, sans renvois,Ypres,le trente
Septembre mil huit cent quatre-vingt-quatre,
volume quarante sept,folio quarante deux,verso,
case cinq. Reçu deux francs quarante centimes.
Le Receveur, (signé) A. Bogaert,presqu'entière-
ment occupé par le récit des événements passés
Bruxelles, le sept Septembre, lors de la ma
nifestation générale des associations catholiques,
le Journal d'Ypres, dont le défendeur est ['Im
primeur-Editeur responsable a publié un article
I intitulé Victoire et Guet-apens où se trou
vent groupés, en nombre considérable, des faits
d'agression odieuse, lâche et violente, main
armée des manifestants catholiques, par des
bandes de gredins infects, d'Alphonses, ou
négociants interlopes c de canaille de
voyous »,tous appartenant au parti «des gueux»
et "dans leqnel il affirme que ces scènes affligean
tes étaient le résultat d'un complot général tra
mé et laborieusement m<s exécution jusque
par de hauts fonctionnaires administratifs
Attendu qu'à la suite du récit des événements
de Bruxelles le Journal raconte, en ces ter
mes, la rentrée Ypres des manifestants catho
liques de cette ville
Ici, comme dans toutes Tes autres villes de
Province, le mot d'ordre avait été donné.
Il fallait attendre les catbolique leur re-
tour pour les assommer la descente du train
Le coup était monté ici comme il l'a été
Anvers, Gand, Namur, Menin, comme il l'a
i été partout. L'autorité avait elle eu vent de
quelque chose? Toujours est-il qu'à neuf heu-
rcsdu soir, heures laquelle nous aurions dû
rentrer, quatre gendarmes et plusieurs agents
de ville se trouvaient la gare. Une centaine
de gueux nous ont attendus jusqu trois heu-
res de la nuit, la plupart armés de bâtons,
tous criant en chœur O Vandenpeereboom
et bas Malou On a remarqué tout spé-
cialement Messieurs Vermeulen, le candidat
«Représentant; Gorrissen, le Secrétaire com-
munal; Emile Brunfaut, retour du Congo.
Pendant toute la nuit, cette bande a mené un
boucan d'enfer. Et plus loin dans un café
de la rue de la Station, la bande a grossière-
ment injurié et finalement jeté k la porte un
concitoyen, parceque, disait la bande, il avait
voté avec les catholiques aux dernières élec-
fions. Enfin,k trois heures, fatiguée d'attendre
la bande s'est dispersée.
Quand les manifestants sont arrivés cinq
heures il y a avait encore trois ou quatre
gueux, entre lesquels Emile Brunfaut, retour
du Congo, qui avait attendu jusqu'alors avec
une patience digne d'un meilleur sort
Attendu qu'il serait superflu,voire impossible,
d'ajouter, la lecture de ce factura, des consi
dérations quelconques pour prouver la malveil
lance coupable de l'auteur et la volonté énergi-
quement manifestée de livrer les personnes y
désignées k la haine et au mépris de leurs con
citoyens;
Attendu que la publication des articles ci-des
sus a évidemment causé au demandeur un dom
mage moral et pécuniaire dont réparation lui
est due
Attendu que le dommage moral sera efficace
ment réparé par la publication du présent juge
ment dans le Journal du défendeur et dans deux
autres Journaux au choix du demandeur;
Attendu que le seul dommage pécuniaire qui
soit, quant k présent, justifié,est celui causé par
l'obligation-de se pourvoir en Justice et que ce
dommage sera éqmtablement réparé par l'allo
cation d'une somme de cent francs et la con
damnation du détèndedraux dépens.
Vu l'article mille trois cent quatre-vingt-deux
du code civil.
Par ces motifs: Le Tribunal déclare calom
nieux et hautement dommageable l'article du
Journal d'Ypres du dix Septembre cité dans les
considérants qui précèdent; par suite, condamne
le défendeur Demets: Primo: payer au de
mandeur Brunfaut;à titre de dommages-intérêts:
A. Une somme de cent francs.
B. Une autre somme de trois cents francs k
employer en insertions du présent Jugement
dans deux journaux au choix du demandeur.
Secundo: A insérer le même Jugement dans
son propre Journal, k la première pa£: sous !e
titre «Réparation Judiciaire >,ce deux reprises
et dans les quinze jours de la signification dudit
I jugement, sous peine de cents francs par jour
de retard.
Condamne le défendeur aux dépens liquidés
k la somme de quatre-vingt-deux francs trente-
six centimes, non compris les frais d'expédition
i de signification et de riiisevà exécution du pré-
sent Jugement.
Ainsi fait et prononcé en audience publique
Civile du Tribunal de première instance séant k
Ypres, Flandre Occidentale, le vingt-deux Mai
mil huit cent qnatre-vingt-cinq.
Présents: MessieursIweins, Président,Dusil-
lion et Ollevier, Juges, Berghman, substitut du
Procureur du Roi et Tyberghein, Greffier.
(Signé) J. Iweins et Alfred Tyberghein.
Mandons et ordonnons k tous huissiers k ce
requis de mettre le présent jugement k exécution
A nos procureurs généraux et k nos procu
reurs près les Tribunaux de première instance
d'v tenir la main et k tous commandants et
olficiers de la force publique d'y prêter main
forte lorsqu'ils en seront légalement requis;
En foi de quoi, le présent jugement a été
signé et scellé du sceau du Tribunal.
Pour expédition conforme: Délivrée k Maître
Bossaert, avoué du demandeur.
Le Greffier du Tribunal,
(signé) Alfred Tyberghein et scellé.
Enregistré dix rôles et un renvoi k Ypres le
trois Septembre 1800 quatre-vingt-cinq,vol.113,
fol. 194, case 6;
Reçu vingt-huit francs quarante-cinq centimes.
Le Receveur,
(signé) ABogaert.
Pour copie conforme:
H. Bossaert,A*1.
Soit le J ugement qui précédé signifié et copie