RÉPARATION JUDICIAIRE flo 1,13t. Jeudi, 45e ANNÉE 26 Novembre 1885. 6 FRANCS PAR AN. JOURNAL D'YI'RES ET DE L'ARRONDISSEMENT. LE PROGR l'A«4ISSiTT LE JEÈD1 ET LE DUIASCIIE. VIRES ACQUIMT EUNDO Les annonces de la Belgique el de l'Etranger sont reçues par l'Agence Havas (Publicité), 89, Marché-aux-IIerbes, Bruxelles et chez ses correspondants: Pour la France: l'Agence Havas, 8, Place de la Bourse, Paris. Pour l'Allemagne, l'Austro-Hongrie et la Suisse chez Rudolf Mosse (Annoncen-Expedition) Cologne, Berlin, Francfort, Strasbourg, Munich, Hambourg, Leipzig, Stuttgard, Vienne et Zurich. Pour la Grande-Bretagne el l'Irlande: chez Géo Street et C", 30, Cornhill, E C et 5, Serle Street W C, Londres. Pour la Hollande chez Nygh et Van Ditmar, Rotterdam. Pour l'Amérique: chez Ppthinghill et C°, 38, Park Row-New-York. ABONNEMENT PAR AN Pour l'arrondissement administratif et :udiciaire d'Ypres, fr. 6-00. Idem. Pour le restant du pays7-00. Tout ce qui concerne le journal doit être adressé l'éditeur, rue de Dixmude, 39. INSERTIONS Annonces: la ligne ordinaire fr. 0-10 Réclames: la ligne, fr. 0-25. Insertions: Judiciaires la ligrne un franc. Nous, Léopold deux, Roi des Belges, tous présents et k venir, faisons savoir Le Tribunal de première instance, séant k Ypres,Flandre- Occidentale, a prononcé le Jugement suivant En cause deMonsieurleMarquisVictord'Ennetières,Comte d Hust et du St-Empire, Bourgmestre de la Commune d'EI- verdinghe,demandeur, représenté par Maître Colaert,avocat- avoué k Ypres. Contre Monsieur Ange Van Eeckliout, libraire-imprimeur et éditeur du Journal Le Progrès d'Ypres, demeurant en cette ville, défendeur,représenté par Maître Laheyne,avocat- avoué au dit Ypres. Points de fait. Après une inutile tentative de conciliation, le demandeur assigna le défendeur, par exploit du ministère de l'huissier Brevne, Ypres, en date du vingt Avril mil huit cent qua tre-vingt-cinq, k comparaître devant le Tribunal de céans aux fins énoncées dans cet exploit. Maître Laheyne se constitua pour le défendeur. L'affaire, régulièrement introduite, fut portée au rôle k l'audience du treize Mai. A cette audience, Maître Colaert, pour le demandeur donna lecture des conclusions suivantes: Attendu que dans son numéro du vingt-deux Mars mil huit cent quatre-vingt-cinq, enregistré, sous la Rubrique Un peu de tout Le Progrès »,dont le dit Van Eeckhout est l'imprimeur et l'éditeur responsable,s'est permis décrire ce qui suit: Faire faillite tout en restant millionnaire, de- venir le premier magistrat de son village après avoir ruiné ses administrés, se faire encenser tous les Dimanches, k l'Eglise, par l'oint du Seigneur, et laisser de pauvres diables, réduits k la misère, mourir de faim sous le porche, tout cela n'est pas d'un roturier, un noble seul peut agir avec autant de désinvolture Attendu que ces lignes, qui visent incontestablement le demandeur, renferment une imputation malveillante et ca lomnieuse de nature k porter atteinte k son honneur et k sa considération. Pour ces motifs, tous autres réservés, plaise au Tribunal déclarer que l'article en question est calomnieux et domma geable. En conséquence condamner le défendeur, primo, k paver au demandeur la somme de deux mille francs k em ployer en insertions du jugement k intervenir dans des journaux k son choix;secundo.k insérer le même jugement, dans son propre journal,Le Progrès k la première page et sous le titre Réparation Judici. ire en grands carac tères k deux reprises différentes et jusqu'à concurrence de la somme de trois cents francs k peine de trois cents francs de dommages et intérêts ordonner l'exécution provisoire du jugement, nonobstant appel et sans caution; condamner le défendeur aux dépens. Demande évaluée, pour le premier chef, k deux mille francs, et pour le second k trois cents francs ensemble deux mille trois cents francs pour fixer le ressort. A l'audience du vingt Mai, Maître Laheyne répondit en ces termes L'avoué soussigné pour sa partie déclare vouloir user du bénéfice de l'article trente-trois de la loi du vingt-cina Mars mil huit cent septente-six, sur la compétence, et évaluer, k la somme de mille francs, la demande en insertion du juge ment dans le journal du défendeur, ce qui porte la valeur totale du litige k la somme globale de trois mille francs, laquelle, pour autant que de besoin, le défendeur déclare l'évaluer; Pour le surplus,attendu que l'article dans lequel se trou ve le passage servant de base l'action du demandeur, n'a pas eu pour but d'attaquer la personne du Marquis d'En- netières, mais uniquement de signaler l'alliance qui d après le défendeur, existe entre le clergé et la noblesse en vue d opprimer la liberté des citoyens. Que si, en passant.le défendeur signale, comme un scan dale, l'acception des fonctions de Bourgmestre d'Elverdin- ghe faite par le demandeur, l'année même où il avait été contraint d'avouer son insolvabilité et de recourir, k l'expé dient d'une séparation de biens pour conserver le bien-être de sa vie antérieure de millionnaire, il n'y a lk que l'appré ciation d'un acte politique, posé par le demandeur, et dont chacun a le droit de discuter Ja convenance; Pour ces motifs, le défendeur conclut, qu'il plaiseau Tri bunal débouter le demandeur, partie Colaert, de ses fins et conclusions, le condamner aux dépens. Ces conclusions furent signifiées de part et d'autres. L'affaire, étant en état, fut remise pour les plaidoiries. A l'audience du dix-neuf Juin les avocats des parties développèrent leurs moyens el conclusions et la cause fut tenue en délibéré. Points de droit. Le passage incriminé est-il malveillant et diffamatoire Dans l'affirmative quelles réparations y a-t-il lieu d'ac corder au demandeur Quid des dépens? Sur quoi délibérant. Vu les conclusions respectives des parties; Sur la question de détermination du ressort. Attendu que dans son exploit introductif d'instance, le demandeur évalué l'action k deux mille cinq cents francs pour fixer le ressort, libellant cette somme en demande Primo, de paiement de deux mille francs k employer en insertions du jugement intervenir dans des journaux son choix; secundo, de condamnation en insertion dudit juge ment, k deux reprises, dans le journal Le Progrès lui- nicme, sinon de paiement de trois cents francs de domma ges-intérêts; Attendu que, dans ses conclusions d'audience, du neuf Mai mil huit cent quatre-vingt-cinq, le demandeur, modi fiant les termes de sa demande primitive, en ce qui con cerne le second chef, a conclu la condamnation en inser tion du jugement intervenir,dans le journal du défendeur, k la première page, et suus le titre «Réparation Judiciaire» en grands caractères, deux reprises, jusqu'à concurrence de la somme de trois cents francs, k peine de. trois cents francs de domniages-intérèts; et a réduit son évaluation, pour fixer le ressort, k deux mille trois cents francs; Attendu que le défendeur souttient que, cette évaluation était inutile parce que toute demande en insertion forcée est non susceptibles d'évaluation et, parlant,toujours appelable; Attendu que l'examen de la question de savoir si toute demande en insertion forcée est toujours susceptible d'appel n'incombe pas au tribunal de première instance, mais bien la juridiction d'appel, en tant qu'elle serait éventuellement saisie; que d'ailleurs, dans l'espèce, cet examen serait sans raison, puisque le défendeur, usant de la faculté que lui accorde le paragraphe deux de l'article trente-trois de la loi du vingt-cinq Mars mil huit cent septente-six, a, dans ses premières conclusions, sur le fond du procès, déterminé le ressort, en évaluant l'objet de la demande, trois mille francs, élevant, ainsi, cet objet au delà du taux du dernier ressort: Au fond. Attendu que l'action du demaudeur tend faire déclarer calomnieux, injurieux et dommageable, un fragment d'ar ticle inséré, sous la rubrique Un peu de tout, dans le journal Le Progrès d'Ypres, numéro du vingt-deux Mars mil huit cent quatre-vingt-cinq, enregistré deux rôles, sans renvoi, k Ypres, le neuf Avril mil huit cent quatre-vingt-cinq, volume quarante-sept, folio quatre- vingt-huit, case cinq, reçu deux francs, quarante centimes. Le Receveur, (signé' A. Bogaert, et dont le défendeur est l'imprimeur et éditeur responsable; Attendu que ce fragment qui commence par ces mots Nous lions dans un journal français:Un village flamand des environs d'Ypres a le rare bonheur de posséder un snperbe château et finit par les suivants: Voilà comment le clergé et la noblesse continuent l'œu- vre d'apaisement que le ministère de lu tolérance nationa- le a inauguré chez nos voisins s contient les passages suivants: Cette demeure seigneuriale est habitée par un genlil- homme de vieille roche, et de la plus vilaine espèce con- nue. Caractère al tier. tyrannique, intraitable. Les bonnes fermes n'en parlent qu'avec frayeur, et assurent que chez le châtelain, on ne trouverait qu'une pierre, là, où chez les autres hommes,est placé le cœnr! etc. etc.—plus loin, coïncidence curieuse et digne de remarque, il a été nom- mé bourgmestre de sa commune, l'année même de sa première déconfiture financière! et enfin Faire feillite tout en restant millionnaire, devenir le premier magistrat de son village, après avoir ruiné ses administrés, se fairp encenser tous les Dimanches k 1 e- glise, par l'oint du Seigneur et laisser de pauvres diables réduits la misère, mourir de faim, sous le porche, tout cela n'est pas d'un roturier. Un noble seul peut agir avec autant de désinvolture Attendu qu'il résulte d'articles antérieurs du journal du défendeur, comme des faits et circonstances de la cause,que les passages ci-dessus vivent incontestablement le deman deur, Monsieur le Marquis d'Ennetiè es, que le défendeur le reconnaît d'ailleurs dans son écrit de conclusions du vingt un Mai mil huit cent quatre-vingt-cinq, où on lit: Que si, en passant, le défendeur signale, comme un scandale, l'acceptation des fonctions de bourgmestre d'Et- verdinghe, faite par le demandeur, l'année même où il avait été contraint d'avouer son insolvabilité, et de re- courir k l'expédient d une séparation de biens, pour con- server le bien-être de sa vie antérieure de millionnaire, il n'y a lk que l'appréciation d'un acte politique, posé par le demandeur, et dont chacun a le droit de discuter la convenance. Attendu que, si dans le fragment d'article du vingt-deux Mars, il se trouve des passages qui peuvent n'être considé rés que comme de la discussion politique, quelqu'acrimo- nieuse qu'elle soit, il ne saurait être douteux que les phrases incriminées s'écartent absolument de la discussion politique, pour empiéter sur le domaine de la vie privée, en décriant, le caractère personnel, les sentiments intimes du demandeur et en insinuant, sa charge, dans sa gestion financière et celle de sa fortune privée, les actes les plus odieux Attendu, notamment, que ces lignes faire faillite, tout en restant millionnaire, devenir le premier magistrat de son village, après avoir ruiné ses administrés, mises en regard de ces autres lignes, il a été nommé bourgmestre de sa commune l'année môme de sa première déconfiture financière permettent au lecteur de supposer que le de mandeur, tombant -de déconfiture en déconfiture, a fait l'aveu de sa faillite, après avoir accaparé et celé, pour rester

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Le Progrès (1841-1914) | 1885 | | pagina 1