N° 4. Dimanche,
47e ANNÉE
16 Janvier 1887.
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
Une victime de M. Thonissen.
Un curé malade! et sain....t
6 FRANCS PAR AN
PARAISSANT LE JEUDI ET LE DIMANCHE.
Ypres, le 15 Janvier 1887.
Une fois de plus, nos anarchistes noirs, ces
prétendus défenseurs du principe d'autorité,
ces adeptes fervents de l'école de respect, ren
dent des points aux anarchistes rouges pour la
violence de leur polémique.
Lfautre jour, c'était l'organe de l'évêché de
Liège qui traitait de voleurs les officiers de
notre armée 1 Et comme le colonel d'état-major
Crousse avait envoyé une lettre énergique aux
sacristains-rédacteurs de la feuille pieuse, les
dits sacristains avaient l'audace d'engager le
ministre de la guerre prendre des mesures
de rigueur contre cet honorable officier
Aujourd'hui une autre feuille cléricale, en
visageant l'éventualité d'une dissolution des
Chambres, s'écrie
La Couronne sait trop bien que sur ce cha-
pitre le pays la remballerait avec la plus
significative énergie, et c'est alors, peut-être,
que M. Tesch trouverait décidément occasion
ae replacer son mot fameux de 1848 Les
Rois s'en vont.
Voilà la polémique de la presse de nos évê-
ques
Le Vooruit et le Peuple ne pourraient aller
plus loin. Et ce dernier journal avait bien
raison d'imprimer il y quelques jours: 11 y a,
dès présent, une nouvelle campagne anti
royaliste commencée par les ultramontains. Et
ceux-ci, on peut hardiment le supposer, n'use
ront pas de ménagements. Les coups que la
royauté a reçus depuis quelque temps ne se
comptent plus. Au fond, les cléricaux Jacobs,
Coremans et des milliers d'autres ne sont pas
plus royalistes que nous-mêmes.
Polémiquant avec le Patriote au sujet de la
question militaire, le Journal de Bruxelles
imprime ce qui suit
L'organe officieux du ministère nous per-
mettra-t-il de lui indiquer, dans cet ordre
d'idées, un document bien autrement significa
tif que les vieux articles du Patriote
Lors des élections du 25 Mars 1884, An vers,
le parti clérical adressait aux officiers de la
garnison une circulaire dans laquelle il était
ait
Donc, en 1884, dans l'espoir de chiper quel
ques voix aux libéraux, M. Jacobs et ses amis
reprochaient notre parti de maintenir le
remplacement
On sait quelle est aujourd'hui, sur cette ques
tion du remplacement, l'attitude de ces far
ceurs.
Il y a cependant, dans la circulaire cléricale
que nous rappelons, quelques mots qui de
vraient donner réfléchira nos meneurs fana
tiques.
Oui, le système de recrutement en vigueur
accorde au riche le privilège de se dérober
ses devoirs vis-à-vis de la patrie.
Et dans les circonstances actuelles, alors
qu'à tout instant l'armée peut être appelée
défendre le pays, il y a un nom pour qualifier
ceux qui se dérobent ces devoirs-là.
Un nom qui brûle au front comme un fer
rouge et qu'on ne jette jamais impunément
la face d'un homme de cœur
Est-ce que les Woesle, les Jacobs et toute
leur séquelle d'ultramontains ne finiront point
par le comprendre
qRBHc .s
On connaît le cas de l'instituteur de Ciergnon
(résidence royale).
Son école communale fut supprimée et il fut
révoqué, mais un arrêté royal annula ces me
sures de rigueur.
Que firent les cléricaux de Ciergnon? L'école
rétablie, on ne paya plus l'instituteur commu
nal.
Le malheureux eut beau réclamer, ce fut en
vain Appels l'opinion publique, l'adminis
tration communale, au ministère, recours au
Roi, tous les moyens employés pour se faire
payer ses appointements furent stériles.
Le pauvre instituteur, accablé de misère,
rongé par le chagrin, vient de mourir, laissant
une veuve sur le point de devenir mère et six
orphelins éplorés.
Le fanatisme clérical a eu raison de ce mar
tyr. II est mort sur la brèche, héroïque victime
de la haine politique....
Le correspondant bruxellois du Journal de
Charleroi se fait l'écho de nouveaux bruits de
dissolution.
A méditer le passage suivant du discours de
M. de Bismarck
Des paroles je ne sais rien en fairel Des pa
roles ne sont pas des soldats et les discours ne
sont pas des bataillons lorsque l'ennemi sera
dans notre pays et que vous lui tiendrez des
discours, il rira de nous
Des paroles ne sont pas des soldats et les dis
cours ne sont pas des bataillons On n'a rien
dit d'aussi vrai, depuis cinquante ans, dans
aucun Parlement du monde.
Nous avons sous les yeux le cahier de classe
d'une fillette élève d'une de ces écoles congré-
ganistes comme il en pullule depuis l'avene-
ment des cléricaux au pouvoir.
Nous tombons en arrêt devant un devoir de
français, émaillé de fautes et taché de pâtés
d'encre. La chère sœur chargée de l'instruction
de la jeune élève n'a pas corrigé les fautes, et
pour cause mais en marge elle a tracé,
l'encre rouge, ces mots supérieurement calli
graphiés Courage, saligote I (sic).
Cette aimable observation et la manière dont
le mot saligaude est orthographié donnent
bien la mesure de l'éducation et de l'instruction
des bonnes sœurs de l'établissement.
La petite commune de Marckeghem a le bon
heur de posséder un curé et un coadjuteur. Qui
conque croit que ce dernier est là pour remplacer
un titulaire malade, incapable de remplir les de
voirs de sa charge, pourrait bien se méprendre,
mais celui qui s imaginerait que le curé est l'an-
fe protecteur de la commune se tromperait de
eaucoup.
Or, voici ce qui est arrivé Marckeghem
Jeudi, l'avant-veille du nouvel an, jourpro-
{)ice pour fixer et arrêter le chiffre des étrennes,
e conseil communal de la petite commune de
Marckeghem, représentée par le bourgmestre,
deux échevins et trois conseillers communaux,
était réuni dans la salle des délibérations où se
trouvaient également les seigneurs et maîtres du
village le curé et le coadjuteur.
L'ordre du jour portait: Proposition d'aug
menter le subside accordé l'école adoptée.
Le moment était bien choisi pour introduire
ce projet; en effet, étrenner le curé au moyen
de quelques centaines de francs est coup sûr
l'œuvre la plus méritoire mais la caisse commu
nale et la bourse des contribuables sont-elles
bien de force suppporter de continuelles
saignées Il faut croire que les impôts actuels,
qui sont en définitive une charge très lourde (j'en
excepte encore l'impôt du sang) pour les petits
bourgeois, ne peuvent plus être augmentes, at
tendu qu'un conseiller communal de Marcke
ghem a eu le courage de dire la face de son
seigneur et maître le curé, que le conseil com
munal a pour devoir, de défendre et de sauve
garder les intérêts des habitants et non d'enri
chir un individu peine arrivé dans la commune.
Le conseiller entendait par là l'instituteur catho
lique appelé par le curé, remplaçant l'insti
tuteur communal en disponibilité et auquel la
commune alloue déjà 1,500 fr.
Le curé, piqué au vif par les paroles du con
seiller, monta sur ses grands chevaux, mais le
coadjuteur l'arrêta en prononçant les paroles
suivantes tirées de l'Evangile du même jour
LE PROGRES
▼IRES ACQOIR1T ECPUM).
BONNEMENT PAR AN: Pour l'arrondissement administratif et judiciaire d'Ypres, fr. 6-00.
Idem. Pour le restant du pays7-00.
Tout ce qui concerne le journal doit être adressé l'éditeur, rue au Beurre, 20.
INSERTIONS Annonces: la ligne ordinaire fr. 0-10 Réclames: la ligne, fr. 0-25.
Insertions Judiciaires la ligne un franc.
Pour les annonces de France et de Belgique s'adresser l'Agence Havas, Bruxelles, 89,
Marclié aux Herbes.
Le Patriote a grand tort de vouloir faire des décou
vertes proposée notrealtitudedaosla question militaire.
Il pourrait nous donner l'envie d'en faire au sujet de la
sienne qui serait bien piquantes! Nous nous souvenons
parfaitement d'articles du Patriote publiés en 1884 et 1885
et qui fulminaient contre le principe du remplacement. Il
ne serait pas bien difficile de les retrouver et de les plaGer,
fort désagréablement pour lui, sous les yeux de notre con
frère.
Les libéraux pour les besoins de la cause pré
tendent avoir résolu la question militaire. Qu'ont-ils fait?
Le gouvernement a déposé un projet de réserve, condamné
aussitôt par tous les hommes compétents. Ce projet consa
cre une injustice l'inégalité des citoyens devant la loi et
le privilège pour le riche de se dérober ses devoirs vis-à-
vis de la patrie il maintient le remplacement, cette plaie
de l'armée, et ne répond nullement au but.
L'idée de la dissolution, dit-il, gagne du terrain. Les
personnes qui approchent Léopold II le trouvent disposé
la décréter dans le cas où le ministère Beernaert démis
sionnerait.
Or, l'existence du cabinet devient de plus en plus pré
caire.
Les craintes d'une guerre prochaine le placent dans la
nécessité de réclamer du Parlement une série de mesures
protectrices pour la défense du territoire.
Et il n'ose engager la lutte contre les anti-militaristes
de la droite. On compte donc sur son piteux effondrement.
Plus la situation de l'Europe s'assombrira, plus sera
prochaine la chute de M. Beernaert.
1Chronique