Supplément au Journal n le Progrès n d'Tpres, du 6 Février 1887 TOUS LES IMPRIMÉS OFFICIELS L'EMPEREUR GUILLAUME ET BISMARCK. Nous empruntons la correspondance ber linoise du Précurseur d'intéressants détails sur ces deux hommes vers lesquels se reporte de nouveau l'attention du monde entier Un traitement américain de la phtisie. Variétés. On peut toujours se procurer Chez E. LAMBIH-Hl ATHÉE, IMPRIMEUR-LIBRAIRE, 20, rue au Beurre, 20, l'usage de MM. les Secrétaires et Receveurs communaux. le roi dit Bismarck Je sais pourquoi ma jument a eu peur. Moi aussi, Majesté, répondit le chancelier, qui avait sauvé celui dont il allait faire un empereur. Le prince de Bismarck, comme d'ailleurs tous les hobereaux prussiens, est doué d'un courage poussé l'extrême limite. Quand Blind tira sur lui, sous les Tilleuls, il l'aperçut immédiatement qui.se cachait derrière un arbre, le revolver la main. Sans hésiter une seconde, quoique l'arme de l'assassin fût braquée sur lui, le chan celier courut vers le danger et pendant que Blind lâchait trois ou quatre coups encore, il le saisit au collet. Jamais je n'oublierai la scène laquelle j'assistai du haut de la tribune des journalistes quand un jour, au Reichslag, comme le chancelier parlait, quelqu'un, du côté de l'extrême gauche, lui cria C'est une lâcheté L'orateur venait Me rappeler un de ses actes qu'un député resté incon nu, avait qualifié comme nous venons de l'indiquer. Ce fut une affaire que, j.e te dis encqre, jje n'oublierai jamais. Tout coup le chancelier pâlit comme tin mort. Ses grands yeux terribles semblèrent sortir de sa têlç. Il ne lit qu'un bond de sa place vers la gauche et d'une voix de tonnerre, qui pétrifia l'assemblée Qui est-ce qui s'est permis, cria- t-il, de me traiter de lâche ici où est il-ce lâche lui-même qui n'ose pas se montrer? Quelqu'un me le désignera-t-il Cela dura cinq minutes. Je croyais que le prince allait étouffer. Cent fois je l'ai entendu, jamais, hormis en ce moment, il n'a perdu son sang-froid. Alors il ne se possé- mêmes des cavernesqui ont fini par se cicatriser sans avoir amené la terminaison fatale. Au dire du docteur Unger, les tubercules de la phtisie ont précisément une tendance la transformation fibreuse,transformation qu'il s'agit défavo riser de toute façon, parce que la guérison peut toujours en résulter, même dans les cas en apparence les plus désespérés. On peut comparer la vie une lampe, dit-il. La lampe est-elle régulièrement remplie d'huile,sa lumière se main tient, sans que la mèche brûle. Négligeons-nous ce soin, la mèche se consume et la lumière disparaît. La comparaison est particulièrement juste quand il s'agit de phtisiques leur maladie est dans toute la force du terme une c con somption c'est-à-dire une maladie qui consomme du carbone. Si la provision du carbone n'est pas suffisamment renouvelée, elle l'emprunte l'organisme. Mais si nous avons soin de lui donner en pâture tout le carbone néces saire, nous finissons par avoir raison de sa voracité. Partant de là, le docteur Unger déclare qu'il est absurde d'administrer un malade atteint d'une affection pulmo naire des médicaments uniquement faits pour calmer la toux. L'amélioration temporaireque ces médicaments peu vent apporter est exclusivement due aux éléments narco tiques et alcooliques qu'ils contiennent. Mais leur effet sédatif empêche l'expulsion des produits morbides et par contre-coup entraîne une aggravation du mal. Les médica ments mercuriels ne sont pas plus efficaces. Tout ce qu'il faut au phtisique, c'est un grand appétit, avec l'alimenta- tinn In nlnc riphp Pli pnrhnnp A tout seigneur honneur, commençons par l'Empereur. Guillaume Ier est né le 22 Mars 1797. Il va donc, dans deux mois, célébrer son 90m* anniversaire. La loi militaire sera votée alors et probablement la fête donnera lieu une grande démonstration en faveur de la paix. Tant que le vieil Empereur vivra et il peut aller jusqu'à cent ans nous n'aurons pas de guerre, moins que l'Allemagne ne soit provoquée, ce qu'on ne fera pas facilement. Que ceux qui sont inquiets calment donc leurs esprits. l'Em pereur ne voudrait pas qu'on fît la guerre sans lui. Il ne veut pas même qu'on fasse les grandes manœuvres sans lui. Quand il n'est pas en état de se tenir cheval, il se fait conduire en voiture, ce qui pour son âme de soldat est un vrai supplice. Quand il lui a fallu une voilure pour la première fois, ç'a été toute une affaire. Il ne voulait pas. Mais son prin cipal médecin, M. von Lauer son tyran qui vient de mander chaque jour au palais ce que S. M. a mangé et bu la veille, quelle heure Elle s'est levée et couchée, si Elle est restée dans son bureau ou si Elle est sortie, M. vori Lauer qui veut absolument conduire son auguste client jusqu'à la centaine, qui le soigne comme un enfant, le surveille comme un cerbère, l'empêchant de manger du homard, lui défendant d'aller la rue quand il fait mau vais, M. von Lauer enfin qui recevra uue grandiose ré compense quand son maître célébrera son centenaire, lui imposa la voiture. Mais mon cher Lauer, riposta l'Empereur, je serai ridicule. Qu'est-ce que mes soldats vont dire Est-ce que César allait en voiture? Majesté, je ne cède pas, répliqua M. von Lauer aux dernières manœuvres vous avez eu un évanouissement S. M. doit accepter la voiture ou rester Berlin. Il paraît que les débats ont duré une heure. Enfin, dit l'Empereur, vous voulez absolument que je me soumette Oui, Ma jesté. Et l'Empereur se soumit parce que c'était son devoir. C'étaiuson devoir Guillaume I" est tout entier dans ce mot. Il n'admet pas que quelqu'un ne fasse pas son de voir, commencer par lui. Dieu lui a donné pour mis sion de bien gouverner son peuple. Celte mission, il la remplit depuisqu'il est monté sur le trône, avec une ponc tualité, une régularité et une vigilance qui jamais n'ont été en défaut. Dès huit heures du matin, chaque jour, l'hiver comme l'été, il est la tâche: il lit les pièces dé posées sur son bureau, étudie son armée, reçoit les mi nistres, leur donne ses ordres en un mot, il fait sa besogne comme le plus simple des fonctionnaires de son vaste empire. Même quand il est en voyage, qu'il va aux bains pour réconforter sa santé, il ne saurait s'abstenir de gouverner. Ne croyez pas que le prince de Bis marck fait tout ce qu'il veut en Allemagne. Il doit d'abord convaincre l'Empereur. Que de peine cela ne lui a-t-il pas coûté parfois L'Empereur est la bonté même. Quand Hœdel a tiré sur lui, il était tout étonné d'avoir un ennemi. Mais il ne veut pas que quelqu'un soit en défaut. On l'a vu, lui qui tient si vivement tous ses bons serviteurs, lâcher le comte d'Arnim, parce qu'il avait manqué ses devoirs. Il n'ad met pas le moindre acte d'indiscipline. Napoléon let avait avec ses généraux des tolérances que Guillaume l'r n'au rait certainement pas avec les siens. Avec lui un Murât n'irait pas loin. Vous ne vous faites pas d'idée de la popularité, du culte même dont l'Empereur jouit dans le peuple. Gare celui qui dans une société quelconque fût-ce parmi des amis se permettrait de dire une parole contre la personne souveraine. On lui imposerait immédiatement le silence. Il courrait même le risque d'être dénoncé. Inutile de dis cuter là-dessus, les Berlinois n'entendent pas de celte oreille. La personne de l'Empereur pour eux a quelque chose de sacré. Qu'à l'étranger on trouve ce culte exa géré, cela leur est égal. Remarquez que les socialistes mêmes ne touchent jamais la personne de l'Empereur dans leurs meetings ou leurs discours parlementaires. Une offense l'Empereur n'est jamais pardonnée. Ceux qui s'en sont rendus coupables ne doivent compter sur aucune grâce. Voici une anecdote sur Guillaume I". Je sais qu'elle est authentique, venant du prince de Bismarck lui-même. C'était la bataille de Sadowa. L'Empereur, alors roi de Prusse seulement, regardait sur une hauteur le dévelop pement de la bataille. Il était cheval et Bismarck che val aussi derrière lui. Tout-à-coup les obus se mettent pleuvoir au-dessus et côté du souverain Bismarck, qui avait un pistolet en poche pour se faire sauter la cervelle si la bataille tournait mal les entendant siffler et voyant que son maître, impassible, regardait toujours la bataille, lève le pied et en donne sans respect un coup bien appli qué dans la partie postérieure de la jument royale. La bête, surprise, part, comme une flèche; tandis que le roi, non moins surpris, se retournait avec un sourire vers son premier ministre qui galoppait déjà derrière lui. Le soir, dait plus. Il étàit effrayant. Enfin, un député c'était M. Richter, je crois lui répondit'dans une seconde où il respirait Personne n'a dit cela, vous avez mal entendu. Non Si L'apaisement fut subit. Immédiatement, dans le temps que demande un éclair, le chancelier se calma et comme si rien ne s'était passé, il reprit sa petite voix fluetfè pour continuer son discours. C'est comme cela que j'ai su que le prfnce avait comme l'éléphant qu'on me permette cette comparaison deux voix, sa voix de colère et de tempête qui est épou vantable, et sa voix ordinaire qu'on entend peine. Il faut, quand le chancelier prononce un discours au Reichstag, que les journalistes soient bien attentifs, qu'ils aient l'ouïe fine, sans cela ils n'entendraient pas la moitié. Il n'est pas dans tout le parlement un orateur qui parle plus difficilement que le prince. On dirait qu'il manque de souffle il prend son énorme crayon long d'une aune, son grand verre rempli autrefois de cognac, il appuie sur la jambe droite, puis sur la gauche, il se penche, il ouvre sa tunique militaire, il a l'air de souffrir, d'être la torlurc. Et quand on lit ses discours, ce soiit des chefs-d'œuvre. A quoi tient ce phénomène Je crois l'avoir deviné. Le prince a trop d'idées la fois, son cerveau produit des pensées comme un fusil répétition crache des balles. Sa voix n'a pas le temps de suivre son esprit. D'un autre côté il ne veut pas parler trop vite de peur de lâcher un mot impro pre; de là ce malaise, celte agitation fébrile, cette transpi ration qui inonde son front quand il a fini. Que de pages n'écrirais-je pas sur cet homme phénomé nal, si vos colonnes m'en laissaient la place On ne sait par où commencer quand on entreprend d'esquisser cette puissante individualité, cette grande existence. On a pour habitude de considérer le prince comme un homme formidable, terrible. Il l'est en effet. Malheur qui devient son ennemi. Quand, en hiver, il reçoit les députés dans son palais, il se lient la porte de sa salle de ré ception, son gros chien souvent côté de lui. Les députés arrivent l'un après l'autre. Aux uns il donne la main, aux autres un simple salut. Vous ne le croiriez peut-être pas, mais il en est, je levais, qui en passant devant ce géant qui domine l'Allemagne et l'Europe, sentent courir sur leur corps un frisson de timidité. Quand Bismarck est entré au service de son roi, il était presque pauvre. A présent on peut le tenir pour un des plus riches propriétaires fonciers de l'empire. Il doit au moins avoir pour 15 millions de biens. La propriété de Schvvazenbeck que l'Empereur lui a donnée après la guerre de 1870, était estimée alors 4 millions. Un beau cadeau Mais il l'avait bien mérité. Le traité de Francfort valait plus que cela. Ce traité, le chancelier l'a porté littérale ment pendant toute une ànnée Sur soti cœur. Il était là, tout chaud, sous sa tunique. De temps en temps il lui donnait de l'air pour le relire silencieusement ou pour en citer un article ou deux au Reichstag. Si je désirais que mon pays fût glorieux et fort, je lui souhaiterais un Bismarck. Mais comme je préfère qu'il soit libre et calme, d'autres peuples les grands hommes Un correspondant de Chicago nous communique, dit le Temps, une sorte de circulaire adressée par un vieux méde cin de ses amis, le docteur Unger, ceux de ses clients qui sont atteints de cette terrible maladie. La circulaire a pour titre Consolation. S'il fauten croirele digne praticien de l'Illinois, la phtisie pulmonaire, loin d'être toujours mortelle, peut souvent être guérie par des movens fort simples. L anatomie patho logique le démontre, car on constate fréquemment sur des sujets morts de toute autre maladie des tubercules ou Il vaudrait mieux pour lui, s'écrie le docteur Unger, dévorer chaque jour deux ou trois chatidelles de suif que toutes les drogues dont on le gave Il y trouverait plus d'éléments propres faire crever d'indigestion les bacilles qui le rongent Le seul mérite de cet affreux médicament l'huile de foie de morue ajoute le docteur Unger, consiste préci sément dans sa richesse en carbone. Quel traitement le docteur américain préconise-t-il la place des toniques habituels Tout simplement des vête ments de laine sur la peau, l'exercice physique tous les jours et par tous les temps, l'usage des apéritifs tels que le bit ter, le curaçao et, en général, tous les amers, enfin et surtout une alimentation aussi riche, aussi abondante que possible. Du moment où un phtisique mange comme un loup, dit-il, la partie est gagnée. Il faut tout subordonner au développement d'un appétit vorace, la condition, bien entendu, de satisfaire cet appétit. A l'appui de sa thèse, il fournit quelques exemples em pruntés sa pratique personnelle. Il en est de curieux celui d'une dame de Chicago, notamment, que tous les mé decins avaient déclarée perdue sans retour, et qui avait la moitié d'un poumon entièrement transformé en caverne. Son mari, qui l'aimait tendrement, avait poussé la sollici tude jusqu'à acheter en secret un magnifique terrain au cimetière la mode, pour la sépulture de la pauvre femme. Là-dessus, le docteur Unger intervient. Il suspend tous les médicaments, ordonne la malade des promenades au grand air, en voilure et pied, des amers et tout ce qui est de nature surexciter l'appétit. L'appétit accourt cet appel. La dame se mit manger comme un ogre. En six semaines elle est hors d'affaire. La toux s'arrête; les sueurs nocturnes disparaissent. De l'étal squelettique où elle était tombée, elle arrive en un an peser cent quarante-six livres. A quarante-six ans elle met au jour son premier enfant, et cinquante-deux son quatrième. A l'heure qu'il est, elle se porte merveille. Quant au terrain du cime tière la mode, c'est son mari qui foccupe Je donne cet avis gratis, n'ayant jamais pris un dollar d'un phtisique dit en manière de conclusion le docteur Unger. Un écho cynégétique de la Caricature X. un de nos bons myopes, voulant tirer des cailles, envoie une douzaine de grains de plomb dans les côtes d'un bœuf qui se met mugir lamentablement. Arrive le propriétaire de l'animal. Le plomb très fin n'a pas même entamé la peau. Bon, il n'est pas abiuié, dit le paysan, mais l'émotion de ce coup-là va le faire maigrir de dix livres... C'est 20 francs. Le chasseur donne un louis et inscrit sur son carnet. Etant la chasse, avoir consommé dix livres de bœuf 20 francs.

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Le Progrès (1841-1914) | 1887 | | pagina 5