IV0 12. Dimanche, 47e a aînée 13 Février 1887. JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT. j. La séparation. Service personnel. 6 FRANCS PAR AN paraissant le jeudi et le dimanche. Ypres, le 12 Février 1887. Incidemment, la question de la séparation des Eglises et de l'Etat a fait l'objet d'une discus sion assez vive la Chambre des députés, en France. C'est propos du budget des cultes, dont les radicaux demandaient la suppression. Discussion platonique, du reste, puisque ce budget existe en vertu d'un traité qu'il faudrait d'abord déchirer. Mais quoiqu'il n'y ait eu là qu'un coup d'épée dans l'eau, la controverse n'en a pas moins eu cet excellent effet d'attirer de nouveau l'attention du public sur la situa tion privilégiée dont l'Eglise romaine jouit dans certains pays, et d'établir que cette situation est en désaccord complet avec les idées moder nes, avec les tendances et les aspirations de notre nouvelle société. Pas de classes, pas de corps, dit notre droit actuel, rien que des indi vidus. Or, des deux ordres privilégiés qui existaient avant la Révolution, il en est un qui subsiste et qui semble s'être étendu. Le clergé n'est pas encore dans le droit commun il jouit d'immunités qui grandissent son influence, déjà immense, cependant, si l'on considère que, par la confession, il domine les âmes. C'est là un abus, et je dirai même que c'est un anachronis me. Nous ne sommes pas pour les moyens ra dicaux, encore moins pour les violents quelle que soit notre hostilité contre l'Eglise, bien que nous la rendions responsable d'une grande quantité de nos maux, nous ne demandons pas que cet état de choses disparaisse du jour au lendemain. Nous savons trop qu'il faut compter avec l'opinion publique, même quand elle est égarée. Il nous semble toutefois que des mesu res doivent être promptement prises en vue d'amener un divorce que notre développement moral et intellectuel réclame avec plus de force chaque jour. Mais que diraient les libéraux français, qui trouvent intolérables les avantages accordés au clergé chez eux, et qui, pour celte raison, veu lent mettre en demeure le gourvernement de la République de dénoncer le Concordat, que diraient-ils s'ils connaissaient notre situation nous? Le clergé français est salarié par l'Etat, c'est vrai; il est exempté, jusqu'ici, du service militaire mais il est tenu, cependant, une certaine soumission. Le traité de 1801 entre le Premier Consul et le Saint-Siège donne la France le droit de nommer les évéques et les curés. 11 y a encore ce que l'on nomme les articles organiques, qui sont une arme puis sante entre les mains d'un gouvernement qui veut s'en servir. Nous avons vu, en ces derniers temps, les divers ministères républicains mettre le clergé la raison, avec autant de fermeté que de modération. Les prêtres insoumis étaient privés de leur traitement. Ceux qui avaient une attitude hostile étaient traduits devant les tribunaux, et certains écrits de prélats ont été déférés au Conseil d'Etat comme d'abus, et con damnés. Et l'on n'a pas encore atteint le minimum concordataire. Aussi qu'est-il adve nu? Que, malgré toutes les mesures anticléri cales, malgré la loi sur l'instruction gratuite, obligatoire et laïque, l'Eglise s'est tenue coite. Fort de son droit et de sa modération, le gou vernement l'aurait brisée. Cette modération a ceci d'excellent, surtout,qu'elle prépare douce ment les voies la dénonciation du Concordat. Le jour où il disparaîtra, c'est peine si l'on s'en apercevra. Et chez nous, quelle est la situation L'Etat paie, et fort grassement, le clergé. Qu'obtient- il en échange? Des paroles d'arrogance et des actes de révolte. Voyez comme il a été impuis sant le jour où prélats et prêtres se sont insurgés contre cette loi de 1879,qui accordait au prêtre le droit d'entrée l'école. 11 en a été réduit laisser faire. Le jour où il a tenté de négocier avec Rome, il s'est heurté, non pas au mauvais vouloir du Saint-Siège, mais l'hostilité ou verte, déclarée de l'archevêque de Malines. Celui-ci lui a répondu Je ne veux pas I Et quelle mesure disciplinaire a-t-on prise contre lui L'a-t-on seulement privé de son traite ment? Non, on ne pouvait pas. L'Etat a des obligations envers l'Eglise et l'Eglise n'en a pas envers l'Etat. Singulier contrat, qui ne tient que l'un des contractants. Vraiment, cela ferait rire, si l'on n'en grinçait îles dentsr Mais, répond-on et c'est le langage que l'évêque Freppel portait récemment Ta tribu ne française l'Eglise n'est pas la salariée de l'Etat, elle en est la créancière. L'Etat ne fait que lui payer le revenu des biens dont il l'a spoliée. C'est toujours la même antienne. L'on pourrait citer l'opinion de sommités ecclésiastiques, notamment de Bossuet, affirmant que l'Eglise n'était qu'usufruitière. Mais il vaut mieux se demander comment ces biens immenses étaient entre ses mains. Il ne me plaît pas de remonter jusqu'aux époques mérovingiennes et carlo- vingiennes, et de montrer, Augustin Thierry et Michelet en main, de quelle manière, pour s'enrichir, les premiers évêques exploitèrent l'ignorance et la scélératesse des premiers rois francs. Je n'irai pas même jusqu'à l'an mille, pour me demander si l'Eglise restitua leurs légitimes propriétaires les biens que la certi tude de la fin du monde fit donner aux mona stères. Je dirai seulement ceci le clergé fut de tout temps considéré comme l'aumônier officiel. Ce que les personnes généreuses apportent au jourd'hui aux hospices, aux communes, etc., on l'apportait jadis l'Eglise, qui avait le grand monopole de la charité. Or, puisqu'elle n'a plus ce monopole, pourquoi aurait-elle les biens Et puis, que lui a rapporté l'inquisition, et la Sersecution des juifs, et les guerres de religion? ait-on qu'elle avait un droit de prélibution sur les biens des pauvres diables condamnés pour crime de sorcellerie? El ils étaient nom- Deux, les sorciers cette époque: Aujourd'hui, quand on veut tuer son chien, on le dit enragé. Vers le quinzième et le seizième siècle, on le disait sorcier. Voilà comment 1 Église est la créancière de l'Etat -, Pendant que tous nos évêques jettent feu et flammes contre le service personnel, voilà le Pape qui engage tous les catholiques allemands voter pour le septennat. Or, qu'est-ce que le septennat C'est la prolongation et l'aggravation du ser vice personnel en Allemagne. Puisque nous avons un ambassadeur au Va tican, pourquoi M. Beernaert ne ferait-il pas demander au Pape une déclaration sur le ser vice personnel, comme il en a obtenu une -sur le divorce On sait que M. Beernaert, ministre des finan ces et chef du cabinet, a été appelé au sein de la section centrale chargée de faire rapport sur le projet d'Oultremont, pour exposer les inten tions du gouvernement. M. Beernaert a fait la section centrale la déclaration suivante: Ainsi le gouvernement est partisan du ser vice personnel, qui ferait l'armée moralement meilleure et plus forte. II sait que l'opposition tout entière est favo rable l'adoption du service personnel, et parce qu'il y a dans sa majorité une partie de cléri caux intransigeants qui n'en veulent pas enten dre parler, il n'a pas le courage de proposer cette amélioration I Alors, pourquoi ces messieurs conservent-ils le pouvoir Dans tous les pays de régime parlementaire, le gouvernement considère comme un devoir de proposer les mesures qu'il croit utiles au bien du pays, conformes la justice et aux vœux de la majorité du pays. Ici, c'est différent. Il suffit qu'une fraction quelque peu importante du parti clérical soit hostile une réforme pour que le gouverne ment des curés n'ose pas la proposer. Mais alors, si ces messieurs n'ont pas le courage de gouverner, qu'ils s'en aillent. La Kôlnische Zeitung commente longuement le rapport de M. Woeste sur la question du LE PROGRES TIRES ACQOIRIT EUNDO. ABONNEMENT PAR AN: Pour l'arrondissement administratif et judiciaire d'Ypres, fr. 6-00. Idem. Pour le restant du pays7-00. Tout ce qui concerne le journal doit être adressé l'éditeur, rue au Beurre, 20. INSERTIONS Annonces: la ligne ordinairç fr. 0-10 Réclames: la ligne, fr. 0-25. Insertions Judiciaires la ligne un franc. Pour les annonces de France et de Belgique s'adresser l'Agence Havas, Bruxelles, 89, Marché aux Herbes. ooG^Ooo Le cabinet s'est déjà expliqué au sujet de la proposition de M. d'Oultremont. Elle a pour base le service général, dont le gouvernement n'est pas partisan, et, tout en impo sant au pays des sacrifices plus lourds, elle ne lui donne rait que des soldats insuffisamment exercés. Mais on le sait aussi le cabinet est partisan du service personnel, qui ferait l'armée moralement meilleure et plus forte. En rendant le service militaire obligatoire pour tous ceux que le sort y appelle, il voudrait que, dans son en semble, la charge du service ne fût pas aggravée, et une augmentation légère du contingent ne se justifierait que par les congés plus nombreux qu'entraînerait* le service personnel. Le gouvernement s'abstient de faire actuellement des propositions en ce sens, parce qu'il ne tient pas l'opinion comme suffisamment préparée. Il ne peut méconnaître, en effet, que la suppression du remplacement rencontre, sur tout chez ses amis politiques, une opposition considérable; ceux mêmes qui se déclarent partisans du service person nel sont loin de s'entendre sur les conditions dans lesquel les il conviendrait de l'organiser, et dans l'intérêt même du principe dont le cabinet est partisan, des propositions immédiates sembleraient inopportunes.

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Le Progrès (1841-1914) | 1887 | | pagina 1