N° 25. Jeudi, 31 Mars 1887. JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT. L'éducation des jeunes filles. La réunion de la droite. Nécrologie. 4-7* ANNÉE. 6 FRANCS PAR AN. PARAISSANT LE JEUDI ET LE DIMANCHE. Ypres, le 30 Mars 1887. Rose nous apporte des lettres de couvent trouvées dans l'étui de serge noir du livre de messe de sa nièce. C'est la correspondance d'une petite amie dupatbos mystique et amoureuse ment tendre. Le couvent développe chez les jeunes filles, destinées çi être des femmes d'ou vriers, des côtés poétiques, hostiles au foyer laborieux. Tout ce tendre, tout ce vaporeux hystérique, toute cette surexcitation de la tète par le cœur, font de la religion catholique un mauvais mode d'éducation de la femme pauvre. Elle la prédispose l'amour idéal, et toutes les choses romanesques et élancées de la pas sion, qu'elle n'est pas destinée trouver dans son mari. Ceci est extrait du Journal des Goncourt, dont le premier volume vient de paraître. Je ne pense pas qu'on puisse mieux dire, que l'on ait jamais mieux caractérisé, en quelques lignes, l'éducation donnée dans les écoles ca tholiques aux jeunes filles; et les Goncourt ne peuvent pas être suspects d'un anticléricalisme ombrageux et sans mesure, puisque c'est vers l'orléanisme, sinon vers le légitimisme, que les traditions de leur famille les poussent. La re marque, donc, n'est que plus précieuse et plus digne d'être enregistrée. Du reste, pour se con vaincre que la religion catholique, telle qu'elle est comprise et enseignée de nos jours, doit introduire dans nos mœurs un élément de dé pravation très actif, il suffit de lire certains cantiques, certains motets qui sont mis entre les mains des jeunes filles. L'exaltation dont ils sont remplis semble être déterminée par l'a mour pour le Christ et s'élancer vers lui, mais qu'il est aisé de la détourner de son objet Ces élans d'une ardeur maladivé, d'une passion ex cessive et désorbitée, il n'est pas admissible que l'esprit ou le cœur qui les éprouve, se ré signe ce qu'ils restent sans réponse. Une fré nésie telle a besoin d'une frénésie qui lui donne la réplique. Or, le Christ est muet; les bras qui veulent l'étreindre ne saisissent que le vide. Que voulez-vous alors que fasse une jeune fille montée ce diapason? L'amour divin leur fai sant défaut, elles se tournent vers l'amour hu main. Du créateur, elles vont la créature. Quelques-unes deviennent des sainte Thérèse, des Marie Alacocque. Les autres, ce sont ces névropathes, ces morphinomanes, ces détra quées dont la chronique suffit peine noter les excentricités. Et je ne parle, jusqu'ici, que des jeunes filles des classes élevées ou moyennes, chez lesquel les cette exaltation, cette sorte de possession doit produire des effets moins désastreux, puis qu'elles peuvent trouver, parmi les hommes de leur monde, peu près tous bien élevés et distingués, un type s'approchant de leur idéal. Elles sont jetées, au surplus, dans un tel mou vement de plaisirs et de distractions, dans un tel tourbillon, que leur esprit est toujours saisi de vertige et que leur cœur ne parvient pas un instant s'asseoir et se retrouver; pour elles, la vie, c'est une farandole. Mais la jeune fille du peuple ou de la petite bourgeoisie, dont l'horizon est fermé de chaque côté par les murs de sa chambre ou de son mo deste appartement, que voulez-vous qu'elle fasse avec ses nerfs surexcités par une religio sité la fois puérile et frénétique, que voulez- vous qu'elle fasse, puisqu'elle n'a pas même la ressource de s'assouvir au pied de la croix, ses fonctions de ménagère la retenant au logis? Que doit être l'existence pour elle au milieu de ses occupations vulgaires, que ne relève pas le sentiment du devoir? Son mari, qui, par sa con dition même, ne répond pas aux,goûts raffinés que le mysticisme a développés en elle, en quelle estime l'aura-t-elle? Et s'il lui impose une certaine mesure dans la fréquentation du temple, ne deviendra-t-il pas l'ennemi D'ail leurs, le temps qu'elle donnera aux cérémonies religieuses devant être toujours pris au ménage, il s'ensuivra toujours des dissentiments inté rieurs. peut-être même la discorde et la guerre. Le malheur est que l'on élève les jeunes filles comme si elles devaient, toutes sans exception, prendre le voile. J'ai entre les mains plusieurs programmes de couvent. Les trois quarts du temps de l'élève sont consacrés aux offices, l'étude du catéchisme et de l'histoire religieuse; le reste est abandonné aux matières profanes, parmi lesquelles les sciences comptent peine. Aussi l'étroitesse d'idées et de sentiments est- elle vraiment remarquable chez ces pension naires. Si encore elles avaient appris la religion, et si elles en pouvaient discuter; mais elles croient la Vierge comme, en nos campagnes, on croit aux sorciers. Pour elles, il n'y a pas de dogmes il n'y a que des superstitions. Elles ne feront pas gras le Vendredi, pas plus qu'elles ne se mettront en voyage ou n'entreront dans un nouvel appartement. Et c'est curieux,vraiment, cet amalgame de superstitions diverses, où l'on trouve la crainte du chiffre treize et la confiance en saint Thibaut. Remarquez comme la religion a été rapetis- séc, cumme elle est ras de terre. On n'y trouve plus ces larges envolées, ces élans qui la firent grande et majestueuse dans les premiers temps. Tout s'y réduit aujourd'hui de mesquines pratiques, l'observance du jeûne et au culte de Notre-Dame de Lourdes L'Eglise est deve nue un bazar quinze sous, où l'on trouve de tout, sauf la foi, la grande foi des premiers âges. 11 n'y a plus d'apôtres il n'y a plus que commis-voyageurs déguisés en sacristains. R. Voici quelques renseignements inédits du correspondant bruxellois du Handelsblad, jour nal clérical d'Anvers, sur la mystérieuse réu nion tenue Jeudi par la droite. Le gouvernement a fait appel tous ses amis politiques et insiste auprès d'eux pour qu'ils considèrent les forts de la Meuse comme une nécessité d'intérêt national. Tous néanmoins ont conservé leur liberté de penser et de voter le cabinet se croit sûr d'avoir une majorité, même si toute la gauche votait contre ou s'abstenait. Autre renseignement Les commissaires d'arrondissement échappe ront cette année encore la suppression dont ils sont menacés. Le ministre a pris envers le Roi l'engagement de ne pas prêter la main cette exécution. On se bornera pour le moment restreindre les attributions de ces fonctionnaires, et les empêcher de s'occuper surtout d'affaires élec torales. Troisième renseignement Une des propositions de M. Woeste tendait faire inscrire au budget de l'instruction publi que une somme partager entre toutes les éco les libres non adoptées et non inspectéespour obvier aux refus de subsides de certains con seils communaux libéraux. M. Thonissen a refusé de se rallier la pro position il a même déclaré vouloir se démet tre, plutôt que d'approuver cette mesure la proposition a été rejetée. Cette fois c'est M. Woeste qui est battu. Les funérailles de Monsieur Ferdinand Il A Y ART ont été célébrées Becelaere, le Mardi 29 Mars, au milieu d'un grand concours de personnes, accourues de tous les points de l'arrondissement et même de la province, pour rendre au fonctionnaire et l'ami, un juste tribut de regrets et de douloureuse sympathie. La Société de musique dont il était le vé néré Président, la Société de S1 Sébastien et les enfants de l'Ecole Communale ouvraient de ce digne magistrat, de 50 ans, a été l'âme nombre d'autres notabilités suivaient le cer cueil avec recueillement, témoignage vi vant d'une profonde douleur. Tous les habitants de Becelaere se sont associés la perte âui, pendant plus e tout ce qui s'est fait dans la commune. Le deuil était conduit par les neveux du regretté Monsieur BAYART. Trois discours ont été prononcés, celui de M. Vanden Bulcke, instituteur communal, a tracé les nombreux services rendus par le défunt la commune de Becelaere M. Meersseman a très-bien parlé, au nom des Sociétés de musique et de S1 Sébastien M. Cornette, au nom de l'Association Libé rale, s'est occupé de l'homme politique et de son dévouement absolu la cause libé rale, dont il a été, pendant plus d'un demi- siècle, un des plus fervents soutiens. Ajoutons enfin que MM. Cyrille Glorie, notaire Neuve-Eglise et le Commissaire de l'arrondissement d Ypres, sollicités au der nier moment de dire quelques mots, ont rappelé en termes émus, les qualités du défunt comme Notaire et comme homme. Dans cette triste cérémonie, les pauvres n'ont pas été oubliés dé nombreuses distri butions ont été ordonnées par les soins de la famille. LE PROGRES vires acquirit ecnuo. ABONNEMENT PAR AN: Pour l'arrondissement administratif et judiciaire d'Ypres, fr. 6-00. Idem. Pour le restant du pays7-00. Tout ce qui concerne le journal doit être adressé l'éditeur, rue au Beurre, 20. INSERTIONS Annonces: la ligne ordinaire fr. 0-10 Réclames: la ligne, fr. 0-25. 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Le Progrès (1841-1914) | 1887 | | pagina 1