N° 27. Jeudi,
47e ANNÉE
7 Avril 1887.
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
Revue politique.
6 FRANCS PAR AN.
PARAISSANT LE JEUDI ET LE DIMANCHE.
CHEM1X DE FER.
Heures de départ cJ'Ypres
Poperinghe, 6-50 9-09 10-00 12-07 3-00
La situation générale n'inspire pas une con
fiance absolue tout le monde. Tandis qu
Berlin les feuilles officieuses de toute nuance
s'évertuent démontrer que les dangers de
guerre sont conjurés, les lettres envoyées de la
capitale de l'Allemagne la Correspondance politi
que de Vienne, publication semi-officielle, sont
pleines de réticences et témoignent de craintes
sérieuses. Aux petites nations veiller au grain.
Le Roi de Roumanie l'a compris. Son voyage
Berlin, motivé par l'anniversaire de son au
guste parent, l'empereur Guillaume, lui a fourni
Poccasion de solliciter l'appui des puissances et
la garantie de l'intégrité de ses Etats, en cas
d'une attaque de la Russie.
D'après le Timesjournal dont les informations
politiques sont, depuis quelque temps, sujettes
a caution, le roi Charles n'aurait reçu tant
Berlin qu'à Vienne, que des assurances sans
portée et le gouvernement allemand lui aurait
fait entendre que la première condition d'un
engagement de ce genre serait l'accession pré
alable de la Roumanie l'alliance austro-alle
mande. On ne sait quel a été le cours ultérieur
de ces pourparlers, dont le résultat pourrait être
d'une importance considérable, au cas où la
question bulgare prendrait de nouveaux déve
loppements.
La Chambre des communes a repris, Samedi,
le débat sur le bill de répression irlandaise.
M. Parnell motive son amendement en faveur
d'une enquête préalable sur la situation générale
de l'Irlande. Il combat le projet de répression
dans un long discours fréquemment interrompu
par les applaudissements de l'opposition ou les
protestations du parti ministériel.
C'est, de l'avis général, le plus brillant dis
cours que M. Parnell ait prononcé de sa vie. Sa
péroraison, débitée avec lenteur, d'une voix
solennelle, est applaudie par M. Gladstone.
Après plusieurs autres discours, M. Thomas
O'Connor propose l'ajournement du débat la
semaine courante, proposition que la Chambre
repousse par 361 voix contre 254.
Après le rejet d'une seconde proposition
analogue présentée par M. Delwyn, le président
de la Chambre propose la clôture de la première
délibération et le passage au vote.
L'opposition proteste avec violence et prétend
qu'on veut la bâillonner. Les parnellistes
s écrient: Nous lutterons jusqu'à la mort pour
nos droits Une voix crie A bas le prési
dent Plusieurs membres du parti irlandais
embrassent M. Gladstone.
Au scrutin, la Chambre adopte par 361 voix
contre 253 la proposition de clôture. Alors, MM.
Gladstone, John Morley, sir William Harcourt,
M. Parnell et tous leurs amis libéraux et irlan
dais quittent la Chambre en masse. Et c'est en
leur absence que le projet de répression est
adopté, sans scrutin, en première lecture.
La deuxième délibération est fixée Mardi.
Le Sénat français a adopté, Vendredi, le projet
relevant les droits sur les bestiaux, tel qu'il a
été voté par la Chambre.
Au cours de la discussion, M. Sebline a de
mandé où en sont les négociations avec la Belgi
que pour obtenir d'elle qu'elle renonce ce que
les viandes abattues figurent dans un traité.
Différents groupes du Sénat paraissent dispo
sés ajourner la discussion du projet relatif
l'organisation municipale de Paris, cause des
graves questions qu'il soulève.
Ypres, le 6 Avril 1887.
Ou nous nous trompons fort, ou nos adver
saires en sont arrivés cette période d'aveugle
ment et de folie qui précède d'habitude la chute
des partis politiques. Ce serait le moment de
rééditer le quos vult perdere du bon Horace,
une citation qui a beaucoup servi, mais que
les amateurs d'articles graves revoient toujours
avec un nouveau plaisir. Il est clair, pour par
ler un langage moins classique et plus moderne,
que l'on a perdu la tramontane dans le camp
clérical. On n'y a plus la notion nette des cho
ses possibles en politique. On s'y croit tout
permis. On y est visiblement en proie cet
esprit de vertige et d'erreur» dont parle le poète
et qui est le funeste avant-coureur de la
culbute des puissants de la terre.
Tout récemment encore, les Belges qui ai
ment leur pays et qui ont au cœur ce sentiment
de patriotisme et de dignité sans lequel il n'est
pas de nation réellement libre, voyaient avec
un véritable ahurissement, et aussi avec une
profonde indignation, les organes les plus au
torisés du cléricalisme proposer au gouverne
ment, propos de la question de Ta défense
nationale, nous ne savons quel marchandage
scandaleux. On voulait bien reconnaître la
gravité de la situation, la nécessité, l'urgente
nécessité pour la Belgique de profiter du pe
tit bout de paix qui reste l'Europe pour
parer, dans la mesure du possible, aux mena
çantes éventualités d'un avenir probablement,
hélasI trop prochain; mais on y mettait des
conditions. On disait sans rougir au ministère
Nous voulons bien ne pas nous opposer aux
projets de loi que vous croyez nécessaire au
salut de la patrie: mais vous n'aurez notre ap
pui que lorsque vous aurez donné satisfaction
nos intérêts, nos appétits, nos rancunes
et nos haines! Et les clameurs d'indignation
qui accueillirent ce langage parurent étonner
beaucoup les journaux qui n'avaient pas honte
de le tenir. Ils ne comprenaient point que l'on
protestât, au nom de l honneur du pays contre
ce maquignonage ignoble.
Cette semaine, une discussion s'engageait
la Chambre au sujet d'un autre scandale le
ministre d occasion qui règne au département
de ce que nos adversaires osent encore appeler
la justice, était mis en demeure de s'expliquer
sur la grâce qu'il avait accordée son ancien
courtier électoral dans l'arrondissement d'Au-
denarde. On a vu de quelle piteuse et pâteuse
façon le pauvre sire avait répondu cette in
terpellation. On aurait pu croire que les choses
en resteraient là c'était déjà bien assez, pour
le chef de la magistrature belge, pour le bien
veillant protecteur de Gustave Vandersmissen,
pour l'homme qui prononçait l'autre iour,
l'adresse des ouvriers condamnés après les grè
ves, des paroles si implacables et si dures que
le Roi en exigeait la radiation aux Annales
parlementaires; c'était déjà bien assez, disons-
nous, d'avoir gracié un personnage qui avait
protesté publiquement, par voie d'affiches, con
tre sa condamnation. Eh bien, non, cela ne
suffit pas aux affolés du cléricalisme. On a lu
sans doute la lettre inouïe du démissionnaire
Magherman. On fait partir ce bonhomme pour
faire place au condamné de Renaix. La grâce
ne suffit point pour M. de Malander on pré
pare son apothéose: dans un mois, il sera
membre de la Chambre des représentants. Et
dans ce pays où gronde l'agitation socialiste, on
verra les ministres, la majorité noire et tout le
parti de l'ordre, clergé en tête, applaudir cette
scandaleuse protestation contre les arrêts de la
justice
Dans un autre ordre d'idées, la question
scolaire, il reste nos adversaires une faute
commettre, un acte d'inutile et lâche cruauté
accomplir: la suppression des traitements
d'attente. Ce sera bientôt chose faite. M. VVoeste,
l'incarnation de toutes les haines cléricales,
vient de commencer la campagne la Cham
bre. Le vieux crocodile de 1 intérieur et de
l'instruction publique résistera quelque temps
four la forme puis on passera en douceur
exécution la majorité noire est bien décidée
voler aux instituteurs destitués le morceau de
pain qu'on leur a laissé.
Et ainsi de suite. De quelque côté que l'on
se tourne, on voit la réaction s'affirmer avec la
plus folle insolence. C'est l'orgie, l'orgie cléri
cale en plein. Les anarchistes noirs sont table
et s'empiffrent plaisir. Mais gare aux indi
gestions! 11 nous semble impossible que le
pays supporte longtemps encore le spectacle
répugnant de cette bacchanale politique.
Chambres législatives.
La Chambre a continué la discussion du bud
get de l'intérieur et de l'instruction publique.
M. Thonissen a déclaré qu'il n'est pas dis
posé supprimer en masse les traitements d'at
tente, mais qu'il procédera des suppressions
isolées, lorsqu'elles lui paraîtront suffisamment
justifiées il réduira d'un quart le traitement
d'attente des anciennes maîtresses d'écoles gar
diennes il estime qu'il y aura bientôt lieu de
supprimer encore deux écoles normales de gar-
LE PROGRES
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