et surtout l'étonnant accord avec le monument, telles sont les qualités magistrales qui distin- gent les peintures de Monsieur Delbeke. n C'est peine si quelques observations ont été faites propos de certains modes d'expression empreints de naïveté primitive, gaucheries tou chantes qu'une partie du public, d'abord rebel le, ne tardera pas comprendre, car elles ajou tent au caractère du dessin. Il fallait un enfant d'Ypres pour comprendre si bien la merveille d'Ypres pour pénétrer si Profondément son style où la grâce est pleine e sévérité et de cette adorable ingénuité des primitifs Il fallait, par une sorte d'amour filial, s'en être imprégné dès l'enfance, pour s'identi fier d'une façon si complète avec ce chef-d'œu vre d'une forme si rare. Aussi la Commission n'a que des éloges donner l'œuvre de Monsieur Delbeke, et féli cite la ville d'Ypres d'avoir trouvé, dans son sein, le peintre qu'eût choisi l'architecte délicat et puissant qui a créé les Halles. Gand, le 26 Janvier 1887. Je devais faire partie de la députation d'ar tistes qui s'est rendue Ypres l'effet d'exami ner les peintures de Monsieur Delbeke. A mon très-grand regret j'ai été empêché d'accompa gner ces Messieurs. Je me suis rendu seul la semaine dernière Ypres et la suite de cette visite, le rapport de Monsieur Breton m'a été communiqué. Je suis heureux, Monsieur le Bourgmestre, de pouvoir déclarer que je partage absolument l'opinion de ces Messieurs sur la valeur de l'œuvre de M. Delbeke et de me rallier entièrement aux ter mes de ce rapport. Je vous prie de bien vouloir agréer, Mon sieur le Bourgmestre, l'assurance de ma consi dération la plus distinguée. E. DENDUITS. Ce groupe Breton n'eut pas plus de prise sur les hésitants que le groupe Van Camp, tout com me les grêlons sur le persil. On jugea qu'on ne put s'entourer de trop de lumière pour voir clair dans cette ténébreuse affaire et le Conseil, dans sa prudence extrême, résolut de nommer lui-même et tête reposée, une commission ayant toute sa confiance et appelée prononcer en dernier ressort. Ce jury l'instar d'Alexan- dre-le-Grand armé de son grand sabre pouvait et devait seul trancher le nœud gordien. En consé quence furent désignés, après quinze jours ou trois semaines d'études MM. De Keyzer, ar tiste-peintre, ancien directeur de l'Académie d'Anvers J. Verlat, artiste-peintre, directeur actuel de la même Académie Robert, artiste- peintre, vice-président de l'Académie de Belgi que (classe des Beaux-Arts) Cluysenaer, artiste-peintre; Wauters, id. et Victor de Stuers, Directeur des Beaux-Arts de Hollande. On en choisit six pour qu'il en restât toujours assez, en cas d'empêchement de quelques-uns d'en- tr'eux MM. De Keyzer, Verlat et Wauters n'acceptè rent point pour des motifs divers. Nous copions les rapports des trois autres. Bruxelles, le 25 Mai 1887. Chargé par le Conseil communal de votre ville pour venir examiner le travail de Monsieur Delbeke, j'ai l'honneur de vous informer que j'ai rempli ma mission et je viens vous prier d'être mon interprète auprès du Conseil pour lui faire part de mon opinion. Je n'hésite pas déclarer sans réserve que j'ai éprouvé la plus grande satisfaction de ce travad. Je dirai même que je ne m'attendais pas aussi beau résultat. Je connaissais imparfaitement le talent de M. Delbeke et ici il s est fait jour et il a trouvé sa véritable voie. C'est une révélation. Il a par faitement répondu au programme qu'on lui a imposé. Il s'est complètement identifié avec le monument. C'est une qualité rare et précieuse. Il a évité les détails et n'a pas cherché la petite bête comme l'on dit vulgairement. Il s'est atta ché faire une peinture décorative et monu mentale avec la sobriété qu'elle comporte et qu'on remarque dans toutes les fresques de nos anciens maîtres. Il a en outre du style et du ca ractère dans la ligne. En un mot, c'est bien et même très-bien. Il faut que vos belles Halles continuent en imposer par la grandeur et la simplicité. Il faut que les peintures ne soient qu'un riche acces soire il ne faut pas qu'elles fassent oublier le monument. Monsieur Delbeke a parfaitement compris cette situation et il faut lui en savoir gré. Je conclus, Monsieur le Bourgmestre, en vous priant d'insister auprès du Conseil pour qu'il veuille bien accorder au talent de M. Del beke la continuation de son travail si bien com mencé. Il est digne de sa confiance et mon avis il serait souverainement injuste de la lui retirer, je dirai même que ce serait presque un crime. Pour la solidité de sa peinture, je crois qu'on doit avoir tous ses apaisements et je ne veux pour preuve que le second panneau qui est et restera intact. La fatalité a voulu que le mur sur lequel M. Delbeke a fait son premier essai n'était pas tout fait sec par suite d'une restau ration, je crois. Le salpêtre a joué naturellement son triste rôle. La peinture n y est pour rien et il faudra attendre que l'humidité soit entière ment disparue avant que M.Delbeke puisse faire disparaître les quelques tâches, travail qu'il fera sans difficulté. v Voici, Monsieur le Bourgmestre, ma ma nière de voir, exprimée un peu brutalement peut-être, mais sincère. Agréez, je vous prie, l'assurance de ma par faite considération. ROBERT. La Haye, Mars 1887. Monsieur le Bourgmestre de la ville d'Ypres nous ayant prévenus que les Membres de la Commission chargée d'emettre un avis sur les peintures murales de M. Delbeke, avaient été convoqués pour le 16 Mars, nous nous sommes rendus au jour indiqué Ypres, où nous avons été avertis de l'absence des quatre autres per sonnes invitées faire partie de la Commission. Monsieur le Bourgmestre nous a toutefois priés de procéder l'examen des peintures et d'émet tre notre opinion sans délibération avec nos col lègues. Déférant ce désir, nous avons l'honneur de présenter le rapport suivant concernant les deux points soumis l'examen de la Commission Il y a deux peintures la première représente la procession solennelle du Dragon destiné cou ronner le beffroi de la ville, et symbolise la puissance de la commune d'Ypres; la seconde représente le Magistrat d'Ypres ouvrant la porte de la ville des marchands étrangers, et symbo lise le Franc-Marché de la cité. Il est difficile de se prononcer sur le choix des sujets, car nous ignorons quel est le plan gé néral pour la décoration picturale des Halles dont ces deux peintures font partie. Nous nous bornons donc exprimer la confiance qu'un pa reil plan d'ensemble, s'il n'a pas encore défini tivement été arrêté par le Conseil Communal, a toutefois été projeté par M. Delbeke et qu'il a été tenu compte des décorations et des scènes exé cuter non-seulement sur le prolongement du mur entamé par Monsieur Delbeke, et sur la muraille en face, mais aussi dans les aîles occidentale et septentrionale des Halles. Cette mesure de pré voyance est d'une importance réelle elle est indispensable afin que les scènes et les décora tions peindre forment une suite logique et présentent de l'unité: si l'on négligeait de dres ser ce plan, on se trouverait plus tard, quand il s'agirait de compléter la décoration dans les au tres aîles des Halles, devant de grandes difficul tés quant au choix du sujet et l'on serait peut- être forcément amené des redites, ou peindre des scènes quisoit de par le sujet soit au point de vue chronologique, eussent plus conve nablement été traitées ailleurs. Au sujet de la charpente, il nous a été dit que l'on a l'intention de la laisser dans l'état ac tuel, ce qui doit être approuvé. Abordant l'examen des peintures mêmes nous constatons avec bonheur que l'artiste a en général fort bien compris le système pictural qu'il devait suivre. M. Delbeke s'est attaché appliquer ces principes justes et il y a pleinement réussi, sur tout en ce qui concerne le tableau du Dragon. La composition est spirituelle, la surface pein dre est bien remplie,les figures sont convenable ment posées et montrent des silhouettes bien accusées. L'ensemble forme et par le dessin des figures qui sont généralement vues de profil, et par la manière dont elles sont peintes avec des teintes plates sans ombresune peinture plane, éminemment décorative. Grâces ces circon stances et certaines bigarreries de dessin, le tableau du Dragon semble première vue être une vieille peinture murale du Moyen-Age, re trouvée sous le badigeon et cette illusion en fait l'éloge. Quand on considère la peinture plus longuement, on s'aperçoit que c'est une œuvre originale portant bien l'empreinte de l'artiste qui l'a faite extrêmement remarquable et par faitement appropriée la place qu'elle occupe. Dans la seconde peinture, celle du Franc- Marché, le peintre semble avoir appliqué avec moins de sévérité les principes de fa décoration picturale du Moyen-Age. La composition est moins serrée, les figures ont plus de relief et la peinture présente une perspective assez profonde, qui rentre plutôt dans les idées modernes et s'é loigne des principes admis au Moyen-Age. Nous devons surtout faire des réserves au sujet de l'idée qu'a eue l'artiste d'étendre son tableau au-delà des limites indiquées par la structure de l'édifice la muraille décorer est percée d'une fenêtre; il n'est nullement logique de ne pas tenir compte de cette circonstance, et de faire entrer cette fenêtre ouverte dans la composition en guise de vantail de porte. Evidemment le dé corateur eût dû se conformer aux intentions de l'architecte et restreindre sa composition la surface libre entre le poteau de la charpente et la fenêtre. Il suffira nous en avons la conviction d'avoir rappelé ce principe, pour le voir admet tre par Monsieur Delbeke, qui, dans son tableau du Dragon, s'est montré imbu des vraies théo ries de la décoration murale. Il y aurait encore quelques petites observa tions de détail soumettre son attention comme c'est le cas au sujet de toute œuvre con sidérable mais nous nous abstenons de les produire, pour ne point affaiblir la portée de nos conclusions, qui sont favorables l'œuvre de Monsieur Delbeke. n Le Rapporteur Jules BRETON, de l'Institut. Ernest SLINGENEYER, Membre de la Chambre des Représentants et de l'Académie Royale de Belgique Albrecht DE YRIENDT E. SMITS Euph. BEERNAERT J. M1LLE- RY C. MEUNIER H.-L. DE HAAS Ad. SAMYN. A Monsieur le Bourgmestre de la ville d'Ypres. Monsieur, Monsieur le Bourgmestre, Au Conseil Communal d'Ypres. A. La valeur artistique des peintures. d Beaucoup de peintres, qui l'on confie la décoration d anciens monuments du Moyen-Age considèrent tort la muraille décorer simple ment comme une surface de grandes dimensions sur laquelle ils exécutent souvent avec un rare talent, le tableau que leur génie leur inspire, et qui pourrait être exécuté sans aucun changement sur une toile transportable ils ne tiennent aucun compte ni des règles générales auxquelles doit obéir la décoration murale, ni du style décoratif que l'architecture du monu ment impose ils oublient trop souvent que dans leurs compositions ils doivent éviter les perspec tives qui semblent trouer le mur, les raccourcis qui paraissent faire sortir les figures de la com position et que les peintres du XIIIe et du XIVe siècles en s'inspirant de ces vérités, s'attachaient faire des compositions simples et claires, avec des figures sans grands reliefs, contours nette ment accusés, avec des teintes unies qu'ils s'in géniaient bien remplir l'ensemble de la surface décorer et pondérer les parties figurées et les espaces vides, et qu'enfin leurs peintures mura les n'essayaient jamais de faire vidence l'œuvre de l'architecte, mais s'y conformaient.

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Le Progrès (1841-1914) | 1887 | | pagina 2