néré, et nous tous un ami sincère et fidèle. Qu'au moins il ne meure pas entier, que son souvenir nous reste vivantet si nous sommes dignes d'avoir eu un pareil guide et un pareil ami, qu'il nous serve d'exemple, et si nous ne pouvons l'é galer, inspirons-nous au moins de ses grandes leçons. C est la meilleure façon qui nous reste pour honorer sa chère mémoire. Adieu, mon cher Président, Adieu Discours de M. Graux, Vice-Président de la Fédération libérale. Il n'est pas de plus noble existence que celle de l'homme qui, depuis sa jeunesse jusqu'à son dernier jour, s'est consacré tout entier au service de son pays. Et si son champ d'action fut limité, s'il n'a pas été excité par 1 appât de la renom mée, s'il n'a connu d'autre aiguillon que celui de sa conscience de citoyen, d'autre récompense que le sentiment d'être aimé et estimé de ceux qui, groupés autour de lui, défendant avec lui le progrès et la liberté, il n'est point de vie plus digne d'être donnée en exemple tous; il n'est pas de mort qui doive provoquer plus de regrets. Tel fut, Messieurs, l'homme la mémoire duquel nous rendons ici, un dernier, un solen nel, un douloureux hommage. Ses concitoyens au milieu desquels il a vécu, qui l'ont vu chaque jour l'œuvre, peuvent tous rappeler son désintéressementson infatigable persévérance qui ne connut ni le sommeil dans fe succès, ni le découragement dans les revers. Ils peuvent dire que nul n'a lutté avec plus d'é nergie pour le parti libéral dans cet arrondisse ment; que sans cesse il en soutenait et en disciplinait les forces, et qu'il savait répandre autour de lui la foi qui inspire l'enthousiasme et le sacrifice. Mais le témoignage de gratitude que i 'ap porte ici au nom de la Fédération Libérale c'est celui de l'opinion libérale de la Belgique entière. C'est pour elle que je viens saluer la tombe de celui qui, pendant quarante ans, fut un de ses plus vaillants champions. n II entra jeune dans la carrière politique. Il faisait partie du barreau de Bruxelles, lorsqu'il devint, en 1846, l'un des Secrétaires du Congrès qui manifesta le réveil éclatant du libéralisme. Commissaire de cet arrondissement de 1847 1870, il remplit pendant 23 années ses devoirs d'administrateur, avec ce caractère rare qui sait unir la loyauté du fonctionnaire l'indépen dance du citoyen. Un jour vint où cette indépendance fut con sidérée comme un danger. On le révoqua mais il était de ceux que la révocation grandit, et l'hon neur qui lui fut fait en Juin 1871, dans une fête que nul de vous n'a certainement oubliée, fut F un des plus glorieux souvenirs de sa vie. Dans cette fête qui réunissait les principaux Bourgmestres et un grand nombre de citoyens notables de l'arrondissement, on rendit hommage ses sentiments élevés, son infatigable dévoue ment. Deux grands intérêts, disait-on le préoc- cupaient surtout: l'instruction publique et l'agriculture. Car il savait que c'est par l'in- n struction qu'on élève la moralité des peuples, qu'on les rend capables de pratiquer la liberté n sans faiblesse et sans excèsAussi sont-ils nombreux les beaux bâtiments d'écoles qu'il a aidé construire, et les bons instituteurs dont il a conseillé la nomination. Mais en 1870 comme aujourd'hui les mêmes services attiraient les mêmes représailles. n En rentrant dans la vie privée, le fonction naire révoqué disait ses concitoyens reconnais sants, ses amis qui l'entouraient Après avoir été votre tête, je rentre dans vos rangs et je serai toujours un des soldats les plus vaillants et les plus dévoués de cette grande opinion qui a procuré notre chère 77 patrie, une ère de 23 années de liberté, de 77 bien-être et de prospérité de cette opinion qui 77 a relevé le nom Belge dans l'estime des peu- 77 pleS. 77 7) Cette promesse, Messieurs, celui que nous venons de perdre l'a accomplie fidèlement. 77 Jusqu'à son dernier jour, il a fait du triom phe des idées libérales le grand but de sa vie. 77 Autour d'une tombe il convient que les pas sions s'apaisent et ce n'est pas ici qu'il faut parler avec ardeur le langage de la politique. 77 Mais c'est un devoir pour nous qui avons travaillé, lutté avec lui, d exprimer, au nom de cette grande opinion dont il fut l'un des défen seurs les plus fermes, les plus désintéressés et les plus constants, la douleur que sa mort a cau sée et le sentiment profond que nous venons de perdre un de ces hommes dont le souvenir vivra entouré de l'estime de tous et de la reconnais sance de ceux qui aiment la Belgique et la liberté. 77 Discours de M. Bubbrecht, Notaire, Proven. 77 La nature de l'homme n'est rien. Son esprit, ses œuvres sont tout. Cette vérité se fait surtout sentir au moment où nous nous séparons pour toujours de ceux dont la vie ne fut qu'un tra vail continuel dans l'intérêt de leurs semblables. 77 La foule, accourue ici de tous les points de l'arrondissement pour rendre un dernier témoi gnage de sympathie, pour dire un suprême adieu l'homme de bien que nous pleurons, indique suffisamment le vide, que la mort inexorable vient de faire parmi nous, la perte immense que nous venons de subir. 77 Cet esprit distingué embrassait tout administration, droit, agriculture, économie sociale, en un mot tout ce qui a rapport aux {iroblèmes sociaux qui divisent si profondément es hommes. 77 Ayant connu dans l'intimité Monsieur CAR TON, mon plus vif désir eut été de pouvoir être ici un faible écho de tous les travaux de l'hom me public, du penseur, dont la réputation a passé les frontières. 7i Chargé de prendre la parole au nom de l'As sociation Agricole dé l'arrondissement, il me tarded'énumérerles principales mesures que pro- Ï»osa notre Président l'effet de venir en aide 'agriculture. 77 Monsieur CARTON, après avoir pratiqué com me avocat Bruxelles, fut appelé en 1847 pré sider aux destinées de notre arrondissement, en qualité de Commissaire du Gouvernement. 77 Alors, comme aujourd'hui, nous étions en pleine crise agricole, mais notre état social était si pauvre, que le problème résoudre cette époque, était de trouver le remède pour dimi nuer ou faire disparaître le paupérisme des Flandres. 7i Grâce ses nombreuses relations, Monsieur CARTON put hardiment mettre la main l'œu vre. Aux grands maux, les grands remèdeB A cette époque la force individuelle eut été im puissante pour provoquer une amélioration. Avec quelques amis dévoués, il fonda l'Associa tion Agricole de l'arrondissement, dont il fut acclame et dont il resta le Président jusqu'à la fin de sa vie. 77 II faut avoir vu l'œuvre cet homme, dont l'activité et le talent agronomique n'ont pas failli un seul instant, pendant les quarante années qu'il a présidé aux destinées de notre institu tion, reconnue d'utilité publique par le Gouver nement. 77 Pour améliorer l'agriculture. Monsieur CAR TON crut, et avec raison, qu'il fallait tout d'abord améliorer la voirie vicinale. 77 En sa qualité de Commissaire d'arrondisse ment, il organisa auprès des administrations communales cette campagne qui eut tant de succès, et qui eut pour résultat de doter les com munes de l'arrondissement de chemins pavés et empierrés. C'est là assurément un des plus grands bienfaits dont nous lui sommes redevables. 71 La science est un autre élément de proga- gande pour l'agriculture. L'Association, sur la proposition de Monsieur CARTON, organisa divers concours pour obtenir des traités simples et méthodiques, pouvant, dans les écoles pri maires, servir l'enseignement de la science agricole. C'est alors que nous avons vu se pro duire ces opuscules, composés par nos intelli gents instituteurs communaux et qui ont jeté les premières bases d'un enseignement la fois théorique et pratique se rapportant la chimie agricole, l'agriculture, proprement dite, l'ar boriculture, etc., etc. 77 II fallait encore faire connaître nos pro duits dans ce but, Monsieur CARTON participa aux différentes expositions qui avaient lieu dans les pays circomvoisins il en fut ainsi pour l'Ex position internationale de Londres où l'Associa tion obtint la médaille d'or. Qui ne se rappelle les termes flatteurs avec lesquels nos produits y furent appréciés, notamment nos fins, nos chicorées, notre houblon. Ce dernier produit surtout fut signalé comme supérieur tous les produits similaires exposés. 77 Nos succès l'Exposition de Paris furent aussi très-marquants. Ce fut cette occasion que Monsieur CARTON fut nommé Chevalier de la Légion d'Honneur. 77 Rien ne stimule, rien n'est plus instructif qu'une exposition c'est un véritable enseigne ment intuitif. Monsieur CARTON, comprenant tout l'intérêt que ces exhibitions offrent aux agriculteurs, et les excellents enseignements qu'ils en peuvent tirer, en organisa plusieurs, qui toutes, eurent un égal succès La plus ré cente date de 1886. Malgré son grand âge, Monsieur CARTON présida lui-même tous les détails de son organisation il en fut l'âme. Mais Monsieur CARTON, en fondant l'Associa tion agricole n'avait pas seulement en vue d'a méliorer l'agriculture, il voulait encore récom- Smser le dévouement et la fidélité domestiques, 'est dans cette intention que fut fondée la caisse de secours en faveur des ouvriers médail lés œuvre philanthropique s'il en fut, dont les bienfaits au point de vue moral et matériel s'étendent sur toutes les communes de l'arron dissement. Qui ne se rappelle avoir vu le 31 Oc tobre de l'année dernière le défilé de ces modes tes héros du devoir, venant recevoir des mains des autorités réunies dans la grande Salle des Halles, la récompense de leurs bons et loyaux services. 77 On est parfois étonné de voir tant de régularité dans nos réunions, dans nos travaux et dans nos comptes-rendus des séances Tout cela était l'œuvre personnelle de Monsieur CARTON. Pour accomplir ce grand travailqwec tant d'ordre et de méthode, il fallait non-seu lement une grande science agronomique, mais une volonté de fer, une occupation de tous les instants. Pour s'en convaincre il suffit de lire le bulletin de nos travaux, qui forme une véritable encyclopédie agricole. 77 Une autre preuve de cette activité que rien ne lassait, ce sont les nombreuses notices que notre Président a écrites sur différentes questions juridiques se rapportant l'agriculture, et qui encore aujourd'hui, sont consultées avec fruit elles lui valurent d'être appelé au sein de la Commission Provinciale d'Agriculture. 77 Rappelons encore l'institution des conféren ces, dont l'utilité autrefois contestée, est, cette heure, reconnue par le Gouvernement lui-même, qui les a généralisées. 77 Malheureusement Monsieur CARTON-a trop compté sur sa robuste constitution. Il croyait qu'elle ne pouvait le trahir. C'est au cours de notre dernière exposition, et par suite d'un man que de précautions, qu'il contractât le germe de cette maladie qui l'a enlevé trop tôt notre af fection. Monsieur CARTON est mort au champ d'honneur. 77 On dit que celui, qui a fait pousser deux épis là où il n'y en avait qu'un, a plus mérité, que le général, qui a gagné une grande bataille. 77 Cette maxime est applicable, notre digne et regretté Président. L histoire de l'agriculture de notre arrondissement marquera en lettres d'or, les progrès, qui ont été réalisés sous ses auspices et sur son initiative 77 Puisse donc votre vie, si bien remplie, rece voir toute sa récompense. 77 Puisse l'Éternel, vous accorder les faveurs méritées par une carrière, consacrée toute en tière au bonheur, au bien-être de l'humanité. 77 Adieu, ami, adieu, regretté Président Messieurs, Messieurs, 7? C'est, qu'en effet, Monsieur CARTON per sonnifiait tous les intérêts de l'arrondissement, tous les progrès de notre état social. 7? L'enseignement de la science exige de l'étude, beaucoup d'étude. Pour le faciliter, Monsieur CARTON organisa cette belle bibliothèque ru rale, qui comprend aujourd'hui plus de mille volumes dans les deux langues et sur toutes les branches de l'agriculture.

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Le Progrès (1841-1914) | 1887 | | pagina 3