FUNÉRAILLES i\° 54. Dimanche, '47e ANNÉE. V Mai 1887 JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT. 6 FRANCS PAR AN. PARAISSANT LE JEUDI ET LE DIMANCHE. vires acqoikit el1 air). Ypres, le 30 Avril 1887. DE VI. HENRI CARTON. Jeudi dernier ont eu lieu les funérailles du vénérable Président de notre Association Libé rale, Monsieur HENIU CARTON. Une foule imposante est venue témoigner de l'estime et de la sympathie dont était entouré le regrette défunt, et des regrets que sa mort a provoqués dans les rangs du libéralisme yprois. Comme tous ceux qui ont été mêlés la vie po litique, Monsieur CARTON n a pu éviter cer tains froissements, certaines inimitiés, même parmi ses coreligionnaires mais ce qui est plus rare, c'est de voir ces mêmes hommes qu'il a combattus, venir rendre sa mémoire un der nier et solennel hommage. Tant il est vrai, que le véritable dévouement une cause, la vraie abnégation sont appréciés de tous, imposent tous l'admiration et le respect. Le deuil était conduit par MM. Ferdinand et Arthur Merghelynck, neveux du défunt. Parmi les personnes qui suivaient immédiatement le cercueil nous avons remarqué MM. Hynde- riek, Conseiller la Cour de Cassation, Ferd. (Je Stuers, membre de la Chambre des Repré sentants, lweins, Président du Tribunal de 1' Instance, Hynderick, avocat-général la Cour d'Appel de Gand, de Borman, Procureur du Roià Ypres, les membres duConseil Communal, des Hospices et du Bureau de Bienfaisance, du Comité de l'Association Libérale de l'arrondis sement et de l'Association Agricole. Les honneurs militaires ont été rendus au défunt par un détachement du 3* régiment de ligne et par le corps des Sapeurs-Pompiers communaux. Les coins du poêle étaient tenus par MM. Charles Graux, au nom de la Fédération Libé rale, Cornette et Van Daele, au nom de l'Asso ciation Libérale, Begerem, au nom de l'Atelier dapprentissage, Bossaert, au nom de la soeiété la Concorde et Rubbrecht, au nom de l'Association agricole. Derrière le cercueil, couvert de couronnes offertes par les Sociétés de la villeet lesamisdu défunt, marchaient: la Commission de l'Atelier d'apprentissage et les élèves de cet établisse ment; les membres de l'Association Libérale; l'Association Agricole, suivie des ouvriers agri coles médaillés au nombre de plus de cinquante; la Société do Secours Mutuels entre les anciens élèves de nos écoles communales. Ces différents corps escortaient leurs drapeaux et emblèmes voilés de crêpe. Sur tout le parcours du cortège se pressait une foule émue, saluant avec recueillement la dépouille mortelle de ce bon citoyen que vient de perdre la ville d'Ypres: les regrets que nous avons entendu partout sont le plus bel éloge du défunt, et prouvent que celui qui en est l'objet a bien mérité de sa ville natale, et de ses conci toyens. Quatre discours ont été prononcés au cime tière: au nom de l'Association Libérale par M. Cornette. Fchevin de la ville d'Ypres au nom de la Fédération, par M. Graux, Sénateur; au nom de l'Association Agricole, par M. Bub- brechl, notaire Proven; au nom de la Société La Concorde par M. Bossaert, Echevin de la ville d'Ypres. En voici le texte Messieurs, En prenant la parole aux bords de cette tombe, je comprends toute la grandeur de ma tâche et je ne me dissimule pas mon impuissance. Mes efforts pour m'élever a la hauteur de celui dont nous déplorons la perte resteront toujours en dessous de ce que vous demandez et de ce que vous êtes en droit d'attendre. Il y a des hommes d'une grandeur telle que leur envergure échappe une analyse sommaire et plus on les a connus, mieux on a pu les étudier, plus on sent combien on est incapable de les enchâsser dans un cadre qui en fasse ressortir les détails au milieu de leurs traits les plus saillants. Chez eux tout a son im portance, et les traits généraux et les traits par ticuliers. Monsieur HENRI CARTON était de ceux-là. Nature vigoureusement trempée, doué d'un jugement qui rarement se trompait, armé d'une volonté que rien ne rébutait il savait tenir dans sa robuste main les causes les plus difficiles. Ja mais sa froide raison ne l'abandonnait et quand il poursuivait un but, c'est qu'il le croyait juste; alors il y apportait cette direction sagement cal culée qui conduit presque infailliblement au succès. Sa persistance était infatigable et sans jamais se presser il saisissait au vol toutes les occasions qui pouvaient de près ou de loin venir son aide. Sa haute stature, ses formes graves, l'énergie de ses traits étaient bien l'image vi vante de la force de son caractère et de la soli dité de son intelligence. C'était une âme fon cièrement honnête et juste, franche et loyale. Cela explique sa ténacité soutenir ses convic tions cependant il n'était point inflexible et s'il était opiniâtre dans la lutte, il savait céder temps et de bonne grâce, et cette cause, sous sa forme nouvelle, il savait la servir avec la même énergie qu'il avait mise la combattre, tant il était l'esclave et l'ami de la vérité. Ajoutez ces qualités innées une haute condition sociale, ses relations de famille et toute' l'influence qui en découle pour celui qui sait mettre profit tous les avantages qui s'offrent sa perspicacité et s'étonnera-t-on de l'ascendant que Monsieur CARTON n'a cessé d'exercer durant une longue carrière dont le u Laboremus de Septime Sé vère fut l'invariable maxime Né Ypres, le 16 Septembre 1814, Monsieur CARTON ht au Collège communal de cette ville, ses humanités qu'il alla compléter Paris, au Lycée Louis-le-Grand. C'est aussi dans la grande ville qu'il fit ses études de droit. Après y avoir obtenu le grade de licencié, il revint en Belgi que et y prit, devant le jury central, le grade ae docteur en droit. Comme tel il pratiqua Bruxelles en débutant, comme stagiaire chez Verhaeghen. En 1846, il prit une part active au Congrès libéral en qualité de secrétaire, après quoi il vint Ypres y jeter les bases de l'Asso- dation libérale et constitutionnelle. En 1847, il fut nommé Commissaire d'arrondissement dans sa ville natale, fonctions qu'il remplit jusqu'en 1870. Chacun sait avec quelle distinction il exer- a ces fonctions, quelle activité il y déploya et e quelle légitime autorité il y jouit. Il n'est pas de village qui n'ait conservé les traces de son in cessante action. Son influence était énorme et toujours il s'en servit dans un intérêt général bien entendu. Obligeant et prévenant, son plus grand bonheur fut de se rendre utile. En 1860, il fut nommé Chevalier de l'Ordre de Léopold en 1861, il fut fait Chevalier de la Légion d'hon neur l'occasion de la part distinguée qu'il prit dans une Exposition agricole régionale Lille. Enfin quelques années plus tard, le Roi le nom ma Officier de son Ordre. n Rendu la vie privée par les fluctuations inconstantes de la politique, il ne cessa pas un instant de se consacrer tout entier la prospé rité matérielle et morale de cet arrondissement dont il avait été si longtemps le chef et dont il resta, jusqu'à la fin de ses jours, le père honoré et vénéré. Sans parler de l'Association agricole qui fut sa création et d'autres institutions qu'il n'entre pas dans mon cadre de traiter, c'est l'Association libérale que nous le trouvons depuis sa rentrée Ypres, en 1847, jusqu'à sa mort. Successivement Secrétaire, Vice-Président et Président de ce grand cercle, il en fut constam ment l'âme. Sous sa direction, l'Association n'a pas discontinué de prospérer et de grandir. On peut différer sur le genre de direction qu'il faut donner cette institution, (en quelle question les hommes sont-ils toujours d'accord on ne saurait méconnaître les services nombreux qu'il y a rendus et combien d'aspérités il y a émous- sées par son tact et sa clairvoyance des hommes. Semblable au laboureur qui, promenant sa char rue travers son champ, y trace pas lente et comptés le sillon selon les besoins de sa culture, il excellait conduire son instrument politique, lui, avec calme, sans heurt, sans violence dans le chemin au bout duquel il entrevoyait le salut. Homme pratique avant tout, prudent et bien avisé, il se raidissait contre toute innovation mal préparée. Peu enclin l'engouement, tout partisan qu'il fût du progrès, il ne s'aventura pas vite dans les limbes il traitait de métaphy sique toute conception qui ne tient pas compte des lieux et des circonstances; il ne cherchait en tout que les résultats utiles, réalisables. Peu lui importaient les appellations dont on aime Iiarfois se parer, pour lui il ne connaissait que e progrès tangible et comme tel on peut, dire qu il fut un vrai progressiste réaliste. Il profes sait qu'en politique il faut savoir oublier et il pratiquait cette sage maxime largement et généreusement. Ce fut encore une des causes de son succès. Je me hâte d'ajouter que plus il avançait en âge, plus on lui rendait j ustice et il devait s'en apercevoir car la considération et la sympathie dont on l'entourait allaient toujours en s élargissant Aussi quelle perte Tout l'atteste et le cor tège si nombreux qui l'accompagne jusqu'à sa dernière demeure et l'impression de profonde douleur qu'il laisse derrière lui. Monsieur CARTON n'est plus, c'est un vide immense Tous y perdent, la ville un grand ci toyen, l'arrondissement un protecteur éclairé, le pays un patriote dévoué, sa famille un chef vé- LE PROGR VBONNEMENT PAR AN Pour l'arrondissement administratif et judiciaire d'Ypres, fr. 6-00. Idem. Pour le restant du pays7-00. Tout ce qui concerne le journal doit être adressé l'éditeur, rue au Beurre, 20. INSERTIONS Annonces: la ligne ordinaire fr. 0-10 Réclames: la ligne, fr 0-25. Insertions Judiciaires la ligne un franc. Pour les annonces de France et de Belgique s'adresser l'Agence Havas, Bruxelles, 89, JKarché aux Herbes. Discours de M. Cornette, Échevin de la ville d'Ypres.

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Le Progrès (1841-1914) | 1887 | | pagina 1