12 Mai 1887
JOURNAL D'APRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
Revue politique.
Un jugement implacable.
l\° 37. Jeudi,
47e Ai\i\ÉE
6 FRANCS PAR AN.
PARAISSANT LE JEUDI ET LE DIMANCHE.
M. Emile de Laveleye publie dans XIndépen
dance un vigoureux article contre les droits
d'importation sur le bétail.
L'article débute ainsi
L'orateur montre que notre pays est celui qui
possède le moins de bétail, relativement la
population.
Le remarquable article de l'éminent écono
miste se termine ainsi
Le parti des affameurs pourra mettre cet
implacable jugement dans ses petits papiers.
Elle a été originale et touchante la féte jubi
laire de Mme Popp, et notre confrère Goemaere
l'a caractérisée d'un mot heureux en constatant
que dans cette réunion de journalistes où cha
cun respecte la liberté des autres parce qu'il
tient la sienne, il n'était personne qui ne tînt
honneur de féliciter la vaillante rédactrice en
chef du libéral Journal de Bruges de sa con
stante fidélité ses convictions.
C'était bien là, en effet, la caractéristique de
la fête, indépendamment du juste hommage
rendu au talent de l'écrivain, l'auteur de la
Légende de la dentelle, de tant de charmants
récits du pays des dunes, des lettres brugeoises
qui ont popularisé le prénom-pseudonyme de
Charles, et de celle Nathalie, dont un maître a
dit Ce n'est qu'une page, mais cette page
vaut un livre ce n'est qu'une larme, mais cette
larme contient l'infini.
Les luttes de la polémique politique, n'a
vaient pas empêché ceux qui chaque jour se
battent plumes tirées, pour ainsi dire, de faire
trêve leurs querelles pour acclamer unani
mement une femme de aevoir, journaliste de
tempérament. Il semblait au contraire que cha
cun prît plaisir oublier ces querelles pour
féliciter 1 héroïne de la fête, et parmi des plus
empressés choquer son verre contre le sien
on a remarqué M. Neut fils, de la Patriede
Bruges. Voilà qui en dit plus que tout le reste.
Demain Patrie et Journal de Bruges n'en re
prendront pas moins leur bataille quotidienne,
et peut-être est-ce déjà fait. Cette fraternisa
tion d'un instant laisse les principes intacts.
Un des épisodes les plus piquants de la féte a
été la lecture de ce télégramme d'un médecin
d'Ostende, le docteur Jumné
Toutes mes félicitations.
Votre abonné depuis 1837.
Si on l'avait su, on aurait fait coïncider avec
le cinquantenaire de la journaliste, celui de
l'abonné.
M. Philippe Bourson, du Moniteurqui a
porté la parole au nom des membres d'honneur
ae l'Association de la presse belge, a eu aussi
un moment exquis. Il lisait. Et voilà qu'il s'in
terrompt, se rappelant que le 10 Mai, il y a 86
ans, naissait un enfant... un enfant charmant!!
C'était lui. On juge du succès de l'adjectif et des
applaudissements qui saluèrent notre doyen
toujours vert, toujours spirituel et gai.
M. Frédéric Descamps, au nom de l'Union
littéraire belge, dont Mme Popp est l'une des
fondatrices M. Adolphe Lebegue, au nom de
ÏO/fice, qui se fait honneur de sa collaboration,
et lui offrait un beau bronze, la Penséede
Chapu, ont complété l'hommage rendu la ju
bilaire, et en excellents termes, par le prési
dent de l'Association.
Le poète montois Laroche lui a lu une pièce
de vers frappés au bon coin, et M. Antoine
Clesse, qui en a tant ciselé sur son étau fa
meux, lui a décerné les honneurs d'une chanson
de circonstance. Heureux homme Il chante
encore il chante toujours les timbres de la
Clé du caveau sont les leitmotiv de sa fantaisie
poétique, et il n'est pas jusqu'au vénérable
pont-neuf de [la Famille de l'apothicaire
qui ne donne des ailes ses inspirations pana
chées d'humour et de sentiment.
Le trouble de Mme Caroline Popp balbutiant
sa réponse tous ces hommages, venant peine
bout de la lire, et suffoquant entre deux
phrases, a profondément ému l'assistance, et
les siens, comme bien on pense, fils et filles,
gendres et petits-gendres, brus et petites-filles
essayaient vainement de retenir les larmes qui
leur perlaient aux paupières.
Le menu du banquet, très-bien ordonné par
Sapin, était encadré dans une ravissante com
position de M. Cassiers, aquafortiste et peintre
de mérite, un des petits-gendres de la jubilaire,
Son eau-forte représente une paysanne des
dunes de la West-FJandre, ornant d'une palme
le médaillon de Mme Popp. La vue de Bruges,
au sommet de la composition, est d'une pointe
très-finie et d'un séduisant aspect.
Nous lisons dans une correspondance de Re-
naix, du 9 Mai dernier
Le 22 Mai est proche, et le canton de Renaix
se prépare une lutte acharnée pour élire deux
conseillers provinciaux.
On sait que l'élection des vaillants libéraux
MM. Dekeyser et Snoeck a été invalidée la
suite d'un odieux coup de parti de la majorité
cléricale du conseil de notre province. Nos amis
politiques n'épargneront rien pour obtenir la
confirmation ae leur mandat.
LE PROGRES
VIRES ACQU1RIT EONOO.
ABONNEMENT PAR AN: Pour l'arrondissement administratif et judiciaire d'Ypres, fr. 6-00.
Idem. Pour le restant du pays7-00.
fout ce qui concerne le journal doit être adressé l'éditeur, rue au Beurre, 20.
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Marché aux Herbes.
La rapidité avec laquelle le Reichstag alle
mand a voté les crédits militaires extraordinai
res, inspire une feuille parisienne les réflexions
que voici
Il ne faudrait pas que la France s'endormît
sur les lauriers de l'affaire Schnaebelé. L'ennemi
veille nos portes et se prépare l'action, abso-
lumenfcomme si la pacifique solution de cet
incident et l'attitude correcte de la France n'a
vaient rien changé aux mauvaises dispositions
de l'Allemagne notre égard.
n En une seule séance, le Reichstag a voté
l'unanimité de nouveaux crédits militaires s'éle-
vant la somme de 375 millions de francs.
Si l'on ajoute cette somme certains com
pléments fournis par le trésor de guerre, lequel
n'est peut-être pas aussi sec que nos optimistes
le prétendent, le tout forme un total bien supé
rieur aux crédits récemment alloués au général
Boulanger, lesquels crédits étaient d'ailleurs
fortement entamés par des opérations indispen
sables, exécutées sans autorisation du Parlement
et par force majeure.
Plus que jamais donc, la France doit se tenir
prête toute éventualité, et ne pas se laisser en
traîner par une provocation allemande de quel
que nature qu'elle soit.
Voyons venir nos excellents voisins, c'est 1er
seul moyen d'avoir le sentiment public européen
de notre côté.
Maintenant que les crédits extraordinaires
sont votés, il s'agit de trouver le moyen de sub
venir aux dépenses nouvelle^, et ce sera dur.
Le Parlement allemand vient d'être saisi d'un
projet de loi augmentant l'impôt sur les spiri
tueux. Le droit sera, partir du 1er Octobre
1887, de 150 marcs par 100 k. d'alcool en ou
tre, partir du 1er Avril 1888, un impôt de con
sommation de 60 pfennigs sera prélevé par litre
d'alcool dans le commerce. Le rendement total
de ces taxes est estimé 143 millions de marcs,
soit une plus-value de 96 millions sur l'impôt
actuel. Ce projet de loi provoquera sans doute
de vives discussions on sait que la majorité,
unie sur la question du septennat et des crédits
militaires, est beaucoup moins d'accord sur la
manière dont il convient de subvenir ces aug
mentations de dépenses.
Ypkes, le 11 Mai 1887.
La proposition de frapper de droits l'importation du
bétail est une mesure odieuse que rien ne justifie. C'est
une mesure odieuse, parce qu'elle a pour but d'élever le
prix de la viande dont la consommation est déjà, hélas
trop réduite en Belgique, et rien ne la justifie, car la baisse
du prix du bétail n'est pas due l'importation étrangère.
Voilà ce que j'essaierai de prouver par des chiffres irréfu
tables.
La Russie a par cent habitants 61 têtes de bétail,
l'Autriche-Hongrie 54, l'Allemagne 50, la France 49, l'An
gleterre 45 et la Belgique seulement 25.
Notre situation est donc entièrement différente de
celle des grands pays qui nous entourent.
Nous avons relativement beaucoup moins de viandes
notre disposition que nos voisins.
La consommation annuelle en Belgique n'est que de
15 kilogr. par tête, alors qu'elle s'élève en France 45
kilogr. et en Prusse 30 kilogr
Chaque année, cette insuffisance d'alimentation ani
male devient plus fâcheuse car le nombre des habitants
augmente plus vite que celui des animaux de boucherie.
11 s'ensuit que la taxe sur l'importation du bétail, qui
ailleurs est une faute, est chez nous un véritable crime,
car elle tend priver le peuple d'un aliment indispensable,
qui nous fait déjà déplorablement défaut.
Cet attentat au bien-être des masses pour augmenter
les revenus d'un très-petit nombre de propriétaires, est
une coupable spoliation.
Qu'on n'invoque pas l'exemple de la France et de
l'Allemagne.
La Belgique où la population est trois fois plus dense,
ne peut vivre que par l'exportation. Il nous faut donc
tout prix le salaire bon marché, et par conséquent l'ali
mentation bas prix.
La taxe que réclament LES AFFAMEURS DU PEU
PLE est donc un CRIME DE LÈSE-HUMANITÉ ET
DE LÈSE-PATRIE.
(indépendance).