X° 40. Dimanche,
47e ANNÉE.
22 liai 1887.
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
Simple histoire de décadence»
6 FRANCS PAR AN.
PARAISSANT LE JEUDI ET LE DIMANCHE.
La situation des districts houillers est de
nouveau sérieuse, effrayante même. Les esprits
y sont très montés et personne ne peut prévoir
quelles extrémités les mineurs se laisseront
entraîner. L'accueil l'ait Anseele jette surtout
un jour inquiétant sur l'état de l'opinion popu
laire on ne parlait de rien moins que de le
lapider. Il a suffi de son opposition la grève
générale pour le rendre suspect et le faire con
sidérer comme un ennemi.
Pourtant, il parlait cette fois le langage de la
raison et de la vérité. La grève générale serait
une folie l'heure actuelle. Quelques symptô
mes de reprise se manifestent pour l'industrie
métallurgique et charbonnière: il n'en faudrait
pas davantage pour les faire disparaître. La
suspension de l'extraction dans nos charbon
nages ne servirait qu'à aggraver et accélérer
la décadence de nos exploitations houillères. A
supposer qu'elle pût occasionner un renchéris
sement du combustible, cet effet ne pourrait
être durable. La cherté du charbon belge
empêcherait les usines qui l'emploient de soute
nir la lutte contre la concurrence étrangère
elle serait suivie de la fermeture de ces usines.
Ou plutôt encore, les propriétaires de ces éta
blissements, pour éviter la ruine, feraient
ailleurs leurs achats de houilles et laisseraient
les nôtres s'accumuler sur le carreau des fosses.
De toutes façons, l'interruption du travail aurait
des conséquences fatales pour les mineurs: elle
aggraverait encore leur situation si précaire.
La grève serait donc une folie sans nom, une
épouvantable extravagance. Cependant cette
cnose insensée, extravagante est voulue, récla
mée par une foule de malheureux. Simple me
nace aujourd'hui, elle peut devenir une triste
réalité demain. Comment un projet aussi chi
mérique, dont la folie saute aux yeux des
démagogues qui ont gardé une lueur de bon
sens, peut-il être accueilli avec faveur par une
classe nombreuse de la population? L'ignorance
seule peut expliquer de telles dispositions.
Qu'on ne parle pas de l'affolement produit
par la misère, des passions surexcitées par la
souffrance Nous ne nions pas l'existence de la
misère ni ses entraînements. Mais seule elle ne
pourrait produire un tel égarement. Elle ne
peut aveugler ce point des esprits dénués de
toute notion précise de la réalité, privés des
connaissances les plus élémentaires. Des popu
lations plongées dans la plus complète ignoran
ce sont seules susceptibles de caresser un projet
aussi absurde, aussi dangereux, que la grève
générale dans l'état actuel des affaires.
L an dernier, après les troubles de Charleroi,
nous recommandions l'instruction comme un
remède qu'il était urgent d'employer si l'on
voulait prévenir le retour de semblables crises.
Les cléricaux nous objectèrent que ce remède
ne pourrait qu'aggraver le mal apprenez
l'ouvrier lire, disaient-ils, et le premier usage
qu'il fera de cette faculté nouvelle sera de s'ini
tier aux écrits socialistes, de se pénétrer des
doctrines anarchiques. Les faits nous mon
trent aujourd'hui quelle est la valeur de cette
objection. Peut-être devons-nous regretter que
les ouvriers mineurs ne lisent pas les journaux
socialistes qui leur recommandent le calme, qui
les engagent rester l'ouvrage.
L'instruction nest pas un bien sans mélange
peut-être, mais l'ignorance, elle, est toujours
mauvaise. L'homme ignorant est la proie assu
rée des meneurs qui le flattent les idées les
plus subversives, les doctrines les plus anarchi
ques seront toujours celles qu'il préférera. L'en
seignement ne fera pas de tout ouvrier, un ami
et un défenseur de la société mais il lui met
tra du moins quelques idées saines, quelques
notions vraies dans I esprit. Son influence pourra
n'être pas assez forte pour lui enlever toutes
ses erreurs, tous ses préjugés mais n'est-ce
pas assez qu'elle détruise les plus redoutables
de ses illusions, qu'elle lui inspire une modé
ration relative?
Nous comprenons qu'on s'accommode de
l'ignorance pour des populations paisibles,
étrangères toute idée de bouleversement social.
L'instruction obligatoire n'est pas une condi
tion de salut public et de sécurité sociale dans
notre milieu rural, si peu travaillé parles pas
sions anarchiques. Mais elle est indispensable
pour prévenir l'explosion des éléments inflam
mables concentrés dans les grandes aggloméra
tions industrielles.
Des aveugles placés au milieu de matières
explosibles? Voilà l'image que nous offrent
tous les grands centres ouvriers. Dira-t-on qu'il
n'y a aucun intérêt donner la vue ces
aveugles, leur faire voir et comprendre les
dangers auxquels ils sont exposés? Ouvrez
leurs yeux, et ils. mettront le feu aux poudres
disent nos réactionnaires. La catastrophe en
est-elle moins craindre si on n'entreprend pas
de les guérir? Délivrez-les de leur cécité et
vous aurez du moins la chance qu'ils voient le
danger et qu'ils tâchent d'y échapper.
Les catholiques détruisent les écoles au lieu
de les fortifier et de les multiplier. Mais la
nécessité sera, nous en sommes persuadé, plus
forte que leur mauvais vouloir. Elle leur a déjà
fait accepter bien des mesures auxquelles ils
répugnaient; elle leur imposera encore celle-ci,
et on verra, une fois de plus, un ministère
clérical réaliser une réforme libérale. 11 faut
bien que le progrès s'accomplisse ainsi puisque
les libéraux s'en désintéressent et aiment mieux
se quereller entr'eux qu'agir de concert pour
l'application de leurs idées. R.
Un journal brésilien, l'Etoile du Sudqui
nous est arrivé hier, publie des renseignements
intéressants sur la consommation, comparée,
de la viande Paris et Rio-de-Janeiro
D'après le dernier rapport fourni par le préfet
de la Seine, chaque habitant de Pans a consom
mé, en moyenne, pendant l'année 1885, 76 kg.
818 gr. de viande.
Selon un ouvrage récent, la consommation de
viande Rio-de-Janeiro, également par habitant,
et pendant la même année, a été de 118 kg.,
260 gr.
iroportionnellement beaucoup
plus de viande Rio-de-Janeiro qu'à Paris, ce
qui s'explique facilement par la grande diffé
rence des prix. En effet, le prix de la viande de
bœuf, qui a été en moyenne Paris, selon le
même rapport (voir Y Economiste français du 19
Février 1887), de fr. 1-74 le kilog., n'a pas pen
dant la même année atteint le prix de 400 reis,
ou 1 franc, Rio. Et cette différence est beau
coup plus sensible si l'on réfléchit que l'argent
ayant moins de valeur au Brésil qu en France,
ce dernier prix ne représente réellement qu'une
valeur de fr. 0-50 et 0-75.
Nous ne parlons ici que de la viande de bœuf,
parce que les autres qualités de viande n'entrent
que pour une faible part dans la consommation
de Rio-de-Janeiro.
Voilà assurément de quoi faire rêver nos
ménagères.
Voici maintenant, pour rendre rêveur M.
Dumont, le député-agriculteur qui protège
l'agriculture en affamant le peuple tout entier
Il s'agit de l'élevage du bétail, au Brésil tou
jours, dans la province de Rio-Grande-do-Sul:
Une seule estancia de cette province, celle du
Curral das Pedras, contient 30,000 bœufs, 4,500
juments, 2,000 chevaux et 3,000 moutons. Elle
se compose de plaines parsemées de bouquets
de bois, et est divisée en sept parties, dont cha
cune possède les constructions nécessaires pour
la parfaite exploitation. Le personnel de Vestan
cia est de 75 travailleurs libres.
Nous lisons dans l'Avenir, revue pédagogi
que, l'article qui suit
Je suis natif d'un charmant petit village de la
West-Flandre, sur l'Yser, la frontière française
politiquement parlant, en pleine Flandre comme
topo-ethnographie. Le nom? Rousbrugge-Hae-
ringhe, chef-lieu de canton de milice et de justice
de paix, possédant une recette d'enregistrement,
une autre des contributions, une brigade de
gendarmerie, un peloton de douanes, un bureau
es postes et 2058 habitants, le tout existant non
seulement dans l'Almanach des communes belges,
mais encore dans la réalité.
La commune est divisée en deux grands
bourgs possédant chacun, depuis le XVIIe siècle,
une église donc la commune a l'honneur de
posséder 4 ecclésiastiques.
Il y a aussi 2 écoles, jadis très-peuplées, et
confiées aux soins de 4 instituteurs.
Aujourd'hui tout ce qui précède existe encore,
les instituteurs exceptés.
En l'an de grâce 1860, j'étais écolier alors
l'administration communale de mon village
était libérale. Il n'y avait pas de clérical au con
seil communal mon père ne se rappelait pas
avoir vu les cléricaux entrer en lutte depuis
1830.
N'est-il pas vrai, chères Jeunes Gardes Libé
rales qui me lisez, qu'à cette époque là ce que
vous appelez un bourg pourri était une belle
petite perle la couronne libérale
Or, oyez comment cette splendeur s'en est
allée. Et ayant bien écouté, réfléchissez si vous
encore en avez l'habitude.
LE PROGRES
VIRES ACQUIRIT ECNDO.
ABONNEMENT PAR AN: Pour l'arrondissement administratif et judiciaire d'Ypres, fr. 6-00.
Idem, Pour le restant du pays7-00.
out ce qui concerne le journal doit être adressé l'éditeur, rue au Beurre, 20.
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Pour les annonces de France et de Belgique s'adresser l'Agence Havas, Bruxelles, 89,
Marché aux Herbes.
Ypb.es, le 21 Mai 1887.