N° 41. Jeudi,
47e ANNÉE.
26 Mai 1887.
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
Réforme électorale.
6 FRANCS PAR AN.
PARAISSANT LE JEUDI ET LE DIMANCHE.
vires acquir1t el'noo.
INSERTIONS Annonces: la ligne ordinaire fr. 0-10 Réclames: la ligne, fr. 0-25.
Insertions Judiciaires la ligne un franc.
Ypres, le 25 Mai 1887.
La proposition Bara a porté coup. Tous les
honnêtes gens y ont vu une première punition
pour le parti qui n'a pas craint de porter sur le
pavois parlementaire le malanderin extorqueur
de signature, comme si le titre de clérical pou
vait et devait, aux yeux des curés, tenir lieu
de délicatesse, de probité et d'honneur.
Aussi, dans le pays, a-t-on vivement ap
plaudi l'initiative vigoureuse et opportune
de M. Bara, c'était le justicier de 1871, 1 im
placable adversaire de l'apothéose criminelle
des langrandistes, qui se réveillait juste au
moment où le Malander, narguant la justice et
les honnêtes gens, vient sasseoir tout fier sur
les bancs de la législature, qu'il confondait un
peu trop avec le banc de la correctionnelle.
Au moins, si sous l'aile protectrice de la
droite, le mal se pavane, se prélasse et prend
des airs de triomphe, le parti libéral proteste
et accomplit son devoir, en faisant son possible
pour barrer le chemin l'impudent triom
phateur.
Il est évident que si le constituant n'a pas
frappé d'incapacité législative le criminel flétri
par la justice, c'est que, dans son honnête naï
veté, il ne prévoyait pas l'effronterie du parti
clérical, proposant aux honneurs parlementai
res des condamnés pour crime de droit com
mun il ne faisait pas aux partis futurs l'injure
-de supposer qu'ils pouvaient aller jusqu'à cher
cher leurs candidats dans les succursales des
maisons de force. Il se trompait sans doute, le
Congrès national de 1830, et il appartient
maintenant la législature actuelle de combler
la lacune, surtout en présence des sympathies
de plus en plus accusées diu parti clérical pour
les héros de la correctionnelle.
Il faudrait ne pas connaître nos bons et ver
tueux adversaires, pour s'attendre les voir se
rejoindre la gauche pour organiser et faire la
police devenue absolument nécessaire de la
législature.
Ils combattront la proposition Bara, et au
besoin entre la justice et les condamnés cléri
caux, ils se prononceront contre la première et
en faveur des seconds.
Sans doute le parti clérical espère étrangler
le débat la Chambre. Le Journal de Bruxel
les annonce même que le cas du Malander ne
sera pas discuté, comme si dès aujourd'hui la
droite avait décidé d'enlever l'ancien minis
tre de la justice son franc-parler.
Ce serait-là jouer avec le feu. En 1871aussi,
la droite avait essayé d'apporter des restric
tions la liberté de la tribune. Elle réfléchira
deux fois avant d'exécuter son coup d'Etat.
Quoi qu'il en soit, la campagne est mainte
nant commencée entre la gauche, soutenant
les scrupules et les droits de la conscience pu
blique et gardienne du respect dû la justice,
et la droite, s'attaquant la justice, se faisant
l'apôtre des doctrines les plus anarchiques et
épousant ouvertement et cyniquement la cause
des Malanderins.
Singulière école que celle des radicaux. Pour
elle, le nombre est tout.
On compte les votes, on ne les pèse pas.
Le suffrage des ignorants vaut autant que celui
d'un lettré, et la connaissance de l'alphabet
n'ajoute rien au mérite du citoyen.
On comprendrait encore cette argumentation
chez les peuples belliqueux, dont la guerre est
l'élément, qui le glaive sert de plume et où la
victoire est pour les gros bataillons, qui ont la
mission de tuer beaucoup de monde ce pour
quoi on leur a enseigné l'art de tirer le plus de
coups de fusil dans le moins de temps possible.
Mais ces ouvriers, qui l'on serine des re
vendications concernant l'article 47 de la Con
stitution et le suffrage universel, ne demandent,
eux, qu'à vivre et vivre mieux. Pourquoi les
pousser cet illogisme, les ameuter contre les
industries qui les font vivre, et prêcher la grève
ceux dont le travail est l'unique ressource?
La grande Commission qui, depuis plus d'un
an,étudie la question ouvrière sans la résoudre,
et qui ne fait que de la théorie, nourriture peu
substantielle le Congrès progressiste, qui va
se réunir, non plus ne trouveront pas la solu
tion du problème mais ce qu'on obtiendra,
c'est l'agitation continue qui paralyse tout.
Le Congrès sera un ollapodrida de matières
hétérogènes, dont l'assimilation en un tout, qui
devrait être l'union, ne se produira pas. Les
ultras y seront en majorité, les partisans de la
conciliation en nombre infime.
Entre ces deux courants, les indépendants
pratiquent le système de pondération, comme
ce disciple d'Azaïs qui, connaissant l'humeur
casanière et astringeante du riz, la neutralisait,
pour son repas du soir, par une adjonction de
pruneaux.
Brochant sur le tout l'indifférence de la ma
jorité des citoyens, qui s'inquiètent bien plus
de voir pacifier l'élément travailleur par des
réformes pratiques que de le voir griser par
l'appât des droits politiques.
Beste encore les partisans de l'ignorance,
ceux qui bornent le savoir de l'électeur l'abé
cédaire, d'autres la lecture et l'écriture.
Liège, Anvers, Gand, Ypres, Bruges, ont
des formules différentes. Il y aura là des oppor
tunistes et des intransigeants.
Ces divergences sont-elles un mal Nous ne
le pensons pas, elles peuvent même, par le
frottement, mener les délégués transiger et
les pousser l'union qui devrait être le but
final d'une assemblée de libéraux, séparés par
la patience des uns et l'impatience des autres.
Entre les deux, cet article du code de la sagesse
des nations pourrait trouver place «Tout
vient point qui sait attendre. [J. de B
On écrit de Bruxelles au Précurseur
Les cléricaux profilent de leur séjour au
pouvoir pour faire leurs petites affaires en fa
mille. Un récent arrêté royal approuve la con
vention passée entre le conseil communal de
Bruges et le bureau du séminaire épiscopal,
convention par laquelle la ville cède au sémi
naire tout un lot d'immeubles formant un
ensemble de près de cinq hectares moyennant
une somme de deux cent mille francs payables
en dix annuités de vingt mille francs, intérêts
compris. Ce n'est pas vendu, c'est donné. Deux
cent mille francs payables en dix annuités inté
rêts compris ne représentent guère plus de cent
et cinquante mille francs comptant. C'est même
moins si l'on calcule l'intérêt plus de quatre
pour cent. Cinq hectares bâtis sur la plus grande
surface pour la somme de cent et cinquante
mille francs, c'est pour rien. Autant dire que
la ville de Bruges fait cadeau au séminaire de
l'ensemble des propriétés qui lui appartiennent.
Cette affaire des biens du séminaire n'était pas
sans donner quelques soucis l'évêque de
Bruges celui-ci s'empare de tout et moyen
nant un prix dérisoire. Il a encore été bien bon
après tout d'offrir une somme quelconque il
lui suffisait d'exiger la cession gratuite il
l'aurait obtenue tout aussi facilement seule
ment pour mieux assurer la sécurité dans
l'avenir, il était préférable de passer acte de
vente c'est le motif pour lequel un prix a été
fixé il n'y a pas de vente sans prix mais en
stipulant un prix le séminaire a un acte qui le
met l'abri des revendications. II achète la
sécurité au moyen d'une obole. Les intérêts de
la ville sont sacrifiés, mais qu'importe si ceux
du séminaire sont saufs et si l'évêque de Bruges
est content et satisfait. Là est le grand point.
Satisfaire les évêques Dès qu'ils le sont, tout
est bien. Le reste ne compte pas. Et en ce mo
ment nos évêques n'ont que des sujets de satis
faction. Le gouvernement est leurs ordres.
Les ministres sont plat ventre devant eux.
Que pourraient-ils demander de plus! Us n'ont
qu'un mot dire, un signe faire et leurs
moindres désirs sont exaucés. Heureuse Belgi
que, heureux évêques
On s'occupe d'un projet de réforme électorale
que prépare le cabinet Beernaert. Comme on
le pense bien, il ne s'agit pas d'étendre le sys
tème des capacités, mais bien, au contraire, de
modifier l'assiette de l'impôt et de multiplier
les effets du cens. Voici ce que le correspon
dant des Débats Bruxelles écrit ce journal,
en date d'hier
Si notre mémoire est bonne, il s'agit ici du
projet conçu en 1883 par feu M. Malou. Ce pro
jet est inconstitutionnel au dernier chef; il tend
transformer l'article 47 par une interpréta
tion que notre charte ne comporte pas. Reviser
une Constitution avec les formes et les garan-
LE PROGR
ABONNEMENT PAR AN: Pour l'arrondissement administratif et judiciaire d'Ypres, fr. 6-00.
Idem. Pour le restant du pays7-00.
out ce qui concerne le journal doit être adressé l'éditeur, rue au Beurre, 20.
Pour les annonces de France et de Belgique s'adresser l'Agence Havas, Bruxelles, 89.
Marché aux Herbes.
Des renseignements que j'ai recueillis auprès des metn-
bres de la droite, ordinairement bien informés, il ressort
qu'il s'agit d'accroître dans une assez large proportion la
représentation de l'élément rural dans le corps électoral
on donnerait une certaine élasticité au régime censitaire
par la modification des lois sur lesquelles est réglée la
justification du cens. D'une part, une portion de la contri
bution foncière mise la charge d'un immeuble rural se
rait comptée pour le cens au fermier ou au locataire
d'autre part, les centimes provinciaux et communaux en
treraient en ligne de compte pour le cens.