i\° 45. Jeudi,
47e ANNÉE.
9 Juin 1887.
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
Le ministère coupable.
La Commission du travail.
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Ypres, le 8 Juin 1887.
Il y a des mots typiques et topiques qui
caractérisent une situation.
Nous sommes les maîtres a dit un mem
bre de la majorité.
Et ils l'ont bien prouvé. Le champ de bataille
scolaire, couvert de morts et de blessés, occupé
par les corbeaux, et où ne croissent plus que
des ronces et des épines, témoigne de quelle
manière ce despotisme s'exerce.
Mais ces maîtres qu'ont-ils fait pour ce pau
vre monde qui, il y a quinze mois, demandait
la grève, du pain qu'elle ne pouvait lui don
ner et au gouvernement de leur pays de s'occu
per de leur sort? Rien, si ce n'est de nommer
une commission du travail qui inonde le pays
de publications couvertures vertes, couleur
d'espérances qui ne se réalisent pas.
Pendant que les presses officielles gémis
saient sous ces théories jusqu'ici iréalisées, que
faisaient nos maîtres Bien, si ce n'est de lais
ser voter par leur majorité des droits sur les
aliments de ceux qui se plaignaient de la faim.
Dans ces conditions une nouvelle explosion
était craindre. Elle s'est produite. La venelle
fut grande chez nos maîtres, mais un calme
relatif se produit celui de la lassitude et de
l'exténuation famélique.
Combien de temps durera-t-il Quelques
mois peut-être. Mais le cratère reste ouvert, et
il ne sera pas toujours possible de le cacher
sous les fleurs de rhétorique politiqueet d'arrêter
sa lave au moyen de cordons de troupes.
Alors, ceux qui n'auront pas su prévenir la
crise sociale entendront se retourner contre eux
le mot qu'ils s'en aillent 1 auquel ils essaie
ront vainement de répondre J'y suis, fy
reste, car il retentira leurs oreilles l'arrêt
qui est l'oraison funèbre des gouvernements qui
ont failli leur mission Trop tard
L'adoption des projets militaires, aujourd'hui
en discussion au Parlement, mettra le comble
aux palinodies du parti clérical.
Comme on sait, aux élections de 1884, il
avait pris pour devise pas un hommepas un
canonpas un centime de plus.
Le pays était arrivé, suivant-le mot de M.
Malou, au maximum de ses sacrifices pour sa
défense.
Or, voici comment va se traduire en fait,
sous les auspices du parti clérical, la devise
Pas un centime de plus.
La Belgique, imitant d'ailleurs en cela toutes
les nations du continent, va entrer dans une
série de dépenses considérables pour son outil
lage guerrier.
C'est ce qui résulte le plus clairement du rap
port de M. De Bruyn sur les crédits extraordi
naires demandés pour le ministère de la guerre.
Additionnez les postes de dépense de ce rap
port en les estimant militairement, sans vous
arrêter aux centimes, et vous arriverez facile
ment un chiffre approchant de cent millions.
Pour un parti qui s'était engagé ne pas
augmenter d'un centime les dépenses militai
res, ce sera raide mais il les votera tout de
même une palinodie de plus ou de moins ne
le compromettra pas plus qu'il n'est déjà com
promis.
L'aveuglement de notre ministère est quelque
chose d'inouï. Ne voyant plus de fumée,
ils ont cru le volcan éteint et ils ont cru que
l'on pouvait danser sans danger sur le cratère.
Ils n'ont pas la moindre idée des devoirs so
ciaux qu imposent la richesse et le pouvoir, ils
ne se regardent qu'à leurs privilèges qu'ils veu
lent maintenir et même augmenter tout prix.
Et ceux qui ne sont pas le pouvoir se conten
teraient de la liberté de mourir de faim, du
droit de l'agneau se mettre la tête dans la
gueule du loup Ce serait un miracle sans
précédent dans l'histoire du monde, si un Etat
dont les dirigeants ont de tels principes ne
s'écroulait pas un ces jours.
Le vœu du pays est général et unanime
Qu'ils s'en aillent, Beernaert et C" 1 sinon,
ils conduiront le pays sa perte.
Jamais on n'a eu en Belgique un ministère
plus compromettant.
Comment veut-on, en effet, que le peuple ne
se soulève pas
L'année dernière, des troubles se produisent.
Le ministère poltron et affolé promet de pren-
dredes mesures propres àaméliorer sa situation.
Le calme se rétablit et nos gouvernants in
conscients ne trouvent rien de mieux que d'in
stituer une commission qui jusqu'à présent n'a
encore rien produit de vraiment pratique.
Les ouvriers, fatigués d'attendre vainement,
murmurent et que font nos maîtres?» Ils
choisissent ce moment-là pour frapper la vian
de, et bientôt le pain, d'un impôt odieux et
exorbitant.
Mais le seul agitateur, le seul fomentateur
des troubles qui éclatent, c'est le ministère, ce
ministère incapable qui conduira notre pays
aux abîmes.
La Commission du travail a terminé enfin son
long labeur. Qu'en sortira-t-il Du vent
C'est fort craindre, moins que nos maî
tres ne secouent tout coup leur inertie et ne
regagnent le temps perdu. Qui sème le vent, dit
le proverbe, récolte la tempête. Gare la tempête
Quoi qu'il en doive advenir, qu'on mette
rapidement profit les travaux de la Commission
ou qu'on les laisse dormir dans les cartons il
y aurait injustice n'en pas reconnaître les bon
nes intentions.
Nous avons, du premier jour, dit ici notre avis
sur la nécessité de cette mise l'étude d'une
foule de questions qui avaient toutes été étu
diées fond déjà. Le gouvernement, s'il l'avait
voulu, eût pu dès l'année dernière, sans Com
mission, sans enquête, planter la cognée dans
l'arbre. Les griefs de la classe ouvrière ne sont
pas nouveaux on s'en était occupé longtemps
avant les incendies de Charleroi et il n est pas
un des problèmes qu'ils soulèvent, dont la solu
tion n'eût été indiquée.
L'enquête a eu du moins cela de bon que, me
née par quelques hommes dévoués avec un zèle
et une impartialité qu'on ne saurait trop louer,
elle a apporté un apaisement momentané. Mais
il eût fallu réaliser tout de suite les espérances
qu'elle avait données aux ouvriers.
Pour la laisser six mois sans résultats, mieux
eût valu ne pas la faire et ne pas exciter l'ima
gination de fous les pauvres diables dont la naï
veté ignorante attendait de cette nouveauté
prompte justice. Aujourd'hui, las d'attendre,
déçus, ils se persuadent que ce n'a été qu'une
vaine parade imaginée pour les duper, et leur
irritation s'en accroît.
Les membres de la Commission ont discuté
longuement, savamment, toutes les questions
que l'enquête avait posées, en gens convaincus
que le temps ne fait rien l'affaire... Pourquoi
se fussent-ils hâtés, puisque le gouvernement ne
les pressait pas et ne se pressait pas lui-même
Il y avait là par malheur, comme toujours, plus
de savants que d'hommes pratiques, et pas
mal de péroreurs vide.
D'ailleurs, il faut être juste ils ont eu abor
der de terribles sujets, sur lesquels il y a une
effrayable divergence d'opinions, qui mettent en
eu tous les intérêts, toutes les passions, tous
es besoins de notre société -, et il s'en est fallu
de peu qu'on ne les invitât résoudre au pied
leve le problème social.
Dieu soit loué la Commission en a fini Paix
sa mémoire. Si les projets de loi dont elle a
déposé la collection aux mains du gouvernement
ne sont pas tous parfaits, ils présentent un
ensemble dont la mise exécution constituerait
une première et importante satisfaction accordée
des griefs légitimes. Tels quels, ils représen
tent, de l'avis général, une œuvre de bonne foi,
inspirée par un désir sincère de conciliation so
ciale, assez mûrie pour n'avoir plus passer
par le crible de nouvelles études.
Si le ministère ne se décide pas les soumettre
en bloc l'appréciation des Chambres, s'il perd
encore des mois et des mois les peser, les
remanier, il conduira le pays sa perte. Aujour
d'hui, on peut encore apaiser. Demain, on ne
pourra plus.
En tous cas, de cette heure, c'est sur M. Beer
naert seul que pèse la responsabilité de l'avenir.
fc 'raflo I
La viande a haussé de prix Samedi dans un
certain nombre de boucheries.
Heureusement que M. Beernaert a promis de
faire abroger la loi de famine, si cet effet se
produisait.
Nous verrons bien
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Gazette).