X° 48. Dimanche,
47e ANNÉE.
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
TRIBUNAL CIVIL DE FURNES.
Le prix des viandes.
19 Juin 1887.
6 FRANCS PAR AN.
PARAISSANT LE JEUDI ET LE DIMANCHE.
Les persQqnes qui prendront un abon
nement au PROGRÈS partir du lr Juillet
prochain, recevront le journal gratuitement
jusqu'à cette époque.
JUGEMENT DU 28 MAI 1881.
En cause de CARTON Aimé, CNAPELYNCK
Raoul, COEVOËT Jules, DELFOSSE Charles,
LEBBE Georges, ROMMENS Félix (Ve et fils),
SANSEN Léon, VALGKE Casimir, demandeurs,
représentés par M* DE HAENE,
Plaidant Me LEBBE, du barreau d'Ypres,
Contre Charles BRUTSAERT, défendeur au
principal, représenté par M» PIL,
Confr-e Henri TAFFIN-BINAULD, défendeur
sur intervention, représenté par M9 NEMP Y NCK
Plaidant Me LEGRANI), du barreau de Tour
coing,
Les saintes feuilles, avec un aplomb formi
dable, déclarent sans rire que, depuis le vote
de la loi Dumont, le prix de la viande baisse.
Et elles entrent aans des raisonnements
pharamineux pour faire comprendre qu'il n'en
pourrait être autrement.
Admettons donc qu'un bœuf payé 35 francs
plus cher sur pied se vende 35 francs meilleur
marché au détail. Mais qlors, si ce bœuf, qui
vaut environ 300 francs, était vendu sur pied
600 francs, au détail, les bouchers le donne
raient gratis, pro Deo
Voilà cependant où conduit la logique des
bons journaux cléricaux. Et dire qu'il y a des
gens assez... naïfs pour gober les arguments de
ces bêles de sacristie
A Lokeren, le prix de la viande est augmenté
de 18 centimes par kilogramme depuis le 11
Juin dernier c'est la suppression du morceau
de viande hebdomadaire pour tous les ouvriers
et un impôt considérable charge du petit
bourgeois.
On écrit de Bruxelles au Précurseur
u Les droits sur le bétail entreront en vigueur
le 1er Juillet. Pour atténuer l'effet déplorable de
cette mise en exécution, M. Beernaert a déposé
un projet qui diminue de quelques francs les
droits sur les cafés. La réduction est estimée
huit cent mille francs. Le pavs compte aujour
d'hui plus de cinq millions d'habitants. En ne
prenant que ce chiffre de cinq millions, les huit
cent mille francs sur le café, représentent seize
centimes par tête d'habitant. Seize centimes par
an, c'est comme une goutte d'eau dans la mer.
De pareilles réductions sont dérisoires. Elles ne
sont d'aucune utilité. Personne n'en profitera.
Le prix du café ne baissera pas d'un quart de
centime. Mais M. Beernaert en profitera pour
débiter quelques phrases bien arrondies avec
beaucoup d'r dedans pour célébrer son génie
financier, lequel lui a permis de gratifier ses
concitoyens d'une réduction d'impôts de seize
centimes par an et par tête d'habitant. C'est la
souris de la montagne en travail. Il est vrai que
lorsqu'il s'agit de se vanter le gouvernement
actuel a un talent particulier pour grossir les
détails les plus insignifiants. Ainsi dans son der
nier discours M. le ministre des finances faisait
avec complaisance rémunération des grandes
mesures qui avaient vu le jour sous l'administra
tion actuelle, et au nombre de ces réformes
d'une portée considérable, il rangeait... la loi
sur les prestations militaires. Apres celle-là on
peut tirer l'échelle.
LE PROGRES
vires acquirit eunik).
ABONNEMENT PAR AV: Pour l'amndtesemegt administratif et judiciaire d'Ypres, fr. 6-00.
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Marché aux Herbes.
Parties ouïes
Vu les pièces du procès et notamment le jugement de
jonction du 42 Mars 1887
En ce qui concerne le déclinatoire d'incompétence
Attendu que de la combinaison des articles 1, 2 et 3 de
la loi du 15 Déççmbre 1$72, çt des article# 12 et 13 de la
loi du 25 Mars 1876, il résulte que pour fixer la compé
tence du- tribunal d'après le caractère civil ou commercial
d'uaei contestation, il faut suivre la règle actor sequitur
forum Ht
Attendu que le défendeur est cultivateur Que c'est
en cette qualité, dans le but de faire valoir ses produits,
qu'il q foit l'acte qui sert de base l'action des deman
deurs Que cette action ne revêt donc un caractère
commercial ni au point de vue de la personne du défen
deur, ni au point de vue de l'acte qui fait l'objet de la
contestation Que partant le déclinatoire n'est point
fondé
Au fond
Attendu qu'il est établi en fait que dans le courant de
Novembre dernier, les membres du syndicat des brasseurs
du Nord de la France, convaincus de la dégénérescence
de la culture boublonnière chez les planteurs de Poperin-
ghe, adressèrent une pétition au Bourgmestre de cette
ville pour le prier de remettre rigoureusement en vigueur
les règlements édictés autrefois et l'exécution desquels
était subordonnée l'apposition des plombs de la ville
qu'ayant eu connaissance de cette pétition, le défendeur
Brutsaerl par lettre datée de Watou du 15 Décembre sui
vant et adressée aux pétitionnaires prit la défense des
planteurs qu'il prétendit victimes des agissements fraudu
leux du commerce, accusant celui-ci de faire subir une
énorme et colossale falsification dans les magasins des
marchands 1° par le mélange des houblons de différen-
tes années et cultures et de diverses qualités 2° par le
mouillage des houblons déjà séchés pour leur donner un
deuxième et troisième soufrage qui uniforme la couleur,
augmente le poids, le tout au détriment de la qualité
Attendu que celte lettre fut insérée dans le numéro dix
du journal La Brasserie du Nord la date du vingt-
six Décembre 1886, numéro dont les demandeurs produi
sent un exemplaire visé pour timbre et enregistré Pope
ringhe, le 7 Janvier 1887, vol. 45, fol. 95 au verso case 2
droit de 4 fr. 90 c. par le receveur Delimoy;
Attendu que les accusations contenues dans la dite let
tre, accusations que le défendeur appuie de son autorité
de fonctionnaire public, sont évidemment l'adresse des
marchands de houblons de Poperinghe, dont les deman
deurs ont prouvé former la majorité- Que les termes
traficants de Poperinghe agissant avec la complicité du
contrôle de Poperinghe, qui aurait donné l'année der
nière le plomb douze mille balles alors que la produc
tion de Poperinghe ville, n'était que de cinq mille
balles, ne laissent subsister aucun doute cet égard
Attendu que le défendeur révèle immédiatement dans
sa lettre le but qu'il poursuit, en engageant la brasserie
de se passer de riatermédiaire du commerce et se mettre
directement en rapport a,vec Tes producteurs, promettant
sous le contrôle et la surveillance de l'autorité communale
de Watou, de fournir aux membres du syndicat des hou
blons de la dernière récolte, sans mélange, purs et na-
turels, et différant du tout au tout, avec ceux des
traficants de Poperinghe, que le défendeur qualifie de
marchandises frelatées, détériorées et des jwix plus
élevés
Afferufo qtCqsef de. pareils, moyens et employer de pa
reils termes poHr reco.mflaander ses produits et ieu,r faire
obtenir la préférence sur les marchandises des traficants,
constitue des actes de concurrence déloyale que s'il
peut être permis de vanter ses marchandises, il faHt le
fair.e dans les termes d'une concurrence loyale, sans déni
grer comrçte te f«jt 1g ttffepùeur Bjut.saert, lps produits
rivaux, en les signalant comme inférieurs ceux qu'on
débite, ou en alléguant charge de ses coqcqrrenls des
faits dont la fausseté est reconnue ou dont la preuve of
ferte en termes trop vagues est inadmissible
Attendu que le défendeur Brutsaerl, pour se soustraire
la responsabilité encourue par la publicité de sa lettre
appelle en intervention le défendeur Taffin-Binauld, pour
que celui-ci le garantisse de toutes condamnations en
principal, frais et intérêts qui pourraient être prononcées
de ce chef charge de lui défendeur Brutsaerl
Attendu que le défendeur Taffin-Binauld objecte avec
raison que la lettre de Brutsaert étant adressée loqs les
membres du syndicat de la Brasserie du Nord de la Fran
ce, auxquels le journal t La Brasserie du Nord sert
spécialement d'organe et cette lettre étant une réponse
un article paru dans le numéro dudit journal du 7 Novem
bre 1886, il n'avait lui "Taffin-Binauld, en donnant la
dite lettre la publicité, par son insertion dans le journal,
fait que répondre au désir clairement manifesté par Brut
saert Que d'ailleurs celui-ci avait été informé le 17
Décembre 1886, que la lettre aurait reçu la publicité
dans le journal et que loin de protester il y avait donné
son adhésion par son silence
Attendu que dans ces conditions l'appel en garantie
revêt l'égard de Taffin-Binauld, comme cajui-ef le sou
tient, un caractère téméraire et vexatoire Que partant
il y a lieu de faire droit aux conclusions reconventionnel
les du défendeur en garantie et d'allouer celui-ci
titre de dommages-intérêts une somme en rapport avec
les frais que lui ont occasionnés les nécessités de sa dé
fense
Attendu que celte somme peut être équitablenjent fixée
au chiffre de cent francs
Attendu que le défendeur Brutsaert est donc seul res
ponsable du préjudice occasionné aux demandeurs par
l'article incriminé, et qu'en tenant compte de cette double
circonstance qu.e la lettre n'a paru qu'après la principale
époque des transactions sur les houblons de la récolte
de 1886, et qu'on pourra détruire en grande partie les
effets préjudiciables de cette lettre par une publicité en
seos. contraire avant l'époque, des transactions sur la ré
colte de 1887, il faut admettre que l'insertion du présent
jugement dans le journal La Brasserie du Nord et
dans deux autres journaux belges pourra constituer le
principal élément de réparation Qu'en y ajoutant une
indemnité pécuniaire arbitrée ex œquo et bono la som
me de mille cinq cents francs, cette réparation sera com
plète
Par ces motifs, Le Tribunal
De l'avis conforme de Monsieur Verdeyen, Procureur
du Roi,
Se déclare compétent et faisant droit entre toutes les
parties
Rejette l'offre de preuve faite par le défendeur Brut
saert et le condamne payer litre de dommages-intérêts;
Ie Au défendeur en intervention Taffin-Binauld, la
somme de cent francs
2° Aux demandeurs la somme de quinze cents francs
Autorise ces derniers foire insérer le présent juge
ment, motifs et dispositif, deux reprises différentes
dans le journal c La Brasserie du Nord et dans deux
autres journaux belges au choix des demandeurs, les frais
des insertions étant recouvrables coatre te défendeur
Brutsaert sur simples quittances
Condamne celui-ci aux frais et dépees envers toutes les
parties.
Ypres, le 18 Juin 1887.