Passons sur la forme cavalière et peu polie de l'épitre qu'on vient de lire. M. Thonissen trouve donc que la réclama tion de l'instituteur dont il s'agit est juste, puisqu'il conseille celui-ci de s adresser aux tribunaux seulement, le très-haut fonction naire a décidé de ne pas intervenir, sans doute parce que, selon lui, l'instituteur a eu le tort de continuer faire son devoir -• sous l'em pire de la loi du 1" Juillet 1879, et que l'in tervention du ministre compétent éviterait au réclamant de nouvelles tracasseries et de nouvelles dépenses. Voilà par quel régime détestable est gouver née la Belgique en l'an de grâce 1887, sous un ministère qui devait étonner le pays par sa modération L'alcool. Signalons un article de M. Jules Simon, inti tulé l'Alcool, qui vient de faire sensation en France et qui mérite d'être lu et médité partout. Ce n'est pas qu'il nous apprenne des faits bien I nouveaux; mais il fait ressortir, avec l'éloquence des chiffres, la meilleure pour un pareil su- j jet, les ravages effroyables et sans cesse gran dissants de l'alcoolisme Ce fléau est le pire de tous, puisqu'il apporte la fois la ruine, la folie et la mort. Dans la période de 1840 1850, la moyenne annuelle de la production de l'alcool en France I était de 891,500 hectolitres. La production de 1885 a été de 1,864,814 hectolitres. La consom mation n'a pas fait moins de progrès. Le nombre des débits de boissons s'élevait, en 1835, 283,000. Il était, en 1885, de 399,000, sans compter les 30,000 débits de Paris. On calcule que cela fait un débit de boissons pour 94 habitants et, si l'on j défalque les femmes, les enfants, les malades, un J débit pour 35 habitants. Dans certaines villes manufacturières, et dans de nombreux villages de nos côtes, il ne faut défalquer ni tous les en fants ni toutes les femmes. Les femmes de fabri- j ques et les femmes de pêcheurs consomment leur j {>art d'alcool, et malgré la loi de 1873 contre j 'ivresse, on voit des enfants de 13 14 ans fré- uenter les cabarêts. Au reste, le chiffre de 1 ébit pour 94 habitants n'est qu'une moyenne. Il est dépassé de beaucoup dans le nord-ouest. Il v a un débit pour 22 individus dans la Seine- Inférieure. Nos pères allaient au cabaret pour causer, chanter et boire. On va maintenant dans les dé bits pour boire et se quereller. Le cabaret était joyeux, le débit est sombre. On boit sur le comp toir, ou l'on s'affaisse sur un banc d'un air lu gubre. Le vin versait la gaîté; l'alcool ne donne, j que l'hébétement ou la maladie. Le peuple qui se tue a remplacé le peuple qui s'amusait. En 1830, nous consommions 1 litre 12 d'al cool par tête. C'était beaucoup, car cela faisait peu près 4 litres par homme. La consommation a été en 1885 de 3 litres 85; plus de 12 litres par chaque homme adulte. Dans sept départements, elle va de 7 litres 13 litres 2. 13 litres 2 Cela suppose qu'un homme adulte consomme dans son année de 40 50 litres d'alcool. Il faut donc qu'il passe tout son temps boire. Il faut même qu'il se dépêche. Notez donc qu'il ne s'agit que de l'alcool déclaré. Que serait-ce si nous ajoutions l'alcool frauduleusement produit La dépense de l'ouvrier en alcools de nature diverses est énorme. On l'évalue un milliard pour salaires perdus et 1,600,000,000 payés aux débitants pour prix de deux millions et demi d'hect. d'eau-de-vie 4 fr. le litre. Deux mil liards 600 millions prélevés sur le budget de la main-d'œuvre! La perte est encore plus intense chez nos voisins. On parle en Angleterre d'une dépense de 4 milliards. Les Chinois se font tuer par l'opium, les Anglais par le whiskey et le gin, et malheureusement beaucoup de Français par l'eau-de-vie. Dans la période de 1840 1850, quand nous produisions en tout 891,500 hect. d'alcool, les al cools de vin, qui sont les plus inoffensifs, en traient dans la production pour 815,000 hect. Il n'y en avait plus que 102,601 en 1879. A partir de 1880, la moyenne annuelle s'est abaissée brus quement 27,000 pour aboutir, en 1885, au chiffre de 23,240 sur mne production totale de 1,864,515 hect. C'est-à-dire que l'alcool de vin n'est plus que la 80e partie de notre production. Or, l'alcool de vin est le seul dont on puisse dire qu'il n'est pas par lui-même un poison: l'au tre est détestable au point de vue hygiénique. Il en résulte que les débits d'eau-de-vie, de gin, de calvados et de whiskey devraient en réalité s'ap peler des débits de poison patentés par le gou vernement. L'ouvrier trouve un débit devant la fabri que. Il n'a que la rue traverser. Les portes sont ouvertes. Le feu flambe. Les fenêtres bril lent. L'hôte est sur le seuil, la face épanouie. Il les appelle par leurs noms. Le jour de paie, on a la poche garnie. On trouve crédit les autres jours. On devient, par le crédit, esclave de la maison. On boit peu en commençant. Puis on s'a guerrit avec les années. On se fait la bouche et la gorge, et en peu de temps s'allume la terrible, l'inextinguible soif. Qui a bu boira. Il n'y a, dans le monde entier, pour l'alcoolique, que deux choses: l'atelier et le comptoir, parce que l'i vrogne ne comprend et ne sent plus rien au delà. Ni femme, ni enfant, ni patrie! tout l'alcool. Il sait l'argent qu'il donne; il ne sait pas celui qu'il perd: le temps passé là; les lendemains de 1 ivresse; les infirmités, qui arrivent l'une sur l'autre, en un lugubre et formidable cortège; l'œil qui voit trouble, la main qui tremblotte, le bras qui ne ne peut plus lever le marteau, la rai son qui s'égare, le cœur qui s'endurcit. L'alcool, en peu d'années, a transformé en vieillard infirme et en idiot un homme dans la force de l'âge. En route pour l'hôpital, camarade, ou pour la pri son Et les enfants Qu'ils mendient! Au surplus, le nombre des enfants diminue dans la commune maudite. Ceux qui naissent ap portent dans leur sang le virus paternel. A po pulation d'ivrognes, génération d'écloppés, de rachitiques et de scrofuleux. M. le préfet n'a pas besoin de se déranger pour venir faire la ré vision. On n'a plus la taille Et nous faisons une loi sur l'ivresse L'as semblée la vote avec enthousiasme. Je la résume en deux mots. Voilà, citoyens, un marchand pa tenté qui vous fournira tous les moyens de vous livrer l'ivrognerie. J'ai mes agents qui vous saisiront dès que vous paraîtrez dans la rue en état d'ivresse, et mes magistrats, qui vous enver ront cuver en prison, votre calvados ou votre vapeur. Je fournis le mal et le remède! Ainsi parle l'Etat. nouvelles locales. Le Comité de l'Association libérale, dans sa séance de Samedi dernier, a élu comme Prési dent, M. le docteur Cornette, échevin de la ville d'Ypres et ancien secrétaire de l'Association. Dimanche et Lundi ont eu lieu les deux der nières distributions de prix: ce sont celles aux élèves de nos écoles gratuites. Il y avait foule aux deux cérémonies aussi bien dans le monde officiel que dans le monde des pa rents et des curieux nous sommes heureux de le constater,la sympathie de notre population pour nos deux magnifiques maisons du peuple si habilement dirigées par Mme D'Haeseleire et M. Verduyn, n'est pas encore en passe de décroître. Bien au contraire Ce résultat est dû surtout au zèle et au dévouement du corps professoral et des membres du Comité du Denier des Ecoles Laï ques ces derniers ont mis cette année la dis position du seul M. Verduyn une somme de 700 francs distribuer en prix. Tous ont droit nos éloges et nos sincères remerciements. Outre leur attrait ordinaire, les deux fêtes étaient encore en quelque sorte des solennités musicales: dans celle de Dimanche, en effet, (école de garçons), nous avons entendu le Vlaan- deren de Van Ryswyck, chanté par les 400 élè ves de l'école. Nous n'hésitons pas l'avouer, ce chant si simple et si majestueux dans sa simpli cité même, a produit sur nous une profonde impression, sans être toutefois aussi forte que celle que nous avons ressentie il y a environ un mois, lorsque 15,000 Flamands soutenus par un orchestre formidable l'entonnèrent, sous la di rection de Peter Benoît, sur la Grand'Place de Bruges. Il est bon que nos enfants connaissent nos chants patriotiques, et surtout ces beaux vers de V an Ryswyck que nous verrions volontiers devenir le chant national des Flamands. On ne peut assez tôt apprendre aimer la patrie, en connaître les beautés, en chérir les grands hommes. Dans un autre chœur le Zingen de Ch. Miry nous avons entendu un soliste, M. Ghesquière, croyons-nous, doué d'une bien jolie voix. L'an née dernière déjà, nous l'avions entendu, et ici même nous l'avions engagé cultiver sa voix nous ne pouvons que le féliciter, il a bien suivi nos conseils. Quant la distribution des prix proprement dite, nous avons remarqué avec plaisir l'émula tion qui existe entre les élèves pour mériter les primes données par le Denier des écoles et celles provenant de la fondation Bouckenaere cette émulation porte les meilleurs fruits. Mais ce que nous avons surtout remarqué, c'est la grande part enlevée dans ces primes, tout comme dans les autres prix, par les enfants de l'institut des orphelins. Nous est avis que c'est là un signe que ces j eunes gens profitent avec ardeur des occasions d'apprendre qui leur sont données, en même temps qu'on y trouve la reuve des bons soins que les instituteurs accor- ent indistinctement tous leurs élèves. Les beaux résultats obtenus par les orphelins mettraient, s'il en était encore besoin, un obstar cle de plus cette intention, que l'année, der nière déjà nous déclarions impossible, de retirer les pupilles des Hospices de notre école commu nale. D'ailleurs, nous voyons une nouvelle preuve de l'adhésion de la Commission des Hospices aux vues du Conseil communal et aux désirs de toute notre population libérale, dans ce fait, que plu sieurs administrateurs ont tenu cœur d'assis ter la cérémonie, et de se déclarer par là même, partisans de l'instruction en commun. La cérémonie de Lundi, comme nous le disions plus haut, a eu aussi une partie musicale des plus intéressantes. Nous y avons eu en effet la primeure d'une marche de M. Eug. Yan Els lande, directeur de la Philharmonie de Pope- i ringhe. La marche du Denier laïque est dédiée I M. Henri Thiebault, le si dévoué président de j notre Comité du Denier des écoles laïques. Hom- j mage délicat d'un jeune libéral un ancien ,1a Marche du Denier est un morceau original d'une grande valeur elle fait honneur au com positeur, car elle est douée de toutes les qualités propres lui assurer le succès. Nous ne pouvons j que regretter l'absence de M. Van Elslande la fête le public tout entier se serait joint nous I pour le féliciter, et lui faire une de ces ovations qui font époque dans la vie d'un artiste. Toutes nos félicitations, Monsieur Van Elslande, et nos remerciements pour le régal que voua nous avez procuré. Les chœurs les Jeunes Musiciens Lente- zang de Molen "les Pifferari ont été enlevés avec une justesse et un ensemble admi rables. Aussi le public n'a-t-il pas ménagé ses 1 applaudissements, non plus que nous ne mé- j nageons, nous autres, tous nos compliments j Mesdames les institutrices et aux exécutantes. En somme la fête, comme toutes ses aînées, a admirablement réussi, et tout le monde en a em porté le meilleur souvenir. Par arrêté royal du 18 Août 1887, des récom- enses pour actes de courage, de dévouement et 'humanité ont été accordées aux personnes ci- après dénommées habitant l'arrondissement dApres Maertens, Victorine, Zantvoorde médaille de 2e classe. Vallaeis, Pierre-Honoré, garçon-boulanger, Kemmel médaille de 2e classe. Demerlie, Pierre-Jean, agent de police, Ypres médaille de 2e classe. Gryffon, Emile, ouvrier forgeron, Ypres médaille de 3e classe. Décoration civique. La croix de lre classe est décernée M. Kinoo, secrétaire communal Oostvleteren, en récompense des services qu'il a rendus dans le cours d une carrière de plus de trente-cinq aimées.

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Le Progrès (1841-1914) | 1887 | | pagina 2