N° 69. Jeudi,
47e ANNÉE.
lr Septembre 1887
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
Elections Communales.
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Ypres, le 31 Août 1887.
Le mois d'Octobre est proche. Dans presque
toutes les communes de la Belgique, les deux
partis vont entrer en lutte et par le résultat de
ces nombreux scrutins on pourra juger si le
pays ratifie la politique honteuse suivie par le
gouvernement clérical, ou s'il la répudie.
Le moment est venu, pour le parti libéral de
s'unir et de faire un effort énergique pour
remporter une victoire éclatante. Les avertis
sements que le Roi, dans deux discours pro
noncés l'un Bruxelles et l'autre Bruges a
donnés au gouvernement clérical font prévoir,
bref délai, un appel au pays. Le triomphe du
parti libéral aux élections communales en four
nirait sans doute l'occasion.
Il faut absolument en finir avec la politique
réactionnaire inaugurée par nos maîtres
Jamais la Belgique n'a traversé une crise sociale
{dus grave que celle qui y a pris naissance le
endemain de l'avènement des cléricaux. On se
souvient de l'agitation provoquée sur toute la
surface du pays par le vote de la loi néfaste de
1884, destructive de l'enseignement primaire.
On n'a pas oublié non plus les revendications
de la classe ouvrière et le soulèvement des
bassins industriels. On sait comment nos maîtres
ont répondu toutes ces manifestations. Terro
risés d'abord, ils ont fait des promesses et ont
institué la commission du travail. Le danger
passé, ils ont voté la loi Dumont dont les con
séquences, si elle doivent favoriser l'agriculture,
ne seront certes pas applaudies par la classe
ouvrière, puis la loi contre les locataires et enfin
la loi Devolder, la loi d'amour qui met la
liberté de la presse entre les mains du ministère
et du parquet.
Appelée se prononcer sur le service person
nel, la droite a nettement déclaré qu'elle préten
dait trouver dans l'armée telle qu'elle est un
instrument de réaction l'intérieur, ce qui
n'existerait plus sans doute si l'on y introduisait
des éléments bourgeois et démocratiques. Elle
a refusé ensuite l'extension du droit de suffrage,
répondant par un refus catégorique cette re
vendication de la classe ouvrière.
La situation qu'une pareille politique crée au
pays l'intérieur et l'extérieur est grosse de
périls. Le Roi l'a suffisamment fait entendre
dans le discours de Bruges, lorsqu'il a dit en
substance car c'est là la morale de sa
harangue que les peuples n'ont que le sort
qu'ils méritent et que la Belgique ne main
tiendra sa situation privilégiée qui lui permet
de goûter la liberté l'abri des luttes sanglantes,
qu'à la condition d'être prête repousser les
convoitises et les agressions du dehors et
lorsqu'il a ajouté que toute liberté naît et périt
avec l'indépendance, le Roi n'a fait qu'accentuer
encore sa pensée.
Aussi, faisons-nous appel tous les bons
citoyens, tous ceux qui aiment la patrie, qui
veulent conserver son indépendance et main
tenir intactes les libertés garanties par notre
pacte fondamental, tous ceux qui ne prennent
pas le mot d'ordre Rome ou Malines. Nous
es conjurons de se grouper autour du drapeau
ibéral. Nous les supplions de mettre un frein
leurs divisions et d'oublier leurs rancunes
[>our ne voir qu'un but atteindre renverser
e gouvernement des prêtres qui ruine le pays
et l'expose périr. C'est par les élections com
munales qu'il faut commencer la lutte, compro
mettre le succès de cette lutte serait une
trahison.
Apaisement, concorde, prospérité.
Concorde, prospérité, apaisement.
Prospérité, apaisement, concorde.
Combien de milliers de fois ces trois mots
ne sont-ils pas revenus sous la plume des litté
rateurs de sacristie, lors de la polémique qui
précéda les élections législatives de 1884 1
A en croire les journaux pieux, le pays n'en
)ouvait plus six années de gouvernement li-
îéral l'avaient réduit la plus triste situation
e trouble, l'agitation, la division étaient par
tout. La Belgique marchait la ruine, aux
abîmes. Un ancien fonctionnaire, aujourd'hui
ministre, se demandait si les populations belges
ne finiraient point par regarder au-delà de la
frontière et par envier le sort des nations
voisines.
Il fallait en revenir, sans perdre une minute,
la politique d'union, de conciliation, de
tranquillité et de prospérité nationale que seuls
les cléricaux étaient capables de donner au
pays. On y revint. Beernaert, flanqué de Woeste
et de Jacobs, apparut comme un sauveur aux
veux du peuple délivré de la tyrannie libérale:
fa paix allait descendre sur la vieille terre belge,
semant de l'or, des fleurs et des épis le
soulagement était universel, et dans les gares,
les petits employés dansaient des farandoles en
l'honneur du R. P. Boom, le futur bienfaiteur
des fonctionnaires en général et des auxiliaires
postiers en particulier.
Les pacificateurs étaient l'œuvre depuis
trois mois peine, que le pays, bouleversé par
l'implacable persécution scolaire, était deux
doigts de la guerre civile. Le Roi, pour calmer
les esprits, était forcé de mettre deux de ses
ministres la porte. Le ministère étant expurgé
et assaini, on crut qu'on allait pouvoir respirer
un peu et que l'on ne tarderait pas voir
poindre cette ère de tranquillité et de prospé
rité si solennellement promise par Fontanarose-
Beernaert et par ses amis. Hélas I on n'était
encore qu'aux bagatelles de la porte, et la danse
ne faisait que commencer.
Coup sur coup, nous avons vu se produire,
sous le tutélaire gouvernement des hommes
d'apaisement, de concorde et de prospérité
Les troubles de Renaix
Les troubles de Liège
Les pillages et les incendies de Mars 1886
dans le bassin de Charleroi
Les grèves qui éclatèrent la même époque
sur tous les points du pays
Les grèves du Borinage, du Centre et du pays
de Charleroi dans le cours delà présente année;
Et enfin l'émeute sanglante dont Ostende
vient d'être le théâtre.
Tout cela en trois ans deux mois et quelques
jours. Ah le gouvernement de la prospérité
nationale ne dort pas sur l'ouvrage et fait bien
les choses.
On est sur un qui-vive perpétuel. La police,
la gendarmerie, la garde civique et l'armee sont
continuellement sur pied.
Et quand d'aventure on respire un peu, quand
il n'y a pas prodige d'émeute ou de
grève dans l'une ou l'autre de nos provinces, et
que l'on donne des fêtes publiques, comme
Bruges par exemple, Flamands et Wallons se
regardent en roulant des yeux en boules de lo
to, et c'est le diable pour les empêcher de se
prendre aux cheveux et de se casser récipro
quement les reins.
Ah les sauveurs de 1884 ont réussi dans leur
œuvre d'apaisement et de concorde!
Pour un pays tranquille, la Belgique est un
pays tranquille.
Et prospère donc!
On voit bien que ces gueux de libéraux ne
sont plus au pouvoir.
On lit dans l'Univers
Les pèlerins de Lourdes sont rentrés ce matin
n Paris rapportant de leur pieux voyage des
impressions que rien ne saurait rendre. Les
grâces ont été nombreuses (on ne compte pas
moins de quarante-deux guérisons constatées
par le j ury officiel)l'édification incomparable
Tous ceux qui connaissent Lourdes savent
3ue le chemin qui conduit la grotte est bordé
'une fouie d'indigents estropiés, paralysés,
aveugles, etc., qui étalent leurs plaies et leurs
difformités pour inspirer la pitié et recevoir
quelque obole des passants.
Chaque année, ce sont les mêmes mendiants
que vous revoyez, les mêmes infirmités que
vous contemplez.
Est-i t déraisonnable de se demander pourquoi
tous ces malheureux sont exclus des grâces du
Ciel, si abondantes dans cette localité privilé
giée, au dire de l'Univers; et pourquoi les riches
étrangers qui viennent grands frais de diffé
rents pays implorer la madone en recueillent
seuls fes fruits
Si le divin fondateur de la religion, le Dieu
des pauvres, des humbles et des petits revenait
sur la terre, comme il trouverait les choses
changées et combien les marchands du temple
lui donneraient encore de besogne
Le Moniteur a parlé. Les disciples de Bacchus
et de Gambrinus n'ont qu'à bien s'observer et
surtout se tenir. Il ne s'agit plus de festonner les
rues, ni de troubler le sommeil des citadins par
des chants aussi taux que désagréables, si l'on
ne veut que la police vous joue un air de violon
pour vous apprendre chanter juste.
Donc, garde vous, les amis de la dive bou
teille, car la loi est égale pour tous. Elle ne fait
pas de différence entre lebriété provoquée par
LE PROGRES