A TABLE.
élections qu'on doit avoir recours ce moyen. Il
faut aussi longtemps la pensée pour déboucher
les cerveaux optus qu'à la goutte d'eau pour
creuser la pierre. Mais si l'œuvre est lente elle
est sûre.
A propos de la validation des élections com
munales de Nivelles, elle exhume un arrêté
royal du M Décembre 1884 contresigné Tho-
nissen validant les élections communales de
Thulin.
Elle met en regard les deux arrêtés qui, avec
les mêmes arguments, arrivent une solution
diamétralement opposée.
Un petit extrait en fera juger
Les adieux d'un instituteur
M. Thonissen.
Lors de votre arrivée au ministère de l'in
struction publiquenous connaissions les
intentions de votre parti. Nous savions de quelle
répugnante besogne l'implacable clergé char
geait ses mandataires vis-à-vis de l'enseigne
ment. Mais vous deveniez ministre de l instruc-
tion c'était adroit pour donner le change
l'opinion.
Moi, vieil instituteur, qui vous connaissais
pour avoir lu votre éloge, dans les journaux
libéraux mêmes, je crus notre malheur atténué.
Je me disais C'est un vieux praticien, c'est
un des nôtres, c'est un homme connu pour ses
bons sentiments, il ne nous fera que le mal qu'il
ne pourra empêcher.
A mon âge on n'a plus d'illusion, et cepen
dant, je me disais si ce brave M. Thonissen,
qui n'avait pas besoin d'être Ministre pour
atteindre la gloire, a accepté ces hautes fonc
tions, c'est avec la pensée intérieure de parer
aux coups qui vont nous être portés.
Combien je fus déçu vous n'étiez pas mé
chant, mais vous étiez dans l'engrenage et il
vous fallut marcher
Aussi, vous avez de la fortune, vous pouvez
vous payer un voyage, allez dans les campa
gnes et examinez votre œuvre.
Vous verrez des hommes, coupables d'avoir
rempli leurs devoirs, coupables d'avoir obéi
aux lois, coupables d'avoir tenu au serment de
fidélité qu'ils avaient prêté, traqués pour cela
comme des bêtes fauves.
Vous verrez des hommes que le travail et le
chagrin ont vieillis avant l'heure, modestes
dans leurs belles fonctions, aimés et considérés
par leurs concitoyens avant 84, aujourd'hui
mis, par certaines gens, au ban de la société,
grâce aux influences néfastes de ce clergé, qui
s'appuie sur un ministère qui lui doit son exis
tence. Vous verrez des pères de famille souffrant
sans mot dire, d'un manque de ressources, car
un de vos premiers soins a été de diminuer les
subsides ae l'Etat aux communes et celles-ci
leur ont, pour la plupart, fait subir cette dimi
nution.
Moi, qui vous salue au départ, si je n'ai pas
mangé au pain sec depuis 84, je le dois ma
famille 1
Et combien de mes malheureux collègues se
privent du nécessaire pour élever leurs enfants!
Combien de mères de familles ont dû retran
cher sur les petites douceurs qu'elles donnaient
avec tant de joie leurs bébés
Ah M. Thonissen, avant de nous sacrifier
ainsi des haines que vous n'éprouviez pas,
vous eussiez dû vous rendre incognito dans
certaines communes signalées dans les jour
naux, où s'accomplissaient ces actes de cruauté,
vous assurer de visu de la véritable situation
des instituteurs, et vous eussiez donné votre
démission plutôt que de prêter la main ces
horribles exécutions.
Mais vous avez attendu, c'est là le reproche
que vous devez faire I Tout votre passé me
prouve que vous avez des remords.
Je vous souhaite qu'ils vous soient légers au
nom de la morale du Christ Rendez le bien
pour le mal.
Et maintenant, j'attends votre successeur
l'œuvre il a de la poigne, dit le clergé, nous
savons ce que cela veut dire. 11 reste encore du
mal nous faire, nous avons encore quelques
plumes qu'on peut nous arracher et que le
clergé réclame pour s'en parer nous verrons
s'il aura le cœur d'aller jusque là, s'il pensera
GRIVE ROTIE.
que le plaisir de faire souffrir vaut bien le mal
heur d'avoir un jour son nom maudit.
A la Chambre.
C'est le jour de la Saint-Nicolas, le premier
jour de l'an IV de l'incendie de la Chambre.
Ce ne sont pas les discours prononcés aujour
d'hui qui pourraient nous procurer une seconde
édition du sinistre du 6 Décembre 1883. Im
possible d'arracher une larme MM. les ques
teurs. Des bâillements, la bonne heure.
Il s'agissait de procéder au second vote du
projet de loi modifiant les lois provinciale et
communale, et tous les orateurs qui ont sévi le
mois dernier ont profité de l'occasion pour nous
remettre la torture.
Nous ferons grâce nos lecteurs d'une réédi
tion des discours que, il y a quinze jours, nous
avons analysés leur intention.
La discussion nouvelle, plus tortueuse encore
que l'ancienne, n'a d'ailleurs abouti qu'à des
rectifications de rédaction des articles déjà
votés. Aucun nouvel amendement d'une certaine
importance n'a été adopté, sauf celui qui porte
8,000 francs le traitement de tous les greffiers
provinciaux.
Un amendement libéral ordonnant que les
chefs de bureau et de division seraient toujours
choisis parmi les commis de l'administration
provinciale, a été combattu par plusieurs ora
teurs cléricaux et, finalement, rejeté par la
droite.
A la fin de la séance, il s'est élevé un certain
tumulte propos d'une motion de M. de Stuers,
qui demandait interpeller le gouvernement sur
une décision de la députation permanente de la
Flandre occidentale concernant la commune de
Breedene.
Le nouveau ministre de l'intérieur a accepté
l'interpellation pour... le mois de Janvier pro
chain. La raison du retard, c'est que l'élection
nouvelle décrétée pour Breedene a lieu le Di
manche 11 Décembre et qu'il est nécessaire de
ne pas faire voir clair aux électeurs de cette
commune avant le scrutin.
C'est ce que M. de Stuers a fait remarquer en
insistant pour la date de Jeudi 8 Décembre. A
son tour et avec des airs quelque peu imperti
nents, M. Devolder, qui se croit encore membre
de la Chambre, a persisté dans son refus.
M. Guillery, agacé par les airs fats de ce mi
nistre tout faire, lui a fait observer que les
membres de la Chambre interpellent quand ils
le désirent les ministres du Roi, et que c'est par
politesse qu'on fait connaître ceux-ci le jour
où on les interpellera.
La Flandre Libérale joue un vilain tour
M. Devolder, ministre de l'intérieur.
Thonissen
Attendu que le fait
matériel de la remise
par trois signataires
ae la proposition
constitue une forma
lité dont l'inobserva
tion ne peut elle
seule vicier le résultat
de l'élection, alors que
la sincérité de ce ré
sultat ne peut être
mise en doute...
Devolder
Attendu qu'il ré
sulte des discussions
législatives cette
disposition que l'in
tervention nécessaire
des trois signataires a
été requise afin de
donner une certaine
solennitéd'attri-
buer un caractère
d'authenticitéincon-
testable la remise
d'un document aus-
si considérable que
celui dont il s'agit
La jurisprudence cléricale varie selon les cas.
Les grives sont attendues avec impatience.
La grive l'aile grise se grise dans les vignes du grain
lisse des raisins.
A celte pauvrette, on fait une réputation de petite ivro
gne. C'est aller un peu loin. Pour quelques grains que
picore la grive, elle fait une guerre incessante aux enne
mis de la vigne. Après avoir absorbé je ne sais combien
d'insectes ravageurs, n'est-il pas tout naturel qu'elles se
désaltère un tantinet, moins qu'elle n'étouffe
La grive, amie du genièvre et si délicate la broche,
est l'oiseau des vignes comme l'alouette est l'oiseau des
champs. Celle-ci délivre les blés des chenilles et des sau
terelles; celle-là débarrasse les vignobles des limaces et
des escargots. La grive veille sur la grappe comme l'a
louette sur l'épi.
La grive est un gibier parfait quand elle est grassouil
lette et dodue, nourrie de genièvre et de raisin. C'est un
rôti tendre et parfumé, d'une haute succulence. Les meil
leures grives sont celles de la Provence, de la Bourgogne
et de la Gironde. Avec les grives des Alpes, on confec
tionne les fameux pâtés de Valence si chers aux gourmets.
La grive de Sarlal, que le genièvre parfume, est ud mets
délicieux.
Ajoutez un peu de truffe et vous aurez la rose des fes
tins.
Moi, dis-je, et c'est assez La grive se suffit, dé
daignant les sauces variées et les apprêts savants. Je ne l'ai
guère connue qu'à la broche douce connaissance que
j'ai renouvelée aussi souvent que j'ai pu. Il faut qu'elle
soit grasse et tendre, finement bardée de lard choisi, sim
plement arrosée avec du beurre. Douze minutes suffisent
sa cuisson. On ne la vide pas. Seul le gésier est indigne
d'être conservé. Dans la lèchefrite, des tranches de pain
sur lesquelles tomberont en jus savoureux, les délicats in
testins de l'oiseau.
Deux ou trois minutes avant de servir la grive sur sa
croûte embaumée, on la saupoudre de grains de genièvre
pulvérisés, mêlés avec de la panure sèche et fine. On dé
broche et l'on sert. Ce n'est plus un rôti, c'est un parfum.
La grive des coteaux bordelais m'esL particulièrement
sympathique. C'est, notre avis, la reine des grives, et je
ne connais pas de vin dont l'arôme s'harmonise mieux
avec la succulence de sa chair qu'une vieille bouteille de
Saint-Emilion.
Connaissez-vous la légende de la grive que racontent les
vignerons bordelais Après avoir bu toutes les grappes
du coteau une jeune grive se trouva pompette, tomba scan
daleusement sur son dos, les deux pattes en l'air, et se mit
rire. Puis voyant les nuages passer bien haut sur sa tête
alourdie, elle raidit ses petites jambes et s'écria dans un
accès d'orgueil alcoolique Maintenant le ciel peut tom
ber, je le soutiendrai avec mes pattes
Au même instant, une feuille d'amandier, détachée par
le vent, tombe sur la grive convaincue dans son erreur
Un instituteur o/jiciel.
Séance du 6 Décembre.
bachique que la voûte céleste vient de s'aplatir sur son
ventre. Elle se croit morte et s'endort. A son réveil, la
petite buveuse de raisin constate qu'il ne lui manque pas
une plume et qu'en outre elle a son plumet.
Ce n'est pas de la dégringolade des astres qu'elle a été
victime, mais de la chute d'une feuille. Honteuse de sa
mésaventure, la grive jura d'être plus sobre l'avenir.
Serment d'ivrogne! Dès le lendemain, la voici picorant les
grappes vermeilles et s'enivrant du jus des vignes Qui
a bu boira Tous les ivrognes sont incorrigibles.
En Bourgogne, on prétend que la grive, au moment de
fuir, l'hiver, vers des climats plus doux, ne peut vaincre
son état d'ébriété et manque le train.... des airs
Elle aura pour châtiment un grain de plomb dans la
tête et le fond d'une terrine pour tombeau.
Vous le voyez, c'est toujours la même accusation.
La grive est un oiseau mélancolique, ami de la solitude
et jaloux de sa liberté. Le jus de la treille ne parvient
même pas lui arracher une joyeuse chanson. La grive a
le vin triste.
Elle en boit d'ailleurs si peu, et il ferait beau voir l'hom
me, toujours prêt attribuer ses vices aux animaux, lui
jeter la première grappe
A cause de ses services viticoles et de ses rôtis succu
lents, on ne saurait trop pardonner les écarts légers de la
petite grive l'aile grise, qui se grise dans les vignes des
grains lisses du raisin.
(A continuer.)