24. Jeudi,
48e ANNÉE.
22 Mars 1888.
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
Chemin de fer.
Revue politique.
Intérieur.
L'orthodoxie agricole.
6 FRANCS PAR AN.
PARAISSANT LE JEUDI ET LE DIMANCHE.
vires acqu1rit ecndo.
Heures de départ d'Ypres pour
Ypres, le 21 Mars 1888.
Il est intéressant de savoir comment on
envisage en Russie l'éventualité de la mort de
l'empereur Frédéric III et de connaître l'opinion
que l'on se forme, dans le monde officiel, sur le
prince Guillaume et le rôle qu'il jouerait s'il
était appelé bientôt au trône. Voici ce que l'on
écrit, ce propos, de Saint-Pétersbourg au Nord:
Les esprits pacifiques qui désirent le plus
sincèrement la guérison de l'empereur Frédéric,
n'osent concevoir cet égard qu'une très vague
espérance et doivent par conséquent sentir
l'impérieux besoin de tranquillité qui s'impose
l'Allemagne dans de semblables circonstances et
s'efforcer de la lui procurer.
Il est vrai que l'état douteux où se trouve
aujourd'hui la santé du nouvel Empereur ne
saurait se prolonger, et qu'on apprendra bientôt
s'il faut en attendre une issue favorable ou
néfaste.
Dans le premier cas, c'est-à-dire dans le cas
du rétablissement de l'Empereur Frédéric,
l'Europe se trouvera face face avec un homme
dont les sentiments sont généralement connus,
qui jouit de l'estime, des sympathies, de la con
fiance générales, et il serait difficile d'admettre
qu'il voulût s'écarter de la politique sage et paci
fique de son auguste père.
r> Dans le second cas, c'est-à-dire s'il survenait
une catastrophe dont Dieu préserve le monde, on
verrait la couronne impériale échoir un jeune
S rince ayant parfois laissé percer des symptômes
e dispositions moins rassurantes. Mais ce ne
serait pas encore une raison pour s'alarmer, car
ce prince aurait lui-même devant lui un inconnu
dont les dangers plus ou moins évidents lui
feraient de la prudence un devoir essentiel. Se
trouvant dans la nécessité de surmonter bien des
difficultés sans jouir, pour ce faire, de l'immense
prestige qui allégeait sensiblement sa tâche
l'Empereur Guillaume, il ne pourrait guère
donner essor aux dispositions belliqueuses qu'on
se plaît, tort peut-être, lui attribuer.
L'histoire ne nous montre-t-elle pas d'ail
leurs que dans tous les temps et surtout notre
époque, la volonté, les sentiments personnels des
souverains n'ont pas toujours déterminé la mar
che des événements, qui dépend bien souvent
d'autres facteurs, et tel monarque qu'on savait
belliqueux s'est vu obligé par les circonstances
de pratiquer une politique absolument pacifique,
tandis que tel autre au contraire, animé des senti
ments les plus inoffensifs, se trouvait fatalement
entraîné dans des entreprises aventureuses.
Ne formons donc point au hasard des
hypothèses pessimistes.
D'après les dernières nouvelles de Berlin, la
santé du maréchal de Moltke, atteint d'une ma
ladie de foie, décline rapidement: son successeur
sera, dit-on, le maréchal de Blumenthal, tenu
jusqu'ici l'écart cause de ses sympathies pour
Frédéric III. Le général de Walaersee, qui était
le candidat du parti de la guerre, est définitive
ment écarté.
Voici en quels termes le Précurseur appré
cie les explications données Vendredi la
Chambre par M. de Chimay, ministre des
affaires étrangères, au sujet de l'invitation
adressée par la France la Belgique pour
l'Exposition de 1889
Nous sommes profondément humilié de
l'attitude de M. de Chimay et de ses collègues.
On peut pardonner beaucoup de choses un
gouvernement ce qu'on ne pardonnera pas
celui-ci, c'est d'abaisser le pays qu'il repré
sente. On a vu nos ministres user la tribune
de faux-fuyants méprisables la Belgique,
disaient-ils, n'avait pas été officiellement invi
tée participer lExposition française. Le
gouvernement de la République a cru qu'il y
avait eu un malentendu, et il a chargé son
ministre Bruxelles d'adresser au cabinet
belge une invitation en règle. Aujourdhui on
ne peut plus biaiser, on ne peut plus inventer
de prétextes. Aussi M. de Chimay est-il forcé
d'avouer, avec une foule de circonlocutions,
que le gouvernement belge n'a pas osé accep
ter l'invitalion. Comme c'est honorable, n'est-
ce pas et comme il est doux nos cœurs de
patriotes de voir nos ministres se comporter
comme des enfants pris en faute Le pays sait
aujourdhui qu'ils ont dissimulé la vérité et
trompé le Parlement. Leur siege était fait dès
le début. A leur sens, la Belgique ne pouvait
pas participer officiellement l'Exposition de
1889, parce que les puissances garantes de sa
neutralité auraient pu s'en offusquer
On est confondu d'un pareil servilisme. Si
M. le prince de Chimay croit être politique, il
se trompe. Que va-t-on penser de la Belgique
l'étranger Ainsi entendue, la neutralité d'un
pays ressemblerait la position d'un individu
placé sous la surveillance de la police. Si nous
ne pouvons plus assister une fête industrielle
sans l'aveu de nos garants, et si notre ministre
des affaires étrangères en convient tout le
premier, il faut nous attendre voir les puis
sances nous demander compte de nos actes les
plus inoffensifs. M. de Chimay ne s'aperçoit pas
qu'il travaille contre son pays et qu'il l'enchaîne
vis-à-vis de l'étranger. On n'a pas idée (l'une
semblable absence de courage et de dignité.
M. Frère-Orban entendait autrement ses
devoirs, il soutenait plus fièrement le prestige
national. Lorsqu'il a démasqué la fourberie de
la curie romaine, il ne s'est pas informé de ce
qu'on en penserait ailleurs; il lui suffisait do
savoir que notre neutralité n'exclut ni notre
liberté ni notre dignité, et il a agi en consé
quence. Notre rupture avec le Vatican a été un
coup d'éclat, accompli avec l'autorité d'un grand
ministre. A présent, les temps sont changés. A
la fierté libérale a succédé une lâche défaillance.
Nos pauvres ministres n'osent pas accepter
l'invitation pacifique d'un pays ami ils ont
peur d'une Exposition 1
Le conseil de perfectionnement de l'ensei
gnement, institué au ministère de l'intérieur,
a refusé d'admettre parmi les livres qu'il juge
dignes d'être recommandés l'ouvrage sur la
Chimie agricole publié par M. Proost, ex-pro
fesseur Louvain, et aujourd'hui inspecteur-
général de l'agriculture... Il paraît que cet
ouvrage, fourmille d'erreurs scientifiques gros
ses comme des maisons.
Voilà qui continue nous donner une heu
reuse idée de la valeur des hommes aux mains
desquels est actuellement remise l'administra
tion de l'agriculture. On est allé chercher
Louvain deux ou trois pédagogues d un cago-
tisme éprouvé on les a bombardés agronomes
en chambre on en a fait les fonctionnaires
supérieurs, grassement appointés. Puis, le
clergé ayant fait les rogations, on attend que la
Providence fasse pousser les betteraves... C'est
notre nouvelle organisation agricole.
Pour en revenir au conseil de perfectionne
ment, il paraît qu'une douce surprise nous est
réservée...
M. le ministre Devolder a demandé, dit-on,
communication du rapport du conseil sur le
livre de M. Proost or, comme M. Devolder
nen fait que sa tête, se moquant pas mal du
tiers et du quart, il y a tout lieu de croire qu'il
inscrira d'office parmi les ouvrages recomman
dés la Chimie agricole de M. Proost, qui n'est
qu'un tissu d'âneries.
C'est ainsi que se passent actuellement les
choses en lieux ministériels, sous l'égide de
notre Mère la Sainte Eglise.
Les dispenses accordées par la loi de 1884
aux miliciens qui se destinent au ministère ec
clésiastique ou l'enseignement donnent lieu
des abus tels que le département de la Guerre
vient d être obligé d'adresser aux commissaires
d'arrondissement des instructions leur enjoi
gnant de déférer d'office la Cour d'appel, les
décisions des Conseils de milice qui, en l'espèce,
ne seraient pas rigoureusement conformes
l'esprit de la loi.
La loi porte, notamment, que cette faveur ne
peut être appliquée aux jeunes gens dont les
familles sont dans l'aisance Or cette prescrip
tion est, le plus souvent, lettre morte pour cer
tains Conseils de milice, et le contingent réel
s'en ressent dans des proportions qui ont obligé
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