N° 29. Dimanche,
48e ANNÉE
8 Avril 1888
JOURNAL D'YPRES ET DE L ARRONDISSEMENT.
Chemin de fer.
Revue politique.
Intérieur.
Dédié aux protectionnistes
6 FRANCS PAR AN.
PARAISSANT LE JEUDI ET LE DIMANCHE.
Nous appelons (attention de Messieurs les
protectionnistes sur le rapport annuel de la
Chambre de Commerce de Couvain que nous
publions ci -dessous
LE PROGRÈS
vires acquirit eundo.
INSEKTIONS Annonces: la ligne ordinaire fr. 0-10 Réclames: la ligne, fr 0-25.
Insertions Judiciaires la ligne nn franc.
Pour les annonces de France et de Belgique s'adresser l'Agence Havas, Bruxelles, 89,
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Poperinghe, 6-50 9-09 10-00 12-07 3-00
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Roulers, 7-45 10-45 12-20 - 4-10 6-30.
Langemarck-Ostende, 7-23 12-22 3-58 6-22.
Courtrai, 5-30 - 8-20 - 9-58 - 11 16 2-41 - 5-20.
Gourtrai-Bruxelles, 5-309-58 11-16 2-41 5-20.
Courtrai-Gand. 5-30 8-20 - 11-16 - 2-41 5-20.
Ypres, le 7 Avril 1888.
Une dépêche de Vienne avait apporté hier la
nouvelle invraisemblable que M. de Bismarck
avait résolu, pour des motifs de santé, de donner
sa démission. Nous n'y avions pas fait attention,
bien que la dépêche eût passé par les bureaux de
la Gazette de Cologne, journal qui passe pour ac
cueillir d'habitude les communications du chan
celier.
Nous savons de longue date quoi nous en
tenir sur les indispositions de M. de Bismarck.
Des journaux ont pris cependant l'information
au sérieux et la discutent, ou plutôt cherchent
l'expliquer.
A les croire, le prince chancelier aurait plu
sieurs motifs pour se retirer. La maladie ne se
rait, bien entendu, qu'un prétexte. Nous ne
croyons pas plus ces motifs qu'à ces prétextes.
Disons cependant les bruits qui courent
D'abord, M. de Bismarck aurait été profondé
ment blessé par le récent rescrit impérial que
lui a adressé l'empereur nouveau. Ce rescrit, en
effet, impliquait une sorte d'improbation de la
politique dont le chancelier a été depuis tant
d'années, la personnification en Allemagne. Il
aurait été froissé également de la décision ré
cemment prise par I rédéric III et en vertu de
laquelle toutes les résolutions gouvernementales
devraient désormais être discutées et approu
vées en conseil des ministres.
Que M. de Bismarck ait été froissé, c'est pos
sible, c'est même probable mais ce n'est, pas
pour cela qu'il abandonnera le pouvoir, si assuré
qu'il soit de le retrouver le jour où le kronprinz
succédera son père.
Donc, n'insistons pas sur ce faux bruit. M. de
Bismarck restera son poste. Une de ses maî
tresses qualités est de savoir attendre.
Ce qui pourrait froisser bien autrement M. de
Bismarck, ce serait la réalisation des projets de
mariage, dont on parle, entre la princesse Vic
toria, fille de Frédéric III, et le prince Alexan
dre de Battenberg.
On annonce que le prince a l'intention de se
rendre prochainement Berlin pour demander
la main de la fille de l'Empereur. La reine
d'Angleterre devait, disait-on ces jours-ci, pas
ser par Berlin, en revenant de Florence, pour
appuyer la demande du beau-frère de son gen
dre favori.
Si ce mariage se faisait, ce serait vraiment un
sévère camouflet pour la politique de M. de Bis-
marck. Il en résulterait, d'ailleurs, de nouvelles
complications dans les affaires de Bulgarie. Mais
nous ne croyons pas non plus la réalisation de
ces projets. Il serait absurde, a-t-on dit, de sou
lever une guerre européenne pour conserver sa
f)lace au prince Ferdinand de Cobourg mais
e souci de procurer une fiancée au prince de
Battenberg serait-il une raison meilleure pour
déchaîne run pareil fléau
La crise commerciale et industrielle date de 1875, et
la crise agricole de 1878. La baisse générale des produits,
la concurrence internationale amenée par l'abaissement
successif des frais de transport, la réduction progressive
des bénéfices et des salaires aboutissant la contraction de
la consommation, voilà les causes principales d'une situa
tion difficile qui, d'intermittente, est devenue chronique
dans beaucoup de pays, et a déjà donné lieu des crises
aiguës, momentanées, mais dangereuses peur la sécurité
publique.
Jusqu'en 1882, la Belgique n'a pas trop souffert. Pous
sée par la nécessité de donner un aliment ses capitaux,
notre industrie a eu pour objectif d'arriver une produc
tion toujours plus considérable, bénéficiant ainsi des
avantages qu'offre la grande industrie au point de vue
d'un travail économique suppression de frais, extension
des relations, etc.
Cette tendance s'accroître sans cesse doit nécessai
rement rencontrer une limite, et, menée l'excès, faire
dépasser l'offre la demande le jeu naturel des lois éco
nomiques marquera cette limite. Il n'en est pas moins
vrai que la production a pu se développer sous l'heureuse
influence de notre régime de liberté commerciale d'avant
1882 Depuis lors, des mesures réactionnaires ont été
prises, et notre situation est devenue plus difficile. Nous
bénéficions encore des effets'de l'ancien régime, nous souf
frons moins que d'autres pays, mais les mesures anti
économiques exercent déjà leur influence, et nous pouvons
en juger par l'état des industries mêmes que ces mesures
devaient proléger dans l'esprit des législateurs. Citons
comme exemple l'augmentation des droits sur les tabacs,
qui date de 1883-, et le dépérissement de cette industrie
remontant la même époque.
Il faut imputer aux lois d'impôts de 1883 une grande
part des difficultés contre lesquelles luttent nos industriels.
Il fallait alléger la situation, elle fut aggravée au lieu de
dégrèvements promis, la réaction l'emporta en violant les
principes de liberté commerciale, en prenant de nouvelles
mesures qui, il est vrai, pouvaient favoriser quelques inté
ressés, permettre quelques-uns de se relever, mais de
vaient, par la logique fatale des choses, aggraver pour la
généralité le malaise déjà existant.
1884 nous donna une surtaxe sur les sucres exotiques.
Les aspirations protectionnistes se font jour. Il en résulte
un rétrécissement dans les rapports commerciaux de notre
pays. Puis, lancé dans cette voie qui mène soutenir que
les intérêts individuels doivent être protégés, et peuvent
l'être efficacement par le Dieu-Etat, après avoir accordé
des privilèges aux uns, l'appétit des autres est excité, et
chacun se croit autorisé demander des faveurs similai
res, oubliant qu'elles ne peuvent être octroyées qu'au dé
triment de la consommation et du travail en général.
Voici 1885. Les protectionnistes demandent, en faveur
de l'agriculture, des droits sur les céréales, le riz et les
bestiaux. Le sentiment public se révolte les adversaires
de l'impôt font valoir que la vie bon marché est la base
de toute prospérité, et que seul le libre échange peut l'ac
corder que la Belgique est surtout un pays de produc
tion, et que le renchérissement factice de ses produits sera
une cause de ruine. La législature hésite, et finalement
rejette le projet par son vote du 10 Juillet 1885.
Il fut déclaré, séance tenante, par les promoteurs du
projet, qu'ils n'abandonnaient pas la partie. Une propa
gande active fut faite pour convaincre les intéressés de
l'inocuité de la mesure proposée en avançant cette hérésie
économique que c'est le producteur qui paie les droits
d'entrée, et, qu'en tous cas, ces droits ne sauraient modi
fier la consommation^» quand la logique et l'expérience
prouvent que le droit s'ajoute au prix de revient, passe sur
les intermédiaires, est finalement acquitté par le consom
mateur, et que celui-ci, devant payer plus cher, doit res
treindre sa consommation, car le grand consommateur
c'est le peuple, et le peuple n'a que des ressources forcé
ment limitées.
Néanmoins, profitant du malaise de l'agriculture, et
suivi par nos fermiers, qui oublient que l'on ne cherche
élever le prix des produits agricoles que pour relever les
fermages, les promoteurs du projet le représentent frac-
tionnellement cinq mois après, pour les bestiaux seuls,
mais avec des droits beaucoup plus élevés que ceux rejetés
antérieurement, et en y ajoutant des droits sur la viande
dépecée. La Chambre n'échappe pas cette nouvelle ten
tative protectionniste, et vote, en 1887, le projet qui de
vait sauver nos propriétaires et leurs fermiers
A quel résultat a-t-on abouti Malgré la loi, le prix
du bétail ne s'est pas relevé les éleveurs n'ont pas atteint
leur but par suite de la pénurie de paille et du manque de
fourrages. Il ne suffit donc pas de décréter une loi pour
faire changer une situation, et aujourd'hui, comme en
1846, les décisions de nos légiférants ont été corrigées par
les événements.
Les promoteurs de la loi le reconnaissent. Malgré leur
foi dans leur science économique, ils ne vont pas encore
jusqu'à nier l'évidence, mais ils affirment que le manque
de fourrages est une cause passagère, et que le prix du
bétail se relèvera. Ils oublient qu'ils en seront les premiè
res victimes, quand ils devront remonter leurs étables
vides, et payer plus cher l'étranger. Encore, le relève
ment des prix sera-t-il durable
En 1883, ensuite de l'enquête, les agriculteurs fran
çais décidaient aussi que les droits sur les céréales et les
bestiaux sauveraient la situation.Ils obtinrent 3 francs pour
le froment et 15 pour le bétail.
La situation ne changea pas au lieu de reconnaître
l'erreur dans laquelle on versait, on persévéra dans la
tendance vouloir corriger un état maladif par des décrets
gouvernementaux. Les droits furent augmentés, et cepen
dant les doléances des agriculteurs ne cessent pas. En
France pas plus qu'ailleurs, les protectionnistes n'osent
pousser la logique de leur système jusqu'à la prohibition
absolue, et la spéculation y agit comme partout ailleurs,
en amenant des bas et des hauts, monopolisant bas prix,
quand la culture donne, et relevant les prix plus tard. Le
fermier ne voit pas d'amélioration et les fermages baissent.
En Allemagne, nous observons les mêmes causes et
les mêmes effets. Malgré les droits draconiens, presque
prohibitifs auxquels on est arrivé successivement, malgré
la prime l'exportation sur le sucre, et tant d'autres me
sures soi-disant protectrices, la situation des agriculteurs
est restée la même, les rapports des Chambres de com
merce sont tous également concluants cet égard, et
l'industrie en général voit l'avenir sombre. L'Allemagne
est peut-être le pays où faction gouvernementale est la
plus renforcée, la plus étendue, et où le cercle de l'action
individuelle est le plus restreint. L'essai est jugé malheu
reux, et Delbruck était prophète quand il se sépara de son
Maître sur la question du libre échange.
Aussi voyons-nous que c'est le seul pays où l'ouvrier
mange encore du pain de seigle
L'espoirque la France et l'Allemagne avaient fondé sur
les droits a été déçu. La situation générale n'a subi aucune
sérieuse amélioration. Au contraire, pour soutenir les
protégés, ces pays ont été amenés relever successive
ment les droits, donnant ainsi la preuve éclatante de l'in
succès des premières mesures protectionnistes. Ils conti
nueront cette expérience, faisant le vide autour d'eux et la
pauvreté parmi eux, ruinant le consommateur, cherchant
dans la politique des dérivatifs une situation sans espoir,
jetant au peuple des réformes utopiques pour palier sa