Réparation Judiciaire.
TRIBUNAL CIVIL DE FURNES.
67. Dimanche,
48e ANNÉE
19 Août 1888
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
6 FRANCS PAR AN.
PARAISSANT LE JEUDI ET LE DIMANCHE.
JUGEMENT DU 28 MAI 1881.
En cause de CARTON Aimé, CNAPELYNCK
Raoul, COEVOET Jules, DELFOSSE Charles,
LEBBE Georges, ROMMENS Félix (ve et fils),
SANSEN Léon, YALCKE Casimir, demandeurs,
représentés par M" DE HAENE,
Plaidant Me LEBBE, du barreau d'Ypres,
Contre Charles BRUTSAERT, défendeur au
principal, représenté par Me PIL,
Contre Henri TAFFIN-BINAULD, défendeur
sur intervention,représenté par MeKEMPYNCK,
Plaidant Me LEGRAND, du barreau de Tour
coing,
Ypres, le 18 Août 1888.
Une cérémonie, que nous qualifions d'évé
nement, a été récemment célébrée dans la
capitale. A notre avis il n'en a pas été tenu
assez compte, surtout en province.
Nous voulons parler de la manifestation qui
a eu lieu l'occasion de l'inauguration du mo
nument consacré la mémoire de M. Auguste
Orts.
Au point de vue de la science juridique, M.
Orts peut juste titre être compté au nombre
de nos maîtres, mais certainement ce n'est pas
cette considération qu'il doit l'honneur de
passer la postérité. Ce sont les sentiments po
litiques, les qualités de cet homme d'Etal émi-
nent, auxquels on a voulu rendre un si éclatant
hommage.
Les grands centres de population, les capita
les surtout, ont de tout temps produit des opi
nions radicales. Nous pouvons dire qu'elles sont
le centre de la jeunesse. Le drapeau de l'opi
nion libérale est assez grand pour abriter
toutes les idées de progrès quant aux utopies,
c'est sous une autre bannière qu'elles doivent
s'enrôler. Le radical ne peut exclure le libéral
et réciproquement. L'armee libérale peut et
doit discuter la stratégie, qui sera suivie dans
le combat, mais une fois faction engagée, il ne
peut plus y avoir de dissidences. Les discus
sions préalables doivent amener l'union, la
minorité doit se soumettre la majorité.
Si tous les libéraux voulaient méditer la si
tuation pénible qui nous est faite par l'opinion
cléricale, si l'on voulait examiner sans parti
pris l'histoire politique de ces vingt dernières
années, n'en pas douter tous seraient d'ac
cord pour oublier nos dissentiments et marcher
compactes et unis l'assaut de la forteresse
cléricale, commandée par nos évêques.
Un examen impartial doit faire voir que ra
dical et doctrinaire ne sont que des mots aux
quels on a donné une signification trop absolue.
Avec un peu de bonne volonté on pourrait cer
tainement les considérer comme l'expression
de la jeunesse, d'une part, de l'expérience
d'autre part.
En effet, les Defré, les Van Humbeeck, les
Funck, les Guillery, etc., etc. ne furent-ils pas
radicaux pour devenir, la suite de l'expérience,
doctrinaires, disons libéraux Ce sont les hom
mes de cette trempe qui rendent aujourd'hui
hommage la mémoire de l'homme modéré
par excellence.
M. Orts dans sa longue carrière politique a
toujours fait prévaloir les principes d'un pro
grès sage et d application par un gouvernement
régulier. L'inconnu et les témérités n'étaient
pas de son programme. C'est avec ce drapeau
Îu'il a provoqué la scission, restée célèbre
ans nos annales politiques et qui finit par un
éclatant triomphe.
On peut dire que la politique de M. Orts est
celle qui est pratiquée en province. C'est celle
du libéral tout court.
Que l'on médite la cérémonie laquelle nous
venons d'assister. Elle doit être pour tout le
pays une leçon et un enseignement.
LE PROGRÈS
VIRES ACQCIRIT El'NIH)
ABONNEMENT PAR AN: Pour l'arrondissement administratif et judiciaire d'Ypres, fr. 6-00.
Idem. Pour le restant du pays7-00.
lout ce qui concerne le journal doit être adressé l'éditeur, rue au Beurre, 20.
INSERTIONS Annonces: la ligne ordinaire fr. 0-10 Réclames: la ligne, fr. 0-25.
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Marché aux Herbes.
rtOl-
Parties ouïes
Vu les pièces du procès et notamment le jugement de
jonction du 12 Mars 1887
En ce qui concerne le déclinatoire d'incompétence
Attendu que la combinaison des articles 1, 2 et 8 de la
loi du 15 Décembre 1872, et des articles 12 et 13 de la loi
du 25 Mars 1876. il résulte que pour fixer la compétence
du tribunal d'après le caractère civil ou commercial d'une
contestation, il faut suivre la règle actor sequitur
forum rei
Attendu que le défendeur est cultivateur Que c'est
en cette-qualité, dans le but de faire valoir ses produits,
qu'il a fait l'acte qui sert de base l'action des deman
deurs Que cette action ne revêt donc un caractère
commercial ni au point de vue de la personne du défen
deur, ni au point de vue de l'acte qui fait l'objet de la
contestation Que partant le déclinatoire n'est point
fondé
Au fond
Attendu qu'il est établi en fait que dans le courant de
Novembre dernier, les membres du syndicat des brasseurs
du Nord de la France, convaincus de la dégénérescence
de la culture houblonnière chez les planteurs de Poperin-
ghe, adressèrent une pétition au Bourgmestre de cette
ville pour le prier de remettre rigoureusement en vigueur
les règlements édictés autrefois et l'exécution desquels
était subordonnée l'apposition des plombs de la ville
Qu'ayant eu connaissance de cette pétition, le défendeur
Brutsaert par lettre datée de Watou du 15 Décembre sui
vant et adressée aux pétitionnaires prit la défense des
planteurs qu'il prétendit victimes des agissements fraudu
leux du commerce, accusant celui-ci de faire subir une
énorme et colossale falsification dans les magasins des
d marchands: 1° par le mélange des houblons de différen-
tes années et cultures et de diverses qualités 2° par le
mouillage des houblons déjà séchés pour leur donner un
deuxième et troisième soufrage qui uniforme la couleur
augmente le poids, le tout au détriment de la qualité
Attendu que cette lettre fut insérée dans le numéro dix
du journal La Brasserie du Nord la date du vingt-
six Décembre 1886, numéro dont les demandeurs produi
sent un exemplaire visé pour timbre et enregistré Pope-
ringhe, le 7 Janvier 1887, vol. 45, fol. 95 verso case 2 au
droit de 4 fr. 90 c. par le receveur Delimoy
Attendu que les accusations contenues dans la dite let
tre, accusations que le défendeur appuie de son autorité
de fonctionnaire public, sont évidemment l'adresse des
marchands de houblon de Poperinghe, dont les deman
deurs ont prouvé former la majorité Que les termes
traficants de Poperinghe agissant avec la complicité du
contrôle de Poperinghe, qui aurait donné l'année der-
nière le plomb douze mille balles alors que la produc-
tion de Poperinghe ville, n'était que de cinq mille
s balles, ne laissent subsister aucun doute cet égard
Attendu que le défendeur révèle immédiatement dans
sa lettre le but qu'il poursuit, en engageant la brasserie
de se passer de l'intermédiaire du commerce et se mettre
directement en rapport avec tes producteurs, promettant
sous le contrôle et la surveillance de l'autorité communale
de Watou, de fournir aux membres du syndicat des hou
blons de la dernière récolte, sans mélange, purs et na-
turels, et différant du tout au toutavec ceux des
traficants de Poperinghe, que le défendeur qualifie de
marchandises frelatées, détériorées et des prix plus
élevés
Attendu qu'user de pareils moyens et employer de pa
reils termes pour recommander ses produits et leur faire
obtenir la préférence sur les marchandises des traficants,
constituent des actes de concurrence déloyale Que s'il
peut être permis de vanter ses marchandises, il faut le
faire dans les termes d'une concurrence loyale, sans déni
grer comme le fait le défendeur Brutsaert, les produits
rivaux, en les signalant comme inférieurs ceux qu'on
débite, ou en alléguant charge de ses concurrents des
faits dont la fausseté est reconnue ou dont la preuve of
ferte en termes trop vagues est inadmissible;
Attendu que le défendeur Brutsaert, pour se soustraire
la responsabilité encourue par la publicité de sa lettre,
appelle en intervention le défendeur Taffin-Binauld, pour
que celui-ci le garantisse de toutes condamnations en
principal, frais et intérêts, qui pourraient être prononcées
de ce chef charge de lui défendeur Brutsaert
Attendu que le défendeur Taffin-Binauld objecte avec
raison que la lettre de Brutsaert étant adressée tous les
membres du syndicat de la Brasserie du Nord de la Fran
ce, auxquels le journal La Brasserie du Nord sert
spécialement d'organe et cette le^re étant une réponse
un article paru dans le numéro dudil journal du 7 Novem
bre 1886, il n'avait lui Taffin-Binauld, en donnant la
dite lettre la publicité, par son insertion dans le journal
fait que répondre au désir clairement manifesté par Brut
saert Que d'ailleurs celui-ci avait été informé le 17
Décembre 1886, que la lettre aurait reçu la publicité dans
le journal et que loin de protester il y avait donné son ad
hésion par son silence
Attendu que dans ces conditions l'appel en garantie
revêt l'égard de Taffin-Binauld, comme celui-ci le sou
tient, un caractère téméraire et vexatoire; Que partant
il y a lieu de faire droit aux conclusions reconvenlionnel-
les du défendeur en garantie et d'allouer celui-ci titre
de dommages-intérêts une somme en rapport avec les
frais que lui ont occasionnés les nécessités de sa défense
Attendu que cette somme peut être équitableraent fixée
au chiffre de cent francs
Attendu que le défendeur Brutsaert est donc seul res
ponsable du préjudice occasionné aux demandeurs par
l'article incriminé, et qu'en tenant compte de cette double
circonstance que la lettre n'a paru qu'après la principale
époque des transactions sur les houblons de la récolte de
1886, et qu'on pourra détruire en grande partie les effets
préjudiciables de cette lettre par une publicité en sens
contraire avant l'époque des transactions sur la récolte de
1887, il faut admettre que l'insertion du présent juge
ment dans le journal La Brasserie du Nord et dans
deux autres journaux belges pourra constituer le principal
élément de réparation; Qu'en y ajoutant une indemnité
pécuniaire arbitrée ex œquo et bôno la somme de mille
cinq cents francs, cette réparation sera complète
Par ces motifs, Le Tribunal
De l'avis conforme de Monsieur Verdeyen, Procureur
du Roi,
Se déclare compétent et faisant droit entre toutes les
parties
Rejette l'offre de preuve faite par le défendeur Brutsaert
et le condamne payer titre de dommages-intérêts
1" Au défendeur en intervention Taffin-Binauld, la
somme de cent francs
2° Aux demandeurs la somme de quinze cents francs;
Autorise ces derniers faire insérer le présent juge
ment, motifs et dispositif, deux reprises différentes
dans le journal La Brasserie du Nord et dans deux
autres journaux belges au choix des demandeurs, les frais
des insertions étant recouvrables contre le défendeur
Brutsaert sur simples quittances
Condamne celui-ci aux frais et dépens envers toutes les
parties.