l\° 88. Jeudi,
48e ANNÉE
lr Novembre 1888
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
Chemin de fer.
Résumé politique.
6 FRANCS PAR AN.
PARAISSANT LE JEUDI ET LE DIMANCHE.
Nous avons parlé, l'autre jour, des symptômes
d'alliance prochaine entre l'Allemagne et l'An
gleterre pour une action commune, militaire et
maritime,en vue de la répression de la traite des
noirs sur la côte orientale d'Afrique.
En l'absence d'autres nouvelles politiques,
nous croyons intéressant de résumer ce que nous
trouvons aujourd'hui sur ce sujet dans les jour
naux de France, d'Allemagne et d'Angleterre.
Le développement pris depuis quelques an
nées par le commerce d'exportation allemand a
déterminé dans les principales villes de l'empire,
et particulièrement dans les grands ports mari
times, un mouvement de colonisation encouragé
par le gouvernement. On sait que l'Allemagne
fournit chaque année un énorme contingent
l'armée d'émigrants qui abandonnent l'Europe.
L'industrie et le commerce allemands béné
ficient dans une large mesure de l'établissement
d'un grand nombre de sujets de l'empire sur
tous les points du globe.
Des sociétés se sont formées, des capitaux
importants ont été réunis; de nombreux comp
toirs ont été fondés et beaucoup de jeunes gens
sont allés chercher fortune sur la côte orientale
d'Afrique, où venaient de s'installer plusieurs
établissements allemands. Le vieil empereur
Guillaume a donné lui-même l'exemple aux ca
pitalistes il a aidé de ses deniers ces entreprises
hardies, et M. de Bismarck les a favorisées de
toute son influence, tout en déclarant, diverses
reprises, qu'il ne verserait pas le sang d'un seul
soldat pioméranien pour défendre les intérêts y
engagés.
Mais les événements ont été plus forts que
les décisions ou les prévisions du chancelier.
Les colonies allemandes dans la région de
Zanzibar ont été attaquées et pillées par les in
digènes. Le Sultan s'est montré impuissant
les protéger, et les navires en station ont dû se
borner recueillir un grand nombre de fuyards
sans pouvoir mettre la raison les populations
soûle vées.
Le sang allemand a coulé, et l'opinion publi
que s'est prononcée Berlin et dans toutes les
grandes villes en relations avec cette colonie
naissante pour une prompte répression et pour
une action énergique.
L'Allemagne a fait depuis quelques années
des sacrifices considérables en faveur de la ma
rine, laquelle l'empereur actuel s'intéresse
beaucoup plus que ses prédécesseurs. C'est le
frère même de Guillaume II qui est le comman
dant en chef des escadres de l'empire.
Celles-ci présentent déjà une force imposante,
impatiente d'agir et de montrer ce qu'elle peut
faire. La marine allemande n'a pas d'histoire
ses officiers, encouragés par un empereur jeune
et entreprenant, n'attendaient qu'une occasion
de combattre. Un esprit nouveau s'est donc
manifesté, et il semble que M. de Bismarck lui-
même ne s'oppose plus une expédition Zan
zibar.
La Gazette de l'Allemagne du Nord a annoncé
comme imminent l'envoi de forces maritimes
considérables; elle ajoute que l'Angleterre serait
invitée concourir cette expédition.
L'Angleterre a, en eflet, d'importants établis
sements dans la région et elle est aussi in
téressée que l'Allemagne au châtiment des
peuplades soulevées. La nouvelle n'en a pas
moins causé quelque étonnement Londres. Le
Times lui-même, qui s'est distingué en toute oc
casion par ses sympathies allemandes, accueille
très froidement cette proposition d'action com
mune et il exprime l'avis que chaque puissance
devrait intervenir séparément, selon l'impor
tance des sacrifices qu'elle veut faire et des inté
rêts qu'elle a sauvegarder.
Le Times fait assez justement remarquer que,
tant que la compagnie allemande de l'Est afri
cain a prospéré, les Allemands n'ont guère dissi
mulé leur jalousie au sujet des succès de la
compagnie anglaise dans la même région, et
qu'ils commencent seulement apprécier le voi
sinage de celle-ci et quand leur propre entreprise
vient de recevoir un coup funeste.
Il y a là, on le voit, une série d'intérêts con
tradictoires en jeu, d'où pourront sortir des
complications qui s'imposeront plus tôt qu'on
ne pense aux préoccupations des politiciens du
vieux continent européen.
Ypres, le 31 Octobre 1888.
La journée du 29 a été mauvaise pour le
parti libéral.
M. Graux battu par M. Powis, clérical in
connu, c'est une honte pour la capitale.
La différence entre eux a beau n'être que de
200 voix, c'est trop; c'est trop pour M. Graux,
c'est trop pour Bruxelles, c'est trop pour le
parti. Et dire que tout cela est l'œuvre de
quelques hommes égarés soit par l'ambition,
soit par des doctrines nuageuses, soit par des
animosités personnelles, autant de facteurs qui
ont tous leur part dans cette triste et néfaste
journée.
Les journaux libéraux de Bruxelles, pour
ainsi dire sans exception, sont d'avis qu'il faut
rejeter, une bonne fois, du sein du libéralisme
ces lélons qui ne rougissent pas de pactiser
avec leurs frères ennemis, les cléricaux, et de
trahir une cause pour laquelle ils n'ont jamais
eu qu'un amour de Judas. On comprend ces
colères de nos confrères bruxellois, et pour
être tardives, elles n'en sont pas moins justi
fiées mais faut-il qu'elles soient éternelles
Rien de plus commun qu'un malade en po
litique. Tous s'y jettent, dans la politique, et
combien la digèrent? L'estomac ne s'y fait qu'à
la longue pour qui en use avec modération;
pour les autres, les gloutons, c'est un poison
mortel, lent il est vrai, mais infectieux, et ré-
fractaire tous les moyens de dépuration.
Cette dernière catégorie heureusement est re
lativement rare.
Jetons un regard en arrière et voyons la sé
rie de ces malades qui ont attiré et même
captivé pour un certain temps l'attention
publique. Beaucoup sont guéris, quelques-uns
sont demeurés incurables. Raspail fut un in
curable; Félix Pyat est un incurable; Gam-
betta s'est parfaitement rétabli. Parmi nous
que de guéris; inutile de les citer; Féron est un
incurable, condamné l'intoxication revisio-
démocratique. Paul Janson est entré en conva
lescence; tout fait croire que sa guérison se
poursuivra.
Il y a plus de joie au ciel pour un pécheur
qui se repent que pour dix justes qui y entrent
en dansant. Est-ce pour cela qu'on tresse tant de
couronnes ce repentant qui a nom P. Janson?
C'est d'un bon cœur que ce que font là les jour
naux de la capitalemais ils ne doivent
{)as oublier qu'un convalescent supporte impar-
àitement tant d'encens cela lui brûle les na
rines, gène sa respiration, gonfle le cœur et
c'est une autre maladie cela
Pour nous, nous approuvons tout repentir.
A tout péché miséricorde, c'est dire que tous
les convalescents de l'hôtel Continental nous
paraissent dignes de considération et s'ils se
Guérissent, d'amitié. Nous ne désespérons pas
'en voir grossir le nombre et le jour viendra,
est-ce une illusion que les incurables en
seront arrivés un état de decharnement tel
qu'ils ne seront plus que des spectres. Or, on
sait si les spectres sont des compagnons agréa
bles et si on les recherche l Ce jour-là sera un
jour de délivrance. Quand Travaillons de
notre mieux, sans colère, sans brusquerie et ce
jour est peut-être moins éloigné que d'aucuns
pensent.
Comme on devait s'y attendre, préférant se
couper le petit doigt plutôt que de convenir
de son erreur, l'organe clérical maintient tout
ce qu'il a avancé relativement au traitement de
la directrice de l'école Lamotte. Nous mainte-
nons donc, dit-il, tous nos chiffres d'autant
que la source (II) d'où ils nous viennent ne
nous permet pas nous-inéme le moindre
doute quant leur exactitude.
Nous ne prolongerons pas inutilement ce
débat qui, avec les procédés chers au Jour-
LE PROGRÈS
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