105. Dimanche,
48e ANNÉE.
50 Décembre 1888.
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
Chemin de fer.
Les privilégiés.
N' i embêtons pas les curés
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Ypres, le 29 Décembre 1888.
Dans la nature tout s'harmonise, tout obéit
des lois immuables, l'égalité est parfaite. 11
n'en est point de même chez l'homme pour les
actes de sa vie, rien de plus irrégulier pour
tout ce qui concerne son économie sociale.
Nous le savons la société est née avec des
inégalités. De tout temps il a existé des privi
légiés, mais en présence de tous les boulever
sements qui ont éclaté pour abolir les castes, il
nous devrait être donné la satisfaction de voir
enfin tout le monde égal devant la loi, devant
le gouvernement.
11 n'en est point ainsi. Il reste toujours des
vestiges de l'ancien régime et ceux-ci sont
d'autant plus choquants que les favorisés font
un réel abus de leur puissance.
De plus les privilégiés loin de donner l'exem
ple de l'obéissance aux lois, sont précisément
ceux-là qui se révoltent contre toutes les me
sures qui puissent avoir pour effet d'améliorer
la société civile, de crainte qu'on provoque
l'abolition des faveurs ou qu'on leur porte
atteinte.
Ainsi nous avons vu la révolte contre la loi
de 1879 sur l'enseignement primaire,ainsi nous
voyons une caste continuellement imposer ses
volontés au gouvernement Rien n'ose lui ré
sister. Les faveurs sont accordées de la manière
la plus naturelle, on dirait qu'auprès de nos
gouvernants l'habitude est devenue une secon
de nature.
Témoin la correspondance échangée entre le
ministre de la guerre, un bourgmestre et un
doyen au sujet de l'autorisation obtenir par
un milicien pour contracter mariage.
Cette correspondance, produite en plein par
lement par M. Anspach-Puissanl, prouve trop
où nous en sommes arrivés pour ne pas être
reproduite intégralement.
Voici les deux réponses données par M. le
Ministre de la guerre, quelques jours d'inter
valle
Au bourgmestre, c'est le directeur du per
sonnel qui fait connaître la rigidité des lois
militaires au doyen, c'est M. Pontus qui met
son costume de général aux pieds du représen
tant de l'église, pour accorder gracieusement
la faveur sollicitée.
C'est une nouvelle preuve que nous n'avons
plus de gouvernement civil, il n'existe que de
nom. Il est évident pour tout le monde que le
pouvoir public, l'administration, sont aux mains
des evéques, des doyens, des curés et des vi
caires.
Il ne manquait plus que la preuve en fût
produite en plein parlement. X.
Nous ajoutons que la faveur accordée au sol
dat en question est d'autant plus grande qu'il
appartient aux grenadiers qui restent plus
longtemps sous Tes armes que les miliciens
d'autres régiments. Les grenadiers n'entrent
en congé illimité qu'au bout de quatre ans.
Qui donc, demande la Gazettea défini un
jour le libéralisme l'art d'« embêter» les curés?
Le mot a fait fortune. Il est même devenu la
devise de tout un parti nouveau, le parti des
indépendants, qui, sous prétexte qu'il ne faut
pas embêter les curés, a tendu la main aux
cléricaux pour leur permettre d'embêter les
libéraux.
Et grâce cette heureuse alliance, les curés,
débarrassés de toute contrainte, se donnent
maintenant de la liberté soutane débouton
née, tant et si bien qu'il n'y en aura bientôt
plus que pour eux seuls.
Les curés ne sont plus embêtés, non, mais,
par contre, c'est nous, les libéraux, qui le som
mes, et qui le serons bien plus encore si quel
que réaction heureuse de l'opinion publique ne
vient notre secours.
Ces questions clérico-libérales, que vous agi
tez sans cesse, ne passionnent plus personne,
entendons-nous dire parfois.
Tant pis,s'il est vrai! Car alors, nous n'avons
plus qu'à nous croiser les bras et laisser faire
les curés.
Et, avant cinquante ans, la Belgique sera de
venue elle est en bon train le vaste cou
vent qu'elle fut autrefois, sous le gouvernement
paternel, mais vigilant, de notre Saint-Père le
Pape.
On le nie Voyons.
Deux questions, entre d'autres moins impor
tantes, divisent surtout libéraux et cléricaux
celle de l'enseignement et celle de la main
morte.
Que le parti libéral cesse d'« embêter les
curés sur la question de l'enseignement, c'est-
à-dire qu'il accède toutes les prétentions du
clergé en cette matière, l'Etat, destitué de son
droit d'enseigner, est tenu de fermer toutes ses
écoles, et celles-ci passent naturellement entre
les mains de l'Episcopat, qui monopolise ainsi
tout l'enseignement, part quelques rares éco
les soutenues par les libéraux des grandes
villes.
Que le parti libéral s'abstienne également
d'embêter les curés sur la question de la
main-morte, le droit de fonder des couvents
n'aura plus de limites.
Et comme ces couvents auront capacité lé
gale de recevoir des dons et des legs, la crainte
de l'enfer et du purgatoire aidant, la main
morte cléricale ne tardera pas redevenir ce
qu'elle était au siècle dernier une puissance
territoriale formidable, un incomparable in
strument de domination aux mains de l'Eglise.
Par le monopole de l'enseignement, le clergé
aura assuré son pouvoir absolu sur les esprits.
Par l'accumulation de ses richesses, il se sera
fait dans l'Etat une situation prépondérante ou,
pour mieux dire, il sera devenu l'Etat lui-même,
avec tous les droits attachés la souveraineté.
Ah 1 les curés ont diantrement raison de de
mander qu'on ne les embête pas 1
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Courtrai-Gand. 5-30 8-20 11-16 2-41 5-20.
Monsieur le bourgmestre,
On vous a prié de vous intéresser au milicien de 1885
B.... Désiré-Joseph, incorporé dans le régiment des gre-
j nadiers, qui désire obtenir la permission de contracter
I mariage.
J'ai l'honneur de vous mander, M. le bourgmestre,
qu'en adoptant les dispositions déposées dans la loi du 16
Août 1887, la législature a marqué la limite extrême
laquelle les miliciens peuvent être admis se marier. Elle
n'a point voulu accorder cette faculté des hommes qui,
n'étant pas encore en congé illimité, sont soumis un
rappel prochain.
L'intérêt du service ne me permet pas mon grand
regret de m'écarter en faveur du milicien B.... de la règle
qui m'est tracée par la loi précitée.
La mesure spéciale dont il serait l'objet ne manquerait
pas, en effet, d'être invoquée par d'autres militaires de sa
catégorie que l'équité me ferait dès lors un devoir de trai
ter avec la même sollicitude.
Agréez, Monsieur le bourgmestre, l'assurance de ma
considération distinguée.
Le ministre de la guerre,
Par ordre
Le lieutenant-colonel, sous-directeur du personnel,
(Signé) Rassier.
Monsieur le doyen,
J'ai l'honneur de porter votre connaissance que, eu
égard votre recommandation, je donne l'ordre de déli
vrer, par mesure tout fait exceptionnelle, la permission
de contracter mariage au milicien de 1885, Désiré-Joseph
B..., incorporé dans le régiment des grenadiers.
11 peut donc s'adresser son chef de corps, qui lui dé
livrera cette autorsiation, après qu'il aura payé sa dette
la masse, et produit l'engagement, souscrit par sa future,
de ne pas le suivre au corps en cas de rappel sous les ar
mes. Cette mesure ne le dispensera pas de rejoindre le
régiment lors du prochain rappel de sa classe.
Agréez, Monsieur le doyen, l'assurance de ma considé
ration la plus distinguée.
Le ministre de la guerre,
(Signé) Pontus.