i\° 33. Jeudi,
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
Chemin de fer.
Résumé politique.
30e ANNÉE.
24 Avril 1890.
6 FRANCS PAR AN.
PARAISSANT LE JEUDI ET LE DIMANCHE.
Heures de départ cê'Ypres pour
Popennghe, 6-50 9-09 10-00 12-07 3-00
YPRES-FURNES.
FURNES-YPRES.
La feuille hambourgeoise qui prêtait M. de
Bismarck l'intention d'ouvrir une campagne
contre la politique nouvelle dont M. de Caprivi
s'est fait le porte-parole, ne se trompait pas
complètement.
Nous disions que le prince de Bismarck, s'il
avait vraiment le désir de se poser en contradic
teur du nouveau chancelier de l'empire n'avait
pas besoin pour cela de se présenter comme can
didat la députation du Reichstag, puisqu'il
est membre vie de la Chambre des seigneurs.
Les Nouvelles de Hambourg relèvent l'obj ec-
tion et annoncent que M. de Bismarck commen
cera, en effet, par aller combattre la politique
nouvelle au sein de la Chambre des seigneurs,
ce qui ne l'empêchera pas ensuite, quand certains
délais seront expirés, de poser sa candidature
au parlement de l'empire.
Et la feuille hambourgeoise parle comme si
elle avait été spécialement choisie pour lancer,
au nom du vieux chancelier, sa déclaration de
guerre au nouvel ordre de choses.
Celui qui croit que le prince de Bismarck,
vieux et cassé, restera l'avenir spectateur
passif des événements, se trompe sûrement»,
ait-elle.
Celui dont il est question dans ces lignes,
c'est évidemment l'Empereur.
En agissant autrement, le prince de Bis
marck manquerait son devoir vis-à-vis du
peuple allemand, qui a le droit d'être informé
chaque instant de ce que pense le prince de
Bismarck sur les importantes questions politi
ques etsi la Chambre des seigneurs et le
Reichstag ne suffisent pas, la presse constitue
le complément naturel.
On sent, on devine, on touche du doigt l'in
spiration bismarckienne. Le vieux chancelier en
effet, ne peut pas croire, ne peut pas admettre
que cette grande nation allemande qu'il était
habitué diriger sa fantaisie et de pétrir pour
ainsi dire sa guise, comme une glaise docile,
agisse, se meuve ou pense sous une direction
différente de la sienne.
Dans sa solitude de Friedrichsruhe, le prince
de Bismarck entend toujours l'écho des accla
mations de la foule berlinoise l'exaltant son
départ de la capitale. Il croit qu'on attend avec
impatience son retour. Il ne se rend pas compte
de ceci c'est que, lorsque le populaire berlinois
l'acclamait son départ, tout le monde croyait
qu'il s'en allait de son plein gré, qu'il abdiquait
par lassitude ou par boutade, comme cela lui
était déjà arrivé fréquemment, au cours de sa
longue carrière presque dictatoriale. On se figu
rait qu'il partait, comme autrefois, avec l'arrière-
pensée de revenir bientôt, plus influent, plus
puissant qu'avant son départ.
Depuis, on a su que telle n'était pas la situa
tion du prince. Au lieu d'être démissionnaire, il
était disgracié. Le jeune empereur lui avait
enlevé non seulement son poste politique, mais
il avait voulu lui enlever jusqu'à son nom et
étouffer le rayonnement glorieux du nom de
Bismarck sous la dénomination de Lauenbourg,
qui devait dérouter même les politiciens con
temporains.
Un revirement a dû se faire, très certaine
ment, dans l'esprit des populations la suite
de ces révélations surprenantes. M. de Bismarck
n'est plus un auxiliaire qui boude par dévoue
ment, mais un serviteur congédié qui se révolte
et veut prendre sa revanche.
Et l'accueil que ferait la population de Berlin
M. de Bismarck, s'il revenait demain pour
combattre la politique impériale sous prétexte
de contredire M. de Caprivi, serait sans doute
de nature étonner profondément l'orgueilleux
homme de fer.
La faveur populaire est capricieuse et se dé
place facilement. Il en doit être ainsi surtout
lorsque cette faveur est basée plutôt sur la
crainte que sur l'affection. Et M. de Bismarck ne
peut ignorer qu'il en était ainsi pour ce qui le
concernait.
Il est impatient de rentrer en scène peut-
être, dans son intérêt, ferait-il mieux d'attendre
et de se recueillir.
Ypres, le 23 Avril 1890.
La vérité gène nos adversaires. Ils ne lais
sent échapper aucune occasion pour placer
l eteignoir sur la lumière. Tous les jours nous
en fournissent des preuves. Ainsi encore lors
que M. Janson prit la parole, après M. Bara,
dans la discussion du budget de la Justice, M.
De Landsheere, Président de la Chambre des
Représentants eut immédiatement soin de lui
rappeler, que l'on discutait le budget de la Jus
tice et non celui de l'Instruction publique.
Immédiatement on lui fit comprendre que la
discussion du budget de l'Intérieur et de l'In
struction publique avait été escamotée par
surprise. Cette répliqué vive désarçonna le
Président, qui dut se rallier l'opinion de la
gauche, portant que l'on peut discuter la poli
tique du Gouvernement la présentation de
tout budget.
Dans celte discussion, dont nous n'avons en
core que les prémices, mais qui fera époque,
M. Bara a ouvert le combat en constatant, que
les cléricaux au pouvoir ont été obligés d'ap
pliquer les lois d après les principes de leurs
adversaires et qu'il en eut été de même de la
loi sur l'enseignement primaire, si les libéraux,
cause de leurs divisions intestines, n'avaient
été obligés d'abandonner le pouvoir. En quel
ques paroles, frappées au coin de la réalité
des choses, il a collé au pilori de l'opinion pu
blique le Gouvernement de nos évéques, avec
celte apostrophe, qui prouve la conviction de
l'honnête citoyen indigné: Si, au lieu 'd'avoir
la tête du Département de la Justice un an-
cien professeur de l'Université de Bruxelles,
nous avions un moine défroqué, la situation
serait la même
Ces paroles sévères, mais justes, troublèrent
profondément M. Lejeune.
M. Janson, son tour, avec son grand talent
oratoire est venu confirmer la parole du
Représentant de Tournai et s'est attaché faire
éclater au grand jour les turpitudes de nos ad
versaires en matière d'enseignement.
Après lui a succédé M. Frère-Orban. Malgré
son grand âge, ce grand patriote a occupé deux
séances pour anéantir complètement nos hom
mes d'Etat, qui, après avoir fait abandon de
leur opinion politique, n'occupent le pouvoir,
que par la grâce d'un clergé, qui abuse scan
daleusement de l'influence que lui procure son
mandat sacré. Il a parfaitement mesuré tous
ces hommes leur aune, qui vivent par la cor
ruption.
M. Beernaert, le danseur, M. Lejeune, le
violoniste, le premier ancien administrateur de
la libérale Etoile Belge, le second ancien profes
seur de l'Université maçonique de Bruxelles,
ainsi impriment les journaux cléricaux,
excellent en l'art de distribuer des rubans, des
places, des titres de noblesse, de tous honneurs
et faveurs la collation du Gouvernement, aux
fins de perpétuer leur domination irrégulière.
Cette situation- a été parfaitement dépeinte
par M. Frère-Orban en parlant de l exposition
universelle de Paris où le Ministère n'a pas osé
jrendre une position officielle, tout en s'attri—
juant les honneurs dés rubans; quoiqu'à Ber-
in où les grandes puissances ne se font pas re
présenter par diplomates, la Belgique déroge
la règle générale.
En parlant du Congrès de Chatelet, l'émi-
nent représentant de Liège lance la tète de
nos ministres cette vérité, qu'ils ont reçu de
misérables mouchards entre 11 h. et minuit.
A la séance suivante la seconde partie du
discours du vénérable ministre d'Etal a été un
véritable écrasement pour le cabinet clérical,
qui pratique une politique sans dignité et qui
se place la remorque du premier vicaire du
plus petit de nos villages.
M. Frère-Orban qualifie de fantasmagorie tout
ce qu'a produit ce grand ministre Beernaert,
qui, au son de la grosse caisse, osa, son entrée
au pouvoir, invoquer le nom historique de M.
Dolez, en prétendant qu'il étonnerait le monde
par sa modération et ses actes en faveur de la
Patrie et des déshérités de la fortune où sont
aujourd'hui ces neiges d'anlan
Nous ne pouvons présentement assez nous
étendre sur les magnifiques harangues de nos
chefs politiques, nous y reviendrons.
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