N° 44. Dimanche,
50e ANNÉE.
V Juin 1890.
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
Chemin de fer.
Nécrologie.
6 FRANCS PAR AN.
PARAISSANT LE JEUDI ET LE DIMANCHE.
Heures de départ d'Ypres pour
YPRES-FURNES.
FURNES-YPRES.
Ypres, le 31 Mai 1890.
Machiavel a dit Mentezne cessez de mentir
il en restera toujours quelque chose.
Tel est le principe en grand honneur auprès
des cléricaux. Soit pour se cramponner au pou
voir, soit pour prouver que la politique du ca
binet est pacificatrice, modérée et réformatrice.
Autant vouloir prouver que les merles sont
devenus des grives.
C'est cependant ce que les cléricaux et no
tamment le Journal de Bruxelles tâchent de
faire accroire aux électeurs.
On accuse notre opinion, lorsqu'elle était au
pouvoir, d'avoir introduit 1° le Culturkampf
scolairequi jeta la discorde dans la nation 2°
une politique financière se traduisant par le dé
ficit et des demandes d'impôts 3° une politique
radicale et 4° une politique de parti étroite,
tracassière et haineuse. Tandis qu'eux, cléri
caux, ont fait droit des justes griefs et ont
introduit une politique de réparation.
Pour le prouver on cite l'établissement de
l'équilibre budgétaire succédant des déficits
libéraux, ainsi que la situation scolaire provo
quée par la loi de 1884. D'après l'organe minis
tériel il en résulterait que la situation scolaire
de 1884, comparée celle de 1887, donnerait
pour cette dernière année 87,691 élèves en plus
dans les écoles communales o/ficielles et qu'à ce
chiffre il faut encore ajouter 170,361 élèves en
plus dans les écoles adoptées, inspectées par
l'Etat.
D'autres titres de gloire sont attribués la
louange du cabinet Beernaert tandis que notre
opinion est représentée comme n'ayant aucun
programme.
Dans les conversations particulières la même
comédie se joue.
Cet esprit jésuitique, ces écrits et ces paroles,
qui n'ont en vue que de faire accroire aux niais
tout le contraire de ce qui existe réellement,
sont tout bonnement la mise en pratique du
principe de l'écrivain italien.
En effet, c'est un mensonge que de dire que
nous avons introduit le Culturkampf scolaire,
alors que la loi de 1879 n'a fait autre chose que
proclamer le principe de la neutralité en
donnant l'église la permission d'enseigner la
religion dans les écoles avant et après les heu
res de classe, principe également admis par la
loi de 1884 et que les catholiques français, tant
au Sénat qu'à la Chambre, ont réclamé dans
tous leurs discours. Nous pouvons le dire, le
mal n'était pas là. La guerre scolaire n'est autre
chose que la mise en pratique de l'esprit de
l'église, qui a la prétention d'avoir seule droit
enseigner le peuple. Toutes les scènes scan
daleuses, toutes les persécutions sauvages, dont
les prêtres se sont rendus coupables pour dé
peupler et proscrire les écoles publiques, les
excommunications, non-seulement du person
nel enseignant, mais de tous les adhérents,
sont encore trop présents l'esprit de tous
pour ne pas confirmer entièrenfent notre ma
nière de voir.
Nous le savons,aujourd hui le prêtre est con
tent parce qu'il est seul maître de l'enseigne
ment public et qu'il a pu obtenir une loi, qui
lui permet tout, y compris le gaspillage des
finances communales.
Après avoir dépeuplé, par les moyens les
plus malhonnêtes nos écoles officielles, il
a le cynisme d'en faire parade au moyen
d'une fausse statistique, laquelle pour être
réelle devrait être prise pour les années
1878 et 1887. Nous avons donc pour devoir de
faire constater la vérité et de dire bien haut,
que les moyens employés par nos adversaires
sont la comédie et le mensonge.
11 en est de môme de la situation financière
des cléricaux. Si présentement celle-ci est
bonne, elle n'est autre, que le résultat de la pré
voyance des libéraux, qui ont fait voter les im
pôts, dont la firme Beernaert et Cle proclamait
l'inutilité, mais que les catholiquesont intégra
lement maintenus depuis leur arrivée au pou
voir.
Tout au contraire la politique des libéraux
a été constamment correcte, nationale et pa
triotique. Dès aujourd'hui nous ne formons
plus qu'une seule école dans l'intérêt du progrès
et de la patrie. C'est dire le contraire de la
vérité que de nous diviser en socialistes, ra
dicaux ou doctrinaires. Ce que nous avons fait
jadis au pouvoir doit revoir encore le jour par
la pratique d'une politique large qui écartera
les questions trop peu mûres pour être mises
en pratique et donnera accès aux fonctions
publiques aux plus capables. 11 s'agira surtout
de rappeler le prêtre la dignité et la léga-
Celte mesure atteindra ceux qui n'ont d'exis
tence ou qui ne peuvent obtenir de mandat
politique que par la seule intervention et vo
lonté du prêtre.
Cette intervention inopportune et illégale ne
pouvant se justifier et se couvrir que par le
mensonge, il est plus que temps qu'elle dispa
raisse.
Vendredi dernier ont eu lieu en cette ville,
les funérailles de M. Stanislas Lefèvre, profes
seur l'Athénée royal de Charleroi et ancien
professeur au Collège communal d'Ypres, au
milieu d'un grand concours de monde. Les
nombreux amis du regretté défunt, en accom
pagnant le corps jusqu'à sa dernière demeure,
ont démontré de quelle universelle estime M.
Stanislas Lefèvre était entouré.
Les coins du poêle étaient tenus par MM.
Justice, régent et Deschacht, directeur 1 Ecole
moyenne de cette ville, N. Van Heugen, direc
teur honoraire du même établissement et
Charlier, préfet des études l'Athénée royal de
Charleroi. Il y avait cinq couronnes offertes,
les unes par la famille, les autres par le corps
professoral et les élèves de l'Athénée royal de
Charleroi et du Collège communal et de l'Ecole
moyenne d'Ypres.
Sur la tombe deux discours furent pronon
cés.
M. le préfet Charlier prit le premier la pa
role et s'exprima comme suit
Messieurs,
Je prends la parole en cette triste cérémonie
comme préfet des études de l'Athénée Royal de
Charleroi. Au nom des professeurs et des élèves
de cet établissement je viens exprimer les senti
ments de profonde tristesse que leur fait éprou
ver la perte d'un excellent collègue, d'un pro
fesseur distingué qui, après quelques mois
seulement passés au milieu d'eux, avait su ga
gner leur estime et leur affection.
Quelques mots suffiront pour retracer sa
carrière, trop courte, hélas, uniquement consa
crée l'étude et l'enseignement.
Né le 16 Juin 1848, LEFÈVRE fit, au Col
lège de S1 Trond, de fortes études d'humanités
il prit ensuite, l'Université de Liège, le grade
de candidat en philosophie et lettres et fut, le
23 Septembre 1871, nommé professeur au Col
lège communal d'Ypres, où il enseigna le latin,
le français et le flamand. Il fut désigné par le
gouvernement, au mois d'Octobre dernier, pour
occuper l'Athénée royal de Charleroi la chaire
de 7e latine qu'il devait malheureusement con
server si peu de temps.
C'est donc au Collège, puis l'Athénée
d'Ypres, que s'est écoulée presqu'entière sa vie
professorale. La présence aes autorités ses fu
nérailles, l'affiuence des personnes ici réunies,
dans un commun sentiment de douloureuse sym
pathie, sont une preuve éclatante de l'estime et
de la considération que LEFÈVRE s'était acqui
ses par ses qualités comme homme privé et par
ses mérites comme professeur.
Son passage l'Athénée de Charleroi a été
bien court, il a suffi cependant le faire connaî
tre, apprécier et aimer de tous ceux qui ont été
en rapport avec lui soit comme chef, comme
collègue ou comme élève.
Son enseignement était simple, clair, métho
dique, toujours la portée de ses jeunes élèves
son débit était calme et correct, son attitude
digne et réservée il inspirait aux enfants la
fois le respect et la confiance il savait leur im
poser sa volonté surtout par son influence morale
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