N° 49. Jeudi,
50e ANNÉE.
19 Juin 1890
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
Chemin de fer.
Résumé politique.
Le ballottage de Thuin.
6 FRANCS PAR AN.
PARAISSANT LE JEUDI ET LE DIMANCHE.
YPRES-FURNES.
FURNES-YPRES.
La petite guerre de coups d'épingles contre la
France recommence dans la presse italienne
c'est là un phénomène qui mérite d'être remar
qué après les démonstrations amicales de ces
derniers temps. La querelle est reprise propos
des compétitions d'influence dans la Méditer
ranée. Les journaux italiens reprochent au gou
vernement de M. Crispi de laisser prendre la
France un rôle prépondérant dans les affaires du
Maroc.
Comme ces reproches partent des journaux
officieux de Rome, il est facile de deviner qui
les inspire et dans quelle intention on les livre
la publicité.
A remarquer en même temps que d'autres
journaux, appartenant ceux-ci ce qu'on appelle
la nuance indépendante, mais obéissant évi
demment un même mot d'ordre, se plaignent
de ce que la colonie italienne soit mal traitée
Tunis.
C'est croire que l'Italie, après avoir fait un
mouvement vers la réconciliation avec la France,
veut reprendre ses positions d'hostilité agres
sive.
A rapprocher ces symptômes des différentes
particularités que nous avons notées récemment
dans des discours prononcés par le nouveau
chancelier de l'empire et par l'Empereur lui--
même. Nous ne voudrions rien exagérer en
faisant ce rapprochement, qui s'impose tout
naturellement mais sur ce terrain des relations
internationales entre la France et les alliées de
l'Allemagne, il est bon de prendre des points
de repère pour se guider dans l'appréciation des
faits qui peuvent se produire.
L'empereur d'Allemagne a failli être victime
d'un nouvel accident.
Comme il voulait sauter un fossé, la tête des
uhlans de la garde, son cheval a glissé, et il a
lallu Guillaume II un très grand effort pour
rester en selle.
Quelques instants après l'incident,l'Empereur
quittait le terrain des manœuvres de Bornstsede;
il n'a pas assisté la revue qui devait avoir lieu
après les exercices.
Une dépêche de Vienne apporte la nouvelle
que de nombreuses arrestations ont eu lieu ré
cemment Saint-Pétersbourg et dans diverses
autres villes de l'empire. Ces arrestations au
raient été faites d'après des renseignements
venus de Paris propos de la découverte dans
cette ville d'une fabrique de bombes explosives.
La nouvelle paraît douteuse, la police fran
çaise ayant déclaré et fait déclarer qu'elle ne
poursuivait Paris que le délit de dépôt de
matières explosives, sans rattacher ce délit
aucune conspiration nihiliste au socialiste
l'étranger.
Le télégraphe de Vienne'affirme cependant
qu'on aurait découvert en Russie un formidable
complot étendant ses ramifications jusqu'au
palais impérial, et on aurait arrêté Vendredi
plusieurs fonctionnaires de la résidence impé
riale de Gatchina. Parmi les nihilistes actuelle
ment détenus se trouverait un individu récem
ment expulsé de la Suisse.
Par mesure de précautions, la cour impériale
aurait subitement quitté la résidence de Gat
china.
Nous reproduisons cette information, natu
rellement, sous toutes réserves.
Le deuxième tour de scrutin a été favorable
aux candidats libéraux dans l'arrondissement
dç Thuin. Le Hainaut n'a donc plus un seul
député clérical. C'est d'ailleurs la seule province
qui soit dans ce cas.
Les deux partis avaient fait un effort gigan
tesque depuis le 10 Juin, et ils ont réussi faire
voter cent électeurs de plus au second tour.
De 2,320. le nombre des votants a atteint
2,420.
M. Warocqué a été élu par 1,269 et M. Gigot
par 1,195 suffrages.
Les cléricaux ont obtenu: M. Derbaix, 1,186,
et M. deCaraman, 1,131 voix.
Au premier tour de scrutin, M. Warocqué
avait obtenu 1,160 M. Gigot, 1,115 M. Der
baix, 1,155, et M. de Caraman, 1,119 voix.
C'est un succès inespéré, car après la campa
gne d'atroces calomnies dirigée contre M.
Gigot tout la fin de la période électorale,
alors qu'il n'y avait plus moyen d'écbapper au
guet-apens préparé de longue date contre lui,
on craignait qu'il ne restât sur le carreau élec
toral. Heureusement, les électeurs ont pu,
après un bout d'enquête menée la hâte, juger
en connaissance de cause et faire bonne justice
des calomniateurs. La majorité libérale moyen
ne, qui était de trente-neuf voix le 10 Juin, est
montée soixante-quatorze le 17 Juin.
Soixante-quatorze voix Thuin, cela n'est
pas assez. Celte majorité relativement minime
démontre que les cléricaux gagnent du terrain
dans cet arrondissement libéral qui, depuis
plus de trente ans, reste fidèle nos idées.
En 1882, nos adversaires nosaient pas enga
ger la lutte après les rudes secousses que feu
M. Warocqué, le père du député réélu hier,
infligeait régulièrement au prince Chocolat.
Cette année, malgré l'absence complète de
candidats cléricaux, près de onze cents élec
teurs libéraux se rendaient Thuin pour dé
poser un vote de sympathie en faveur des
députés libéraux.
En 1884, en pleine débâcle libérale, M. de
flaussy, sénateur libéral, n'était pas combattu
davantage, et recueillait 935 voix en l'absence
de concurrent catholique.
En 1886, nos adversaires se décidèrent
affronter encore les hasards du scrutin, après
s'être assuré l'appui de quelques libéraux
transfuges. Ils opposèrent une liste complète
aux mêmes candidats libéraux qui viennent
dètre réélus.
Ils en furent pour leurs frais. La liste libérale
obtint une moyenne de 1,259 suffrages, et la
liste cléricale 1,003 voix seulement.
Malheureusement, depuis quatre ans, nos
adversaires ont mené une campagne souter
raine, qui vient d'aboutir une diminution de
plus de deux cents voix de la majorité libérale.
Cent dix électeurs qui, il y a quatre ans,
votaient pour nous, votent contre nous aujour
d'hui.
Si pendant les quatre ans qui vont s'écouler,
les catholiques réussissent obtenir la moitié
de l'avantage qu'ils peuvent enregistrer aujour
d'hui, l'arrondissement de Thuin est perdu
pour le libéralisme, peut-être pour de longues
années.
Voilà la situation brutale.
Nos adversaires exploitent contre nous, dans
les ténèbres, un tas de griefs imaginaires. Le
protectionnisme est leur grand cheval de ba
taille. La calomnie, savamment distillée, et
trop peu combattue, leur rend aussi beaucoup
de services.
Ne pas oublier que Thuin doit renommer
dans deux ans son sénateur, et que, en vertu
du recensement de 1890, cet arrondissement
aura vraisemblablement nommer en 1892 un
sénateur et un député nouveaux.
Puisqu'on connaît le mal et que le remède
est facile appliquer, nous aimons croire que
le libéralisme thudinien, légèrement indisposé
aujourd'hui, reprendra bientôt sa bonne santé
et qu'il sera assez fort, lors des prochaines
luttes, pour administrer au cléricalisme de
nouvelles éditions de ces raclées formidables
que M. Warocqué père infligeait naguère au
malheureux prince Chocolat.
Voici les chiffres officiels du ballottage
Thuin.
Les deux élus M. Warocqué et M. Gigot ont
1,269 et 1,195 voix.
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Ypres, le 18 Juin 1890.