VICTOIRE.
VIVE LE LIBÉRALISME!
VIVENT NOS ÉCOLES!
A l'Association Libérale.
les droits de l'autorité civile et
frapper d'impuissance les enne
mis de tout ce qui a été fait de
grand et de beau parmi nous
depuis cinquante ans
La journée de Dimanche marquera dans l'his
toire de la ville d'Ypres. Dès le matin on lisait
sur les visages l'issue certaine de la lutte. Les li
béraux étaient sereins, les catholiques sombres.
Dès deux heures de l'après-midi, un commence
ment de victoire se dessinait, les vantards de la
clique cléricale baissaient la tête, les uns filant
doucement gauche, les autres droite, tous
mornes et silencieux. Entretemps la Grand'-
Place se remplissait insensiblement le local de
l'Association regorgeait. 20 voix de majorité
en haut, 30 voix en bas, on n'entendait plus que
cela et la joie était débordante, et le peuple, et
le bourgeois, et tous d'accourir autour des bu
reaux, autour de Y Aigle, en quête de nouvelles.
30 voix en bas28 voix en hautfut bientôt le
nouveau cri et l'enthousiasme s'accrut de minute
en minute. Enfin la victoire est complète, le ré
sultat connu, le carillon confirme le triomphe,
l'air de Reuske retentit du haut de la tour et
descend dans les masses et maintenant cela ne
se décrit plus. Il faut avoir assisté ce spectacle;
on ne se félicite pas, on s'empoigne et il n'y a
plus qu'un cri Vive les libéraux et l'élu, quel
qu'il fût, n'avait qu'à se garer, s'il tenait ne
pas rentrer le bras pendant ou arraché. Quelle
joie, quelle jubilation tudieu, tudieu
Et les cléricaux, tous disparus et Seys, ivaar
is Seys on le demande tous les échos d'alen
tour.
Animation partout tous les cafés pleins com
me des caques aux harengs; les rues, des fourmi
lières. Un soulagement général.
Le soir, une promenade aux flambeaux, musi
que en tête. Ovation aux élus. Des feux de ben-
gale! Partout du monde, partout foule, partout
entrain d'enfer.
Le lendemain même répétition, même fête,
même enthousiasme, mêmes vivats et toujours
les échos d'alentour de répéter Waar is Seys?
Il est question de célébrer la victoire du 19.
On parle de Reuske, on parle d'une prome
nade aux flambeaux; on parle aussi d'un bal po
pulaire. Il parait qu'il est question aussi d un
immense banquet aux Halles; mais il paraît
aussi que rien n'est décidé, qu'on n'a encore
rien arrêté de précis.
On est d'accord qu'il faut célébrer la victoire
du 19, mais quid et quomodo car il faut tenir
compte de la saison et de l'incertitude du temps.
La réunion avait été annoncée, Dimanche soir,
pour 6 heures. Le magnifique triomphe des libé
raux avait déjà été proclamé. Il régnait dans la
salle de Y Aigle un enthousiasme indescriptible.
La salle était tellement bondée de monde que
l'estrade avait été complètement envahie. Pas
moyen de former le bureau.
Au milieu d'un tonnerre d'applaudissements
et de vive le Président, M. Cornette, Président
de l'Association libérale, a pris le premier la
parole.
M. Cornette. Messieurs, mon premier mot
doit être un mot de remercîment aux étrangers
qui sont venus,de tous côtés, nous apporter 1 ap
pui de leur vote, ces étrangers pleins de cœur,
pleins de vaillance et d'abnégation; ces enfants
d'Ypres que la distance n'effraie pas quand il
u'j/rit de venir défendre le drapeau du libéralis
me"contre les assauts de nos adversaires. 11 nous
en est arrivé de tous les points du pays, depuis
Ostende jusqa'Arlon il en est venu de tous les
points ae la frontière française il en est
venu de Paris, d'Amsterdam, de la Suisse.
Il faut que la force attractive du libéralisme
Yprois soit bien grande il faut que l'ardeur
de sauver notre beffroi soit d'une puissance
irrésistible, pour que, un jour donné, au
premier appel, tous ces dévouements se trou
vent réunis au poste de l'honneur, combattant
pour l'indépendance civile, pour le progrès et la
tolérance politique et sociale. Avec des éléments
pareils, la victoire acquiert un prix nouveau et
raffermit, si besoin était, la confiance que nous
avons dans l'avenir. Honneur ces étrangers
Au nom du Comité, au nom des élus, au nom
du libéralisme, au nom de la ville d'Ypres, je
les remercie, du fond de mon cœur, do leur dé
vouement désintéressé. Notre reconnaissance
saura être la hauteur de leur dévouement, et
nous n'oublierons pas que s'il est doux d'avoir
des amis autour de soi, il est doublement rassu
rant de voir que l'amitié ne s'efface pas par la
distance. Je remercio donc, Messieurs les étran
gers, et que cette poignée de main (MCornette
serre la main M. Principe) que je donne au
vaillant soldat, qui est mes côtés et qui ne man
que jamais de venir combattre dans nos rangs,
soit le gage certain de la sincérité de notre gra
titude. Encore une fois, merci.
Une ovation formidable accueille les paroles
de l'honorable Président.
Après ce petit discours, chaque instant in
terrompu par des tonnerres d'applaudissements,
M. Principe, (fils de M. le colonel Principe, an
cien commandant de place Y près), demande la
parole
Habitant la France, il est et restera toujours
Yprois de cœur. Toujours les libéraux pourront
compter sur lui et sur ses amis pour domp
ter cet implacable ennemi qui s'appelle le
cléricalisme. Il est touché des aimables paroles
du Président et ne saurait assez remercier l'as
semblée de la cordialité qu'on a mise le rece
voir, lui et ceux qui, comme lui, n'ont pas
craint de se déplacer pour accorder leur suffrage
la liste libérale. (Salve d'applaudissements.)
Messieurs, pour ma part, je n'en ai jamais
douté. Il n'était pas possible qu'au milieu d'une
population essentiellement libérale, l'intrigue
cléricale fit une trouée, malgré toutes ses roue
ries, assez grande pour pénétrer dans la place et
l'envahir. Non, son règne ici n'est pas possible
et M. Colaert nous a merveilleusement servis
l'Hôtel-de-Ville.
Cet accident, la réussite au ballottage du can
didat catholique en 1887, est peut-être notre
salut. On a vu de près ce que c'est que tout ce
tapage qu'on avait fait avant les élections de
1887. M. Colaert allait tout mettre nu; il allait
découvrir toutes les irrégularités financières et
autres dans l'administration, et le secret qui
avait, pendant 47 ans, assuré l'impunité tant
de turpitudes, allait être levé. Le contrôleur
était là et avec lui la délivrance.
Le contrôleur est venu, il a tout farfouillé il
a mis son nez partout et puis..,, quoi
Le public l'a suivi l'œuvre et il a entendu
des phrases, il a assisté des parades parlemen
taires, faisant perdre du temps. Des faits rien.
Le public a été désillusionné, trompé il a réagi
avec indignation, et dans un immense effort, par
un effort comme on n'en a jamais vu,lia fait jus
tice de toute cette fantasmagorie. Il a balayé
d'un coup de tampon tous ces faux canons
Krupp et replacé tout jamais le libéralisme
sur des bases inébranlables.
Dès aujourd'hui le congé définitif de M. Co
laert est rédigé; le corps électoral n'a plus qu'à
le signer, ce sera pour 1893.
Ce qui nous reste faire, c'est de redoubler de
zèle et d'attention, si possible, pour conserver
votre confiance. Avec la confiance viendra le
nombre. Demain, tous libéraux les hésitants
prendront rang parmi nous et il n'y aura plus,
chez nos adversaires, que les incorrigibles qui
mourront dans l'impénitence finale.
Maintenant, Messieurs, après tant de latigue
et un si rude labeur, nous pouvons jouir en paix
du fruit de nos travaux. Après la bataille d'Hy-
daspe, Alexandre accorda ses troupes trente
jours de repos, prenez en autant, vous l'avez
dignement mérité.
(Applaudissements frénétiques)
Invité de toutes parts prendre la parole, M.
l'échevin Bossaert s'exécute tout ému, et impro
vise un chaleureux discours, chaque instant
interrompu par les applaudissements de la foule.
Il remercie d'abord tous les électeurs d'avoir
bien voulu honorer de leur suffrage la liste por
tant son nom et celui de ses compagnons de
lutte.
Il remercie spécialement les électeurs qui sont
venus de loin, de l'étranger même, pour y don
ner leur appui, et, plus spécialement encore,
cette foule de petits électeurs qui ont su, fermes
et honnêtes, résister aux promesses, aux mena-
'ces et aux offres, plus perfides encore, d'argent,
l'aide desquelles on a cherché extorquer leur
vote
La journée, ajoute-t-il, est une grande jour
née, et le triomphe un grand triomphe.
En assurant la victoire au drapeau libéral, le
corps électoral a sauvé tout ce qui était menacé,
tout ce qui était en péril, tout ce que les adver
saires eussent supprimé, démoli, détruit, s'ils
l'avaient emporté; et, plus particulièrement,
toutes nos écoles, depuis le collège et l'école
moyenne, jusqu'aux petits jardins d'enfants.
Il y a plus encore, ajoute l'orateur.
Étant donné certain projet, certain arrange
ment bien connu, et qu'on n'aurait pas manqué
d'exécuter en cas de succès, vous avez sauvé la
dignité et l'honneur mêmes de notre chère cité.
Répondant ensuite au principal grief articulé
par les cléricaux, au sujet des prétendues ten
dances antireligieuses des candidats élus, M.
l'échevin a dit qu'il devait protester énergique-
ment contre ces reproches, inventés dans un but
purement électoral.
Nous ne sommes pas, a-t-il dit, des démolis
seurs d'églises et des haïsseurs de prêtres, comme
on dit vulgairement. La religion et la politique
sont et doivent demeurer des choses distinctes.
Sans les confondre jamais, nous respecterons
toujours ce qui est respectable le culte et ses
ministres dans leur mission légitime et sociale,
dans leur rôle utile et nécessaire, en dehors, bien
entendu, des choses de la politique et de l'admi
nistration civile.
Nous l'avons dit hier, avant le scrutin. Nous
le disons aujourd'hui, après le triomphe.
Et en politique et en administration mêmes,
nous ne serons jamais des aventureux se hasar
dant dans les ténèbres et fesant des sauts dans
l'inconnu. Nous continuerons appartenir au
grand parti libéral historique au libéralisme de
1830 et de 1846 qui nous semble le bon; libéra
lisme modéré, sagement progressif, qui marque
chaque principe sa limite d'application prati
que dans le présent et laisse chaque progrès vé
ritable son heure d'avènement dans 1 avenir
libéralisme assez tolérant, assez large pour abri
ter toutes les consciences et rallier tous les
hommes aimant sincèrement la liberté.
Et c'est parce que nous appartenons une
opinion tolérante, qu'on ne doit craindre de
nous, ni mesures de représailles, ni actes de ven
geance.
Dans nos relations administratives, nous sau
rons nous souvenir que tous nos concitoyens,
quello que soit leur opinion et leur drapeau, ont
M. Principe, au nom des électeurs étrangers,
félicite les Yprois du splendide résultat obtenu.
M. Cornette reprend la parole
Messieurs, dit-il, après ce premier hommage
de reconnaissance rendu aux amis qui se sont
dérangés pour venir nous prêter leur généreux
concours, je me fais un devoir, autant qu'un
plaisir, de remercier les intrépides et intelligents
libéraux d'Ypres. La bataille a été rude, l'assaut
a été effrayant; jamais depuis que les partis
sont descendus dans la lice, des efforts aussi con
sidérables, des moyens aussi violents n'ont été
mis en œuvre. Nos adversaires n'ont reculé de
vant rien et l'honnêteté a été le cadet de leur
souci. Mais la ruse, vous avez opposé la force;
leur insolente audace vous avez opposé le cal
me de la confiance leur victoire chimérique,
cette victoire escomptée d'avance et chantée
sur tous les toits, selon leur éternelle habitude,
vous avez opposé finalement la victoire réelle,
la victoire qui ne nous échappera plus. Mais
quelle ardeur dans le travail, quel entrain, quel
dévouement La jeunesse a été admirable Vous
avez bien mérité du libéralisme. Le pays a les
yeux sur vous, il vous admire, c'est le commen
cement de votre récompense.