i\° 98. Dimanche,
50e ANNÉE
7 Décembre 1890
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
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YPRES-FURNES.
FURNES-YPRES.
On ne peut méconnaître que la revision de
la Constitution a fait un pas immense. La réa
lisation de celte idee démocratique, que passé
peu de temps la presse en général considérait
comme inopportune, sinon comme une utopie,
est entrée pleines voiles dans le domaine des
choses possibles.
Quoique ce soit une illusion, que de compter
sur l'indépendance des caractères de la majo
rité par ementaire, aux ordres de M. Woeste,
l'homme hostile tout progrès, nous consta
tons avec plaisir que maints journaux de toutes
nuances discutent divers systèmes en vue de
les mettre en lieu et place de l'article 47.
Mais sur ce point les opinions sont loin d'être
fixées et probablement invoquera-t-on celte
particularité pour renvoyer d'ici longtemps
le projet de modifier la Constitution.
Nécessairement si la revision devient l'un ou
l'autre jour une réalité, il n'y a pas le moindre
doute, ou elle nous fera faire un saut dans
l'inconnu et nul ne peut prédire quel sera le
parti politique qui en profitera. Tout dépendra
des circonstances.
Nous, qui habitons en plein pays flamand,
dans cette contrée où le cléricalisme respire
pleins poumons et y trône quasi en maître
souverain, nous savons parfaitement bien com
ment se font les élections et comment se pas
sent tous les événements de la famille.
Nous convenons que c'est une banalité, que
de devoir répéter continuellement la même
chose, mais personne ne peut nous démentir,
lorsque nous déclarons que le mouvement po
litique et social est ici exclusivement dirigé par
le prêtre catholique romain et que l'influence
du cléricalisme et que le pouvoir de nos pan
tins durera aussi longtemps que les procédés
de nos prêtres ne deviennent ou odieux ou
ridicules aux yeux de la majorité du public.
Dès lors notre avis est, que la revision ne
modifiera notre situation qu'en ce sens, que le
prêtre devra employer des elforts d'autant plus
grands, qu'il y aura plus d'électeurs embriga
der. Or, chaque fois que le prêtre se jette dans
la mêlée des partis, il n'y a pas le moindre
doute ou il perd une partie de son prestige. Un
jour doit arriver où l'on sera étonné que cette
comédie ait pu se jouer si longtemps. Déjà on
se gausse souvent de ce que la conduite du
prêtre soit si changeante en matière politique,
et qu'erreur ou vérité de jadis devient vérité ou
erreur, suivant l'usage qui doit être fait dans
l'intérêt d une élection cléricale.
Cette conduite fausse le sentiment du public
et les élus de pareille corruption sont loin de
représenter la volonté des citoyens II faut donc
un changement radical et ce changement ne
peut arriver qu'à la suite d'un événement dont
la nature ne saurait être déterminée.
Dans cet ordre d'idées se trouve certainement
la revision de la Constitution, mais loin de pro
fiter l'esprit moderne, nous reculerons, si les
effets de celte revision sont annulés par l'im
mixtion îrreguiière des ministres d'une religion
quelconque. Le gouvernement ne peut ni au
toriser, ni tolérer de prononcer des peiiîes spi
rituelles ou d'attenter aux moyens d'existences
des citoyens, lorsque ceux-ci, dans la plénitude
des droits conférés par la Constitution, se per
mettent de voter pour un candidat, de lire un
journal libéral ou de poser un acte public de
leur préférence. Nous n'avons pas le pouvoir
de modifier cette situation, mais les prêtres ne
suivent pas l'exemple de ce que nous constatons
dans d'autres pays, il faut que le pouvoir civil
puisse les rappeler l'ordre, sinon le danger
social continuera nous menacer après comme
avant la revision.
Nos ancêtres ont versé leur sang pour nous
donner la liberté de penser et d'agir, nous
présentement incombe la charge de conserver
cet héritage intact et si nous ne pouvons être
quelque chose, que grâce aux propagateurs
d'une idée philosophique, constamment en lutte
contre le progrès moderne, autant ne pas
exister.
Dans son interview au sujet de la revision
de la Constitution, M. Guillery dit que le pays
est libéral et que le peuple ne demande qu'une
chose, c'est qu'on n'attaque pas la religion, cela
est vrai, mais notre avis il aurait dû ajouter
qu'à leur tour les ministres du culte doivent
respect aux droits des citoyens.
Malheureusement on modifiera cent consti
tutions avant qu on puisse changer l'esprit ul-
tramonlain. Linstruction et le temps ou bien
la force pourront seuls remédier notre situa-
lion actuelle en confinant le prêtre dans le
temple et en donnant sans entrave le forum au
citoyen pour y faire valoir ses droits en toute
liberté.
Le pouvoir donné aux députations permanen
tes de statuer souverainement sur les élections
communales devient une source d'abus révol
tants et insupportables contre lesquels l'opinion
publique s'élève de toutes parts.
La députation d'Anvers pour les élections de
Malines et de Boom, la députation de la Flandre
Orientale pour celles de Renaix et tant d'autres
en fournissent de tristes exemples.
Voici que l'on annonce que la députation per
manente de Namur menace ou que l'on me
nace en son nom d'annuler entièrement les
élections communales de Namur, si les'libéraux
osent lutter contre M. Mélot l'élection du 2
Décembre.
On assure qu'elle a suspendu jusqu'à ce jour
sa décision, et veut en faire une arme de protec
tion et de vengeance pour son Benjamin.
Ceux qui sont dans le secret annoncent qu'elle
saura bien dénicher quelque subtilité dont elle
fera un cas d'annulation son gré mais tout
pareilles usurpations.
Nos franchises communales ont coûté trop
cher nos aïeux pour les laisser perdre.
Nous avons été aux renseignements, et nous
savons qu'il n'existe même pas le moindre pré
texte plausible annulation. Celle-ci n'a jamais
été prononcée que lorsque la droiture et la loy
auté du vote ainsi que la liberté des électeurs
n'ont pas été suffisamment respectées.
Or, il n'a été formé aucune demande d'annu
lation le délai de dix jours fixé par l'art. 262
de3 lois électorales est expiré et une seule
réclamation a été déposée et inscrite dans ce
délai elle porte uniquement sur la nullité ou
la validité de deux ou de quatre bulletins et de
mande que le docteur Ranwez, catholique, soit
déclaré élu, et M. Tonglet, libéral, invalidé.
Il n'y a pas d'autre réclamation. Le procès-
verbal du 1er bureau porte bien mention d'une
observation du témoin catholique l'élection du
19 Octobre, mais elle était tardive et il n'y a pas
été donné suite.
En effet, ce témoin s'est borné constater que
les quatre scrutateurs choisis préalablement
avaient siégé et que le président n'en aurait pas
admis un autre plus jeune pour le motif que le
bureau était régulièrement formé.
Mais le bureau constate que cela est inexact,
qu'aucun autre électeur n'était présent lors de
la formation du bureau, et que la protestation
du témoin catholique ne s'est produite qu'après
la constitution définitive du bureau et le commence
ment des opérations.
L'art. 108 final des lois coordonnées porte
que toute réclamation contre l'appel d'un élec
teur désigné pour remplir les fonctions de scru
tateur doit être présentée par le témoin avant le
commencement des opérations l'on voit que le
témoin catholique a eu le tort de la former après
que les scrutateurs avaient siégé comme il le dit
lui même et que les opérations étaient commen
cées.
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Ypres, 6 Décembre 1890.