7 Juin 1891
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
Les secrétaires-volants.
i\° 46. Dimanche,
51e ANNÉE.
6 FRANCS PAR AN.
PARAISSANT LE JEUDI ET LE DIMANCHE.
ta
Ypres, le 6 Juin 1891.
A propos de la sortie faite la semaine passée
la Chambre par M. Ad. De Clercq pour récla
mer la suppression des traitements d'attente
aux instituteurs mis en disponibilité par sup
pression d'emploi, nous avons dit que si ces
malheurenx ne trouvaient pas d'autre occupa
tion c'est qu'on les traite en véritables parias,
en vaincus, en ennemis, qu'on leur ferme im
pitoyablement la porte au nez quand ils solli
citent un emploi quelconque. Et cela n'est que
trop vrai. Le ministère clérical n'est pas la
tête du pays pour diriger les affaires publiques
et soigner les intérêts de tous, il est là pour
faire ses affaires lui et celles de ses partisans.
Qu'une place soit conférer dans une admi
nistration quelconque, il ne faut pas vous figu
rer qu'on prenne en considération les titres, les
mérites, ou même les droits des postulants, il
suffit d'une recommandation du clergé, recom
mandation qui vaut mieux que les plus beaux
diplômes et les plus belles années de service.
Et l'on reproche alors aux instituteifrs mis sur
le pavé de ne pas parvenir se caser Les
journaux cléricaux vont plus loin même, en
chantés de la proposition de M. De Clercq, ils
recommencent traiter de fainéants les insti
tuteurs mis sur le pavé.
Et qu'on ne nous objecte pas l'exemple de
l'abolition des octrois les libéraux de l'époque
ont usé d'autres procédés. Nous le répétons, les
fonctionnaires mis alors en disponibilité ont
été pourvus d'emplois équivalents ou supérieurs
très souvent, bien avant le temps fixe par le
gouvernement comme terme du paiement des
traitements d'attente. Nous pourrions même
citer des fonctionnaires méritants, libéraux,
qui ont été sacrifiés pour faire place des cléri
caux privés d'emploi et en traitement d'attente.
Ces hommes n'ont su aucun gré aux libéraux
de leur générosité et font aujourd'hui chorus
avec les fanatiques persécuteurs de l'enseigne
ment officiel et de ses membres. C'est pourquoi
nous protestons de toutes nos forces contre ce
terme de fainéant employé hier encore par la
Patrieet nous espérons que le gouvernement
ne commettra pas l'iniquité proposée par M.
De Clercq,
S'le paiement des traitements d'qU£Qt,e pèse
d'un poids trpp lourd sur le budget, il est de
son devoir non pas de.le, supprimer mais de
préférer, le cas éçhéant,' titres égaux, un in
stituteur en disponibilité un autre aspirant
pour les empjiîis "devenus vacants. Ce ne serait
que juste.
t T T.
Ce que valent les affirmations de nos maîtres.
On lit dans l'Etoile
Nous avons déjà relevé cette .incroyable affir
mation de M. Beernaert disant^j^pleine Cham
bre, dans, une des dernièrê^seànces, et sans
contradiction, que l'histoire dés secrétaires-
volants est une légende D'après le chance
lier de zinc, jamais, dans auèun des départe
ments ministériels, il n'y a eu, depuis 1884, de
ces singuliers agents cléricaux hors cadres, tra
vaillant sans commission régulière, pénétrant
dans les bureaux sans titre, sans autorité légale.
Nous avons fait le relevé nominatif, de ces mes
sieurs, par département le voici
Tout d'abord, établissons que M. Beernaert
lui-même, est un des ministres qui ont le plus
abusé des secrétaires-volants. En Juin 1884, M.
Beernaert est nommé ministre de l'industrie, de
l'agriculture et des travaux publics. Il choisit
comme chef de cabinet, M. Morisseaux, celui-ci
déjà encadré comme commis au département
des affaires étrangères et qui passe comme chef
de bureau au département de l'agriculture. Ceci
est régulier. Mais côté de M. Morisseaux, M.
Beernaert place, comme secrétaire-volant, sans
nomination, un jeune clérical du plus pur cris
tal, M. P. Verhaegen, aujourd'hui juge au tri
bunal de Bruxelles. Quand, en Octobre 1884, M.
Beernaert eût réussi expulser du cabinet ses
deux collègues, MM. Woeste et Jacobs, et qu'il
prit le portefeuille des finances, M. P. Vernae-
fen le suivit au département qu'abandonnait M.
lalou, toujours sans nomination régulière M.
Verhaegen se trouva placé aux côtés d'un fonc
tionnaire blanchi sous le harnais administratif,
M. Verstraete, chef du cabinet du ministre et
premier inspecteur général de la Trésorerie.
C'est alors que le jeune collaborateur de M.
Beernaert toucha une indemnité de 1800 francs,
prélevée sur les fonds destinés des gratifica
tions de fin d'année des employés et gens de ser
vice, en faveur d'un jeune avocat, riche et dé
pourvu de tout mandat administratif.
Mieux que cela M. Verhaegen, un jeune
homme distingué du reste, fut bientôt nommé
d'emblée substitut du procureur du Roi Brux
elles. 11 fut remplacé près de M. Beernaert par
un nouvel agent sans mandat, un nouveau secré
taire-volant, le comte Frédéric van den Steen de
Jehay, aujourd'hui attaché aux services du
cabinet du Roi. Celui-ci resta environ deux ans
près de M. Beernaert. Depuis, le chancelier de
zinc n'a plus pris de collaborateurs aussi extra
ordinaires. Son cabinet est normalement compo
sé d'un chef de cabinet et d'un autre fonction
naire régulier. Il faut donc M. Beernaert un
toupet égal celui qu'il a montré j adis en affir
mant qu'il n'avait pas reçu le télégramme-mi
nuit de Pourbaix, pour déclarer la semaine
dernière la Chambre que les secrétaires-
volants étaient une légende.
Continuons notre revue. Quand M. Beernaert
quitta le département de l'agriculture pour
celui des finances en emmenant avec lui M.
Verhaegen, son secrétaire-volant de prédilec
tion, on vit apparaître aux côtés de M. de
Moreau une nouvelle série de ces fonc
tionnaires in partïbusparticulièrement M
Léon Van der Elst et M. Rops, le fils du célèbre
artiste. Tous deux travaillèrent de longs mois au
ministère de l'agriculture sans nomination.
Puis, M.'$ops quitta la carrière administrative,
et Van Elst fut pommé chef de bureau.
Ce cM'iuatost aujourd'hui chef du cabinet au F
ministëréxl# J'mt'Ôfteur où il a passé lors de Ja
nomination de -ftf. 'Béeo-an.^secrétariat génér ai
du mijj^pre dé l'agriculture!"
Passbfts** au ministère de d'intérieur.1 Nous y,
rencontrons deux secrétaires-volants.-'M. Jacobs j f
en 1884, attacha son cabinet en cette qualité,*'
M. Alfred Orban de Xivry, fils du sénateur de
Marche, un des Joseph Prud'hommes les mieux
équilibrés de notre Chambre Haute, aujourd'hui
conseiller provincial pour Louvain. M. Orban
ne resta pas longtemps au cabinet de l'intérieur.
Après le renvoi de M. Jacobs, il opérait encore
sous l'autorité de M. Thonissen, quand on lui
imputa un jour une gaffe administrative. Un
dossier électoral dut être communiqué la dé-
putation permanente du Hainaut. Celle-ci y
trouva une note confidentielle destinée au minis
tre et qui avait été oubliée dans le dossier au
ministère. Les journaux libéraux de Mons s'em
parèrent de l'incident. On publia la note en
?[uestion, la députation réclama, et la gaffe
ut imputée au jeune Orban de Xivry qui aurait
insuffisamment nettoyé le dossier avant de
l'expédier Mons. Une disgrâce immédiate,
mais temporaire, fut la conséquence de cette né
gligence.
M. Thonissen avait également voulu avoir un
secrétaire-volant particulier. Il choisit son ne
veu, M. Nagels, un des fils de l'ancien président
du conseil provincial du Limbourg. Celui-ci
passa plus de deux ans dans les bureaux du mi
nistère de l'intérieur il y était encore quand
M. Thonissen quitta le pouvoir. Quoique son
vneveu, absorbé par ses devoirs administratifs,
eût échoué, pendant son séjour au ministère,
d'une manière retentissante, son dernier exa
men de docteur en droit, il fut nommé substitut
du procureur du Roi Termonde, en remplace
ment du délicieux M. Silvercruys, l'ancien
vieux lutteur passé Mons.
Au ministère de la justice aussi, les secrétai
res-volants sont d'ancienne et durable institu
tion. M. Woeste plaça ce département M.
Verlant, un jeune avocat qui, quelque temps
après, fut nommé chef de bureau. M. Devolder
attacha son cabinet un sien cousin, M. Hayoit,
longtemps secrétaire-volant. Intronisé ensuite
dans les bureaux et nommé chef du cabinet du
ministre quand M. Berden fut remplacé comme
secrétaire-général par M. Domis de Semerpont,
le j eune Hayoit fut rendu célèbre par un conflit
qui s'éleva son sujet entre le ministre Devol
der et les députés de Charleroi propos de cer
taine nomination de notaire des environs de
Charleroi. Il est aujourd'hui juge Anvers. Le
troisième secrétaire-volant fut M. Van den
Stapele, de Louvain. Il ne fut jamais intronisé
dans l'administration et resta secrétaire-volant
pendant les deux années qu'il passa au cabinet
du ministre. Enfin, M. Bâtardy, ancien chef des
Jeunes Gardes cléricales de Bruxelles, nommé
hier chef de bureau, a été, lui aussi, Becrétaire-
volant pendant de longs mois, avant d'avoir
une nomination régulière.
Il n'y a pas jusqu'au département des affaires
étrangères où n'ait fleuri 1 institution des secré
taires-volants. En effet, M. Siehurgh, hollandaiss
d'origine, fils de l'ancien «onsui-général de Bel
gique Amstercfarrf. fuji établi directement, sanc
titre, en 138£,.%^'cj»bin'ét dudinmstre..' a n'était
pas même attadhé.de iégatioû, Ôt son cas ai en
cecjijjjte particulier, qu'ii,a été intronisé quelques
jours peine après- avoir obtenu la naturalisa
tion»
Voilà éxpoéée dans tous sea dét^»1». _cettéjyW
gulière administration occulte, itœ
cléricaux en 188fe .f ile semble calquée sur ceue
des évêchés catholiques dans lesquels il y a tou
jours, côté de chaque dignitaire, un second
personnage qui le surveille; surveillé sgp tour
LE PROGRES
."V t
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