N° 59. Jeudi,
51e ANNÉE.
25 Juillet 1891
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
AVIS.
Nous prions instamment
nos amis qui ont droit
figurer sur les listes électo
rales au 1P Août, de se pré
senter sans tarder l'Hôtel-
de-Ville et d'y réclamer leur
inscription.
Beautés
de notre régime électoral.
6 FRANCS PAR AN.
PARAISSANT LE JEUDI ET LE DIMANCHE.
Ypres, le 22 Juillet 1891.
Nous poursuivons, pour l'édification de nos
lecteurs et afin de fournir des éléments d'appré
ciation dans la grave question de l organisation
électorale future, notre revue des bizarreries et
des iniquités auxquelles aboutit notre régime
électoral actuel.
Un récent article de la Revue de Belgique
nous fournit pour cette tâche d'utiles données
et des renseignements statistiques tout fait
précieux.
Que notre baréme électoral soit faux, que le
Parlement ne soit pas la représentation vraie
de la nation, que le jeu de nos institutions soit
faussé, il suffit de rapprocher quelques chiffres
pour le démontrer l'évidence.
Les statistiques de la Revue remontent 1863
et vont jusqu'en 1878. Reproduisons-les som
mairement.
En 1863, 65,200 voix n'élisaient que 24 libé
raux, tandis que 54,700 voix suffisaient élire
34 cléricaux.
En 1868, 53,617 voix envoient la Chambre
29 libéraux, tandis que 54,900 voix y envoient
31 cléricaux.
En 1870, 82,909 votes sont nécessaires pour
élire 31 libéraux, tandis que 62,336 votes suf
fisent faire nommer 29 catholiques. -
Après la dissolution de 1870, les libéraux
remncrlèrent 186,000 voix et furent battus,
tandis que les cléricaux n'eurent que 181,000
^Yoix et conquirent la majorité.
En 1377,106,201 voix n'ont pu nommer que
24 libéraux, tandis que 75,222 voix ont suffi
élire 42 catholiques.
En additionnant toutes les" voix, celles qui sq.
sont portées sur les candidats vàinciïs en même
temps qu'R'Cellesjcomptées aux vainqueurs, on
a trouve 117,290%>ix libérales et 82,890 voix
cléricales. s V
Donc les proportions suivantes
117,000 est 82,000 comme 24'est 42.
Drôle d'arilhmétîtîfie, n'est-ce4pàâ l
On a a,ussi. compté les. bulletins, et on a
trouvé quo23,270 citoveâfc catholiques ont pu
faire 42 députes, tandis quê 22,405 libéraux
n'en ont fait "que 24 soit, pour 874 électeurs
de plus, une maferité de 20 élus.
N'est-ce pas î^jj^rsant.
Dans quelle algèbre 23 est-il 22 comme 42
est 24
Il n'y a pas en sortir mathématiquement
et logiquement, la majorité parlementaire ne
correspond pas la majorité nationale. Il y a
désaccord flagrant, contradiction monstrueuse
entre la représentation et les représentés, entre
la Chambre et le pays.
Des lors et nécessairement, une situation
anormale et troublée. Quand une mécanique
est mal construite les vices qui la compromet
tent se manifestent par des frottements, des
grincements, de brusques arrêts, des bris de
ressorts et des chocs en retour les défectuosi
tés de notre organisme politique ne sauraient
manquer de produire des tiraillements, des
divisions, des séditions.
Mais, dira-t-on, comment en est on arrivé là?
Plusieurs causes y ont contribué.
C'est, tout d'abord, la fantaisie qui a présidé
,1a division de nos provinces en arrondisse
ments et la flagrante inégalité numérique de
ces diverses circonscriptions. Avant la loi de
1869, Arlon avait un député pour 28000 habi
tants, alors que Philippeville n'en avait qu'un
pour 58000 habitants. Philippeville a obtenu
justice, mais la violation de la constitution
qu'accusait cet exemple flagrant n'a pas cessé de
corrompre notre organisation électorale. Ac
tuellement encore, il est des arrondissements
favorisés qui ont un représentant pour 30000
habitants, comme Bastogne et Maesyck, alors
que d'autres n'en ont qu'un pour 64000 habi
tants. Il en est jusqu'à 13 qui n'atteignent pas
au chiffre constitutionnel de 40000 hab lants
et qui élisent 32 députés. Ceux où la limite est
dépassée sont au nombre de 19 ils représen
tent une population de 3,293,078 habitants, ce
qui devrait leur donner droit 82 représen
tants, alors qu'ils n'en ont que 69.
Excès de représentation d'une part, insuffi
sance de représentation de l'autre, voilà le pre
mier facteur de la monstrueuse anomalie
électorale qu'accusent les statistiques.
Est-il besoin de dire que les villes les plus
actives du pays, Charleroi, Liège, Anvers,
Bruxelles, sont parmi les arrondissements les
plus mal lotis
Alors que, dans ces grands centres de la vie
nationale, il y a 25, 32, voire même 36 élec
teurs par mille habitants, cinq arrondissements
du plat pays n'atteignent qu'à un tantième de
11, 12 ou 14 électeurs sur la même population,
ce qui ne les empêche pas d'avoir 36 députés
élire. A Turnhout, toutes proportions gardées,
il y a trois fois moins d'électeurs qu'à Anvers.
La conséquence de cette disproportion, c'est
qu'un électeur des petites localités vaut 2 fois,
2 fois et-demi voire 3 fois un citoyen d'une âfe
nos capitales politiques, commerciales et artis
tiques. N'est-ce pas révoltant d'iniquité
Et voilà pourtant le régime que nos adver
saires persistent maintenir et même conso
lider I
La Chronique traitait hier, avec beaucoup d'es
prit, la QUESTION DU PETROLE. Nous nous
permettons de reproduire la finale de son article
qui, pensons-nous, est de nature intéresser nos
lecteurs. Voici
Supprimez le pétrole comme article courant
de commerce,et vous privez du coup l'éloquence
parlementaire et judiciaire d'une de ses plus
belles ressources.
s A la Chambre, aussitôt qu'un libéral, fût-ce
M. Frère-Orban lui-même, élève une prétention
désagréable nos maîtres, alors M. Woeste se
lève et évoque l'image de la Commune de Paris.
Des citoyens de Zonnebeke assomment un
ouvrier progressiste gantois, pour lui faire com
prendre que c'est un crime de venir Zonnebeke
quand on est ouvrier, quand on est progressiste
et quand on est Gantois.
Socialistes vous êtes des pétroleurs Vous
b vivez pour le pillage et l'incendie Notre vie
s est en danger partout où vous paraissez b
b M. Colaert voudra-t-il se souvenir qu'il est
député, et n'interpellera-t-il point le ministère
pour savoir quelles mesures il compte prendre
pour assurer toute liberté au commerce du pé
trole^ lequel fait, avec le fer-blanc, la matière^
première de l'éloquence parlementaire
- b Or, né pas s'occuper de la revisioj/est le pro
blème sur lequel bo concentrer* tous lea efiefts
de. nos hommes d'Etat et .toute l'acti vité do nos
lifatigafiles travailleurs pc élémentaires
LE PROGRÈS
vires acquirit ednik».
ABONNEMENT PAR AN: Pour l'arrondissement administratif et judiciaire d'Ypres, fr. 6-00.
Idem. Pour le restant du pays7-00.
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et 2, rte de l'Enseignement, Bruxelles.
mv.
b Ah vous demandez pourquoi on traque les
orateurs socialistes, tandis qu'on a laissé en
paix les bons curés qui firent la guerre la loi
scolaire
b Vous êtes des pétroleurs Rappelez-vous
l'incendie des Tuileries..., etc.
b Le cliché est inévitable, mais d'un effet cer
tain.
b Les plus intrépides s'enfuient.
b De même pour l'éloquence judiciaire.
b Sans le bienfaisant pétrole, que serait deve
nue la plaidoirie de M. Colaert, avocat-avoué,
député Ypres, ce morceau d'éloquence qui fit
l'étonnement de la magistrature yproise, en
attendant qu'il fasse l'admiration du monde (il
attendra longtemps)
b Le parquet ayant eu la fâcheuse idée de
poursuivre d'aussi excellents chrétiens, M. Co
laert a défendu ces intéressants prévenus en
s'écriant
b J'essaye de reproduire le morceau de mé
moire: mais il est certain que, dit par M.
Colaert, en français d'Ypres, ce devait être
encore plus épatant.
b Eh bien, sans le pétrole, M. Colaert était
privé de toute possibilité de plaider son procès
côté de la question autant dire qu'il ne pou
vait plaider du tout, ce qui eût été un malheur
irréparable pour les amis de l'éloquence du
genre gai.
b II y aurait moyen de greffer, sur notre inter-*
pellation, une discussion d'au moins six semai
nes.
b Ce serait un mois d'indemnité parlementaire
de gagné,et ce serait autant de temps pendant
lequel on pourrait continuer ne plus s'occuper
de la révision.