Au bal.
Nécrologie.
Nous avons demandé au Journal d'Ypres, dans
notre n° du 25 Février, qui allait payer les frais
du fameux banquet des pompiers. Sont-ce les
contribuables Sont-ce MM. Surmont, Bergh-
man et Colaert Est-ce M. Colaert, seul Lui qui
d'ordinaire prend tout sur lui.
A quand la réponse
On se rappelle, pour en avoir ri tout son soûl,
ce fameux banquet où s'était donné rendez-vous
le syndicat des voyageurs de commerce, décrit
si pompeusement par le Journal d'Ypresle 20
Février on se rappelle ces discours et ces toasts
où les chevaliers de la marmotte s'évertuaient
qui mieux mieux se serait présenté comme per
sonnifiant le plus complètement le voyageur mo
dèle, selon le cœur de notre mère la Sainte
Eglise tous nouveaux missionnaires d'un genre
inédit portant aux tables d'hôte leur profession
de foi catholique,y faisant le saint N'y-touche et
y introduisant l'habitude des signes de la croix
avant le potage et encore un signe de la croix et
un pater après la poire et le fromage, tous petits
saints apportant la bonne parole au milieu de
leurs collègues héritiques et libres penseurs.
Encore un peu et ils auraient déclaré que
les RR. PP. Marinus et autres Cucurfin de l'or
dre de S1 Ignace de Loyola étaient devenus des
superfluités démodées et qu'eux seuls avaient le
secret des conversions promptes et inattendues.
Ils ne disaient pas que leur premier souci,
l'étranger, était de se faire passer pour libéraux,
ce quoi ils réussissent, en effet, plus souvent
que les jours de Carnaval, mais enfin on ne doit
pas tout dire et on comprend qu'on s'amuse
comme on peut. Cela arrive de plus grands pé
cheurs qu'eux. Cependant le tout n'est pas de
s'amuser, il faut le laire point et c'est ce que
tout le monde ne sait pas, même les nouveaux
émules de Saint Jean Cnrysostôme.
C'était donc au bal du Denier de Dimanche
dernier, (pas au théâtre, on ne danse plus dans
la salle de nos amusants édiles) quatre beaux
masques, les masques sont toujours beaux,
étaient attablés dans un coin.
Un débardeur, un domino noir, un second
domino rose et une bergère. La bergère
surtout, aux riches contours, était pimpante,
guillerette, fine et chouette. Un corsage rose
pinçant une taille svelte et ondoyante une pe
tite jupe bouffante, bleu rayé de blanc, rehaus
sée par un soupçon de tablier plastron retenu
Sar des épaulières, d'un jaune d'or pâle, avec
eux pochettes, juste de quoi y mettre les peti
tes menottes des bas de soie, couleur de chair
vierge, dessinant de jolis mollets d'albâtre et es
quissant le galbe exquis des chevilles des es
carpins de veau tendre une ombre de chapeau
de paille crânement campé sur l'oreille et d'où
descendaient en serpentant sur l'épaule deux
rubans d'un doux vert de mer, et, pour complé
ter le raffinement, un loup de soie sous lequel
brillaient deux rangées unies de quenottes d'une
blancheur éclatante entre deux valves du plus
pur rouge adouci. Une vraie Sylphe la Wat-
teau.
Le domino noir n'y tint plus. Tant de grâces,
d'entregent et de piquant, c'était tenter S' An
toine en face du S1 Esprit. Le domino noir, brû
lant de pincer nn chahut avec Amanda, proposa
un modeste cancan. La bergère accepta et les
voilà lancés, au milieu des Rose Pompon et des
balochards de la salle bondée de monde, la ber
gère, légère comme un zéphyr, le domino, pa
taud, hurluberlu. Mais au lieu d'un modeste
cancan, ce fut un cancan endiablé, la bergère
cascadant, pirouettant, sautant, volant travers
tout ce monde ahuri, un vrai ressort bondissant,
et emportant avec ses jetés battus, ses ronds de
jambes, ses pointes et ses lancements en dehors,
son paquet de domino noir qui n'en pouvait plus,
et qui, essoufflé, rompu, cassé, demanda grâce.
Le chicard était rendu, fini. On se remit au coin,
la bergère riant comme une petite folle.
Un verre de limonade, puis un verre de Ruinard
et les langues d'aller leur train. On jabote, on
batifole, ça chauffe. Le domino noir, surtout,
remis de son éreintement, devînt expansif, de la
langue et des doigts et de la main, de la main
surtout.
Le colloque continue.
La bergère s'envole au bras d'un pierrot joy
eux et sautillant, et le domino reste seul dans
son coin, sans faire le signe de la croix.
Sévérité bien ordonnée commence par soi-
même, comme dit A. Vessiot.
Sévérité Autant en emporte le vent
Qui s'en serait jamais douté Les enfants de
l'école Hynderick n'ont abandonné leur école
pour se rendre l'école D'Haeseleire que parce
que les libéraux les font vivre et, plus fort que
cela, parce qu'ils se sont donnés un zielver-
kooper? Ce zielverkooperde l'invention du Journal
d'Ypres, est tout bonnement une perle et mérite
un brevet.
Et d'abord pour ce qui est des moyens par
lesquels les enfants sont retenus dans les écoles,
qui est-ce qui délivre de la soupe et le petit dî
ner Sont-ce les libéraux ou les cléricaux Et
que MM. Ie3 cuvés, les vicaires, les dames de ci,
les dame3 de là, et toute cette légion de congré-
ganistes et S1 Vincent-Paulistes cessent de peser
par la menace et les promesses, laissant toute
liberté aux parents d'envoyer leurs enfants là où
le cœur leur en dit, quelle sera la population de
ces écoles avec Dieu
Prétendons-nous que des deux côtés, on ne
fasse pas ce qu'on peut pour attirer les enfants?
Nullement. Mais de quel côté est la pression, la
menace
Quand la ville supprime la gratuité de ses
écoles gardiennes officielles, est-ce pour que le
public y ait plus facilement accès
Et ce zielverkooperc'était un libéral Connais
pas, ni le Journal non plus.
Mais ce que nous connaissons et ce que tout le
monde connaît, ce sont les ZIELKOOPERS du
lr Février.
En voilà des gaillards qui s'entendent leur
petit commerce.
Après cela que ce ne soit pas, d'une honnêteté
irréprochable, que cela tienne même un peu de
Mandrin, c'est incontestable, mais pour la
bonne cause, cela n'est-il pas licite La fin jus
tifie les moyens.
Et les zielkoopers, au nombre de cinquante, de
cent, parleraient un zielverkooper
C'est pouffer de rire.
Ainsi ce n'était qu'une plaisanterie, la propo
sition de M. Breyne de faire incinérer les corps
On est donc folichon dans ce grave Conseil com
munal, dans ce Conseil où l'on ne devait enten
dre que des paroles graves et des discussions
d'une hauteur transcendante
Alors, pourquoi M. Surmont a-t-il remis M.
Breyne une brochure traitant de la crémation
On a bien vu que ça chiffonnait le maïeur,
mais enfin, cela prouve bien que ce n'était pas
tant pour rire.
Est-ce que depuis, M. Breyne a été rappelé
l'ordre Et M. Breyne subirait cette humiliation?
Et M. Breyne viendrait, au lieu de faire son
rapport, dire qu'il n'est qu'un froid mystifica
teur ou qu'il a parlé sans avoir réfléchi, lui, le
doyen de la compagnie, le Nestor et par l'âge et
la sagesse
Non, non, nous attendons le rapport.
Cela turlupine bien un peu ses collègues, mais
cela ne fait rien. On peut bien dire ce qu'on
pense, diable
Que cela horripile ces Messieurs, rien de plus
certain, on n'a qu'à voir comment ils nous ar
rangent, rien que pour avoir annoncé la chose,
même sans exprimer notre manière de voir, cet
égard. Pour donner le change, le Journal d'Ypres,
collant notre article une couple de phrases
qui y sont tout-à-fait étrangères, et qu'il insère
comme venant en ligne directe de nous, fait une
ola podrida qui n'est qu'un tissu de bêtises, pla
cées comme elles le sont, ces phrases.
Et le Journal croit triompher. Toujours franc
de collier, cet honnête papier de sacristie.
Mardi dernier, 8 Mars, a eu lieu en notre
ville, lenterrement civil d'un brave et honnête
homme,d'un bon fils, d un digne père de famille.
M. Eugène Leboucq, ingénieur des ponts et
chaussées, âgé de 36 ans, atteint d'un mal qui
ne pardonne pas, a été ravi, après quelques
jours de souffrances,l'affection de sa famille
et l'amitié de ses nombreux camarades. Doué
d'une intelligence d'elite, travailleur infatiga
ble, Eugène Leboucq, après de brillantes étu
des faites notre Collège communal ainsi qu'à
lTJniversite deGand, reçut le diplôme d'ingé
nieur des ponts et chaussées summa cum laude.
Le gouvernement renvoya a Y près, sa ville
natale. Sesc :efs, reconnaissant ses grands mé
rités, lui avaient confié la direction de la con
struction du canal d Ypres Comines, de ces
immenses travaux qui osent defier la nature
elle-même. C'est au moment où il allait voir le
couronnement de son œuvre, que la mort im
placable et aveugle nous l'a enlevé.
Une foule nombreuse, l'élite de la population
Yproise, avait tenu d'accompagner jusquà sa
dernière demeure cet homme de cœur, cet ami
tant regretté.
Le deuil était conduit par MM. Hector Le
boucq, médecin, professeur l'Université de
Gand, Aloïs Leboucq, sous-directeur la prison
cellulaire de Gand, freres du défunt; Nicolas
Van Heugen, ancien prefet des etudes de notre
Collège communal, Léon Van Heugen, médecin
et Julien Simar, directeur de l'Ecole de musi
que de Charleroi, beau-père et beaux-frères du
défunt.
Le corps porté par des cantonniers, était pré
cédé de nombreuses couronnes. Outre les cou
ronnes de la famille, nous avons remarqué,
portées également par des cantonn iers,cellesdes
ingénieurs des ponts et chaussées de la Flandre
occidentale, des conducteurs des ponts et
chaussées et du personnel attachés l'arrondis
sement d'Ypres, des entrepreneurs du canal de
la Lys l Yperlée, des entrepreneurs de l'en
tretien des routes, etc.
Les coins du poêle étaient tenus par MM.
Piens, ingénieur en chef, directeur des ponts
et chaussées de la Flandre occidentale; Lebbe,
ingénieur, chef de service au chemin de fer de
la Flandre occidentale Bouckaert, ingénieur
des ponts et chaussées Courtrai et^héneau,
conducteur des ponts et chaussées Ypres.
Sur tout le parcours de ce cortège imposant,
la foule, silencieuse, composée en grande par
tie d'ouvriers, saluait au passage la dépouille
mortelle d'Eugène Leboucq. Rue de Menin, au
taxent peut-être en bon ordremais d'où ils retenaient
en un beau désordre et en laissant de leurs hommes
dans la prison de Courtrai. Où cet extraordinaire
rédacteur a-t-il vu tout cela Est-il tellement
habitué aux orgies qu'il ne voit plus, qu'il ne
pense plus qu'à cela C'est un menteur et un vrai
calomniateur qui n'est pas digne que nous nous
arrêtions davantage ses insanités. Au nom de
M. Brunfaut et de ses officiers, nous opposons au
dire du Journal le DÉMENTI LE ELUS FOR
MEL. Jamais les anciens pompiers, dans les
nombreuses excursions qu'ils ont faites, tant
Courtrai qu'ailleurs n'ont eu maille partir avec
la police ils n'ont jamais oublié ce qu'ils étaient.
L'inventeur de pareilles turpitudes est un sinistre
calomniateur. Nous souhaitons que les nouveaux
pompiers suivent toujours, en tout et pour tout,
l'exemple de leurs aînés, il n'y aura jamais de
reproches leur faire. Maishélas
La bergère se dressant d'un coup, comme pi
quée par un serpent, avec indignation: Pas si
loin, beau masque. Pas tant de familiarité pour
si peu de connaissance. En dedans les pattes.
Le débardeur au domino noir. D'où venez-
vous donc, malotru
Le domino noir. Bah, bah il faut s'amuser
un brin, en carnaval Vive le vin, l'amour et le
tabac
Le débardeur. Est-ce qu'on vous a appris
cela au banquet des voyageurs Je vous avais
crus tous de petits saints.