JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
Chronique locale.
Comment en or pur
le vil plomb peut-il changer
l\° 27. Dimanche,
52e ANNÉE.
3 Avril 1892.
6 FRANCS PAR AN.
PARAISSANT LE JEUDI ET LE DIMANCHE.
La résurrection de Reuske au cortège de la mi-
carême n'a pas eu le succès d'enthousiasme au
quel on s'attendait Est-ce indifférence Non.
Quoi, alors Ah c'est qu'il y avait d'autres
préoccupations. Un passé gros de récriminations,
de violences de langage et de sottes colères con
tre le géant d'autrefois, le même que celui qui
formait le cortège Dimanche, était rappelé mal
gré tout et donnait lieu d'amères réflexions.
Cela se conçoit.
Q'y a-t-il de changé En quoi le Reuske d'il y
a 18 mois, diftère-t-il de celui d'aujourd'hui v
est-il devenu subitement le plus bel ornement
des fêtes publiques
Est-il possible que ces questions ne se posent
pas Et la solution ne rend-plie pas triste,
rêveur ~i
Et cela ne jetterait pas du froid au milieu
d'une population même la plus indulgente
Voir encenser ce que hier encore on honnis
sait, bafouait, insultait, calomniait, publique
ment, avec une rage folle, cela ne révolterait
pas
Ce n'est donc pas le Géant,toujours populaire,
qui glaee les cœurs, c'est la palinodie, c'est la
grotesque comédie, jouée en plein jour, la face
d'une population qu'on outrage par un specta
cle qui n'est qu'un défi l'honnêteté, au bon
sens publics.
Est-ce cela qui explique le silence du Journal
d'Ypres de Mercredi dernier Que cela le gêne,
nous n'en sommes pas étonné. Tout ce qu'il
fiourra en dire, après des méditations longues et
aborieuses, ne saurait faire que Reuske ne soit
toujours le même Reuskecelui dont il écri
vait, aux dates suivantes, les aménités que,
comme documents historiques, nous nous faisons
un devoir de reproduire.
Voici donc ce qu'écrivait l'ami de Goliath
Extraits du Journal d'Ypres concernant le
Géant Goliath.
Nous nous en tiendrons ces extraits qui en
disent assez long sur la sincérité et le bien fondé
des critiques du Journal d'Yjnes dans son rôle
d'opposition.
Ils sont le reflet exact de tout ce que nous
avons vu en ces dernières années et de tout ce
que nous voyons aujourd'hui.
Et cela ne serait pas écœurant
11 se passe notre foire des choses extraordi
naires. Un particulier entre dans la cage d'un
lion le lendemain, un autre plonge sa tête dans
la gueule de ce roi du désert le surlendemain,
c'est autre chose et ce ne serait pas autre chose
que ce serait déjà trop.
A quoi peuvent bien servir ces traits d'un cou
rage mal placé La société a-t-elle quelque in
térêt co que ses membres parviennent un jour
habiter la gueule du lion
A-t-on fait un tour de force a-t-on fait preuve
d'agilité a-t-on rendu un service quelconque,
sinon au dompteur qui par ce moyen fait une
réclame productive, par ces bravades qui sont
toujours dangereuses, quoiqu'on dise le cornac
ou son maître.
On défend au particulier de placer un pot de
fleur sur la tablette extérieure de sa fenêtre, pour
éviter que ce pot n'escarbouille la peau du pas
sant,mais on permet au plus sombre et par suite
au plus dangereux des carnassiers de caresser de
ses crocs le téméraire imprudent qui s'y aventure
moyennant quelques sous et cela sous la protec
tion de ^autorité
Une grosse femme de foire est dangereuse
quand elle montre ses gros mollets, mais un lion
peut être caressé tout instant de la journée. Il
est vrai que dans le premier cas c'est la morale
qui est enjeu, dans le second, ce n'est que la vie
de l'homme. Il y a une différence.
Les combats de coqs sont défendus; le coq, qui
sera tué et mangé demain s'il ne l'est aujour
d'hui, pourrait en souffrir et en souffre mais
l'homme, qu'on ne doit jamais tuer ni exposer
la mort, peut présenter sa poitrine aux griffes
du plus redoutable des félins.
Et il y a des sociétés protectrices pour les
animaux, et l'homme
LE PROGRES
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Comment ce pelé, ce galeux, cet animal
Qui naguère fit tant de mal,
N" du 16 Juillet 1890.
M. Darbex (un industriel de la rue des SaBIes
Bruxelles) travaille un personnage de dimension, un
géant commandé par la ville d'Ypres, qui sera notable-
ment plus grand que les géants Bruxellois.
Pauvre Reusje Nous le croyions un enfant d'Ypres,
ce n'est qu'un Ketje de Bruxelles
Ypres n'est plus même capable de produire un man-
nequin en lattes Oh Comme nous sommes déchus
Merci, Messieurs nos Ediles Merci pour la préféren-
ce Vous, électeurs, souvenez-vous-en au mois d'Octo-
breet renvoyez rue des Sables Bruxelles les libéraux
qui viendront demander votre voix.
JV° du 30 Juillet 1890.
(Dialogue).
M. Colaert. C'est évidemment une grave question
que celle du nom donner Reusje ou Rosche, com-
me vous aimez mieux de l'appeler. Cela me rappelle un
peu l'histoire du Turbot de Domitien.
Nous avons passé en revue plusieurs prénoms des
membres ici présents. Mais nous n'avons songé ni M.
Gravet, ni M. Brunfaut, ni M. Reaucourt. Le pre-
mier s'appelle César, les deux autres Auguste.
Je propose donc, Messieurs, de donner Reusje le
nom historique de César-Auguste. Reusje est un auguste
personnage.
N0 du 2 Août 1890.
Nos sociétés n'accompagneront pas le Géant. Elles
ont raison. Elles ne font d'ailleurs qu'imiter l'exemple
de la Société Royale de S' Sébastien qui, invitée spécia-
ment, escorter Reusje, a répondu que si les Yprois
étaient autrefois des enfants, ils ont eu le temps de de-
venir des hommes. Elle décline l'honneur que la Com-
mission des fêtes lui avait réservé de devenir la garde
d'honneur de César-Auguste.
N° du 9 Août 1890.
On a eu de grandes inquiétudes Samedi au sujet de
l'état de Reusje. Le docteur Oscar a été appelé plus
d'une fois pour lui donner des soins. Heureusement ce
d n'était rien. Par suite d'une pluie d'orage de ces der-
niers jours, Reusje était atteint d'une simple hydropisie
Cela ne l'a pas empêché de sortir.
Reusje n'est qu'un polisson
Il s'est échappé des mains de M. Edmond Verschaeve
dans la nuit de Dimanche Samedi et il est allé faire
des siennes rue des Récollets.
Imaginez-vous qu'il s'est amusé aller arracher les
sonnettes chez les catholiques de cette rue Il n'a épar-
gné que les sonnettes libérales.
Le Progrès insinuait, il y a huit jours, que c'étaient
les catholiques.
Nous connaissons aujourd'hui le coupable c'est
Reusje, et Reusje est un libéral
N° du 13 Août 1890.
Reusje n'a fait que sortir et déjà il est complètement
démodé.
Un scrofuleux, disait l'uu un hydropique, disait
l'autre.
Tout le monde se moquait du Géant et de son père
M. Cornette.
Ce que l'on a admiré le plus, ce sont les gambades de
M. Edmond Verschaeve, qui prenait très au sérieux son
rôle de cornac.
M. Oscar doit recevoir aussi nos sincères félicitations
pour les soins qu'il a prodigués son émule. Quel dom-
mage que le docteur de Becelaere ne fut pas là pour
complimenter Oscar! Hydropisie et... mystère.
N' du 16 Août 1890.
LE GÉANT REUSJE.
Reusje a fait sa dernière excursion, hier, jour de
l'Assomption.
La procession de S1 Jacques a dû changer l'heure ha-
biluelle de sortie.
Nous avons déjà dit que Reusje est coulé comme une
vulgaire statue de bronze. 11 a reçu le coup de grâce le
10 Août quand, dans sa solte vanité, il est allé poser
devant le kiosque de la Grand'Place.
Les étrangers ne comprenaient rien ce genre de ma-
nifestation. Des sociétés françaises y voyaient une allu-
sion la grandeur militaire de l'empire allemand, et
hésitaient jouer devant Guillaume 11.
Aussi a-t-on fait rentrer le géant dans sa casematle
quand l'harmonie de Bergues a exécuté ses morceaux de
musique.
llfautèlreM. Cornette, nous disait un libéral très
notable de la ville, pour donner le jour Reusje.
N" du 23 Août 1892.
Il paraît que le géant n'est pas mort, car le Progrès
nous annonce qu'il se mettra en route dans quelques
jours pour le beau pays de France.
Bien plus, le cher César-Auguste aura la délicate at-
tention d'apporter Lille un millier de numéros du
Journal d'Ypres.
Reusje n'est donc pas mort. Il ira Lille, tous frais
j> charge de la grande ville du Nord.
Une idée Reusje a fait ses tours Ypres il y est
mort, bien mort. Ne pourrait-on céder son cadavre aux
Lillois pour moitié prix Ce serait une bonne aubaine
pour la bourse de Grand'Mère sur laquelle nos maîtres
ont dansé si bien, qu'elle est devenue plate comme une
galette.
A PROPOS DU COUT DES FÊTES.
Pour expliquer la note on dira sans doute que Reusje
a bu beaucoup. C'est possible et même probable, puis-
qu'il est mort d'apoplexie d'après le Progrès.
Encore il n'a pas tout bu et puis on a du prévoir ou
s'apercevoir que le géant était un ivrogne de sa nature.
Son teint l'indiquait suffisamment.
k Mais des méchantes langues prétendent que Reusje
passait constamment son verre ses voisins.