N0 45. Dimanche,
29 Mai 1892.
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
Le pouvoir clérical.
Les paysans écrasés.
La même chose.
Très juste
52e ANNÉE.
6 FRANCS PAR AN.
PARAISSANT LE JEUDI ET LE DIMANCHE.
Ypres, le 28 Mai 1892.
Chacun en conviendra la séance dernière
de la Chambre a accusé un défaut singulier
d'amour-propre et de dignité.
11 était impossible de finir plus piteusement
que par cette grossière scène de cabotinage
jouée par les deux compères Beernaert et Woes-
te, avec le vole baroque qui s'en est suivi, et
par ce déménagement précipité et confus, lais
sant en souffrance plusieurs projets de loi
nécessaires et urgents, et moitié volés les
projets électoraux pour lesquels ils avaient été
écartés
Mais si le régime censitaire en est tombé là,
il faut bien l'attribuer l'influence dissolvante,
démoralisante du pouvoir clérical c'est là ce
qui l'a achevé.
Jamais un parlement belge n'était tombé
des soins aussi bas, des besognesaussi étroites,
aussi mesquines que depuis huit ans jamais le
souci des intérèLs départi, desquestions de bou
tique électorales n'avaient ainsi primé toutes les
questions de principe, les intérêts nationaux
les plus élevés
Jamais onn'avaitvu,dansmajorilé aussinom-
breuse, pareil défaut d'hommes et de caractères,
pareil abaissement du troupeau législatif
devant le talent néfaste d'un homme.
M. Woesleadit quo les ministres devaient
être les ministres des Chambres avant d'être les
ministres du Roi Eh il n'y avait plus, depuis
longtemps, de ministres dés Chambres il n'y
avait plus que les Chambres d un ministre.
Nous tremblons en songeant ce que serait
l'avenir du pays si les Chambres constituantes
pouvaient remplacer l'article 47 parce système
de l'occupation qui éterniserait la domination
de pareilles majorités avec cet homme et ses
disciples pour les mener dans les voies de l'a
baissement et de l'indignité.
La parole est maintenant au corps électoral
pour envoyer rue de la Loi quelques locataires
nouveaux qui assainissent le local.
Est-il vrai, comme l'affirment les candidats
cléricaux dans leurs réclames électorales, que
le régime électoral actuel écrase les campagnes
au profit des villes
Ne sont-ce pas plutôt les villes qui sont écra
sées par les campagnes
Grand nombre de villes libérales envoient
la C;iambre des dèpulalions cléricales.
Nous en avons cité une douzaine, commen
cer par Bruxelles, Anvers et Gand, qui sont
dans ce cas.
Ces villes libérales, quoi tient- il qu'elles
soient représentées par des cléricaux
Incontestablement ce que leurs voix sont
étouffées sous la masse des voix cléricales des
campagnes.
Un instant, dit le Journal de Bruxelles
La Gazelle oublie une chose c'est que ces vil
les, toutes libérales qu'elles soient, comptent un
nombre très respectable d'électeurs conservateurs
dont la feuille libérale ne tient aucun compte.
Il est même de ces grandes villes où les sièges
communaux sont fortement disputés par les for
ces conservatrices.
C'est alliées ces forces urbaines que les cam
pagnes parviennent élire des députés et séna-
teursreprésentantla majorité del'arrondissement
Eh 1 qu'est-ce que cela fait Que les cam
pagnes imposent leurs candidats ces villes,
avec ou sans l appoint des minorités urbaines,
peu importe. Il n'en est pas moins établi que
dans ces villes, où l'opinion libérale domine,
la majorité est écrasée par les campagnes.
Sans les campagnes, ces villes nommeraient
des libéraux. Les campagnes leur imposent des
cléricaux. Voilà la vérité, celle que les candi
dats de lagriculture se garderont bien de dire
leurs électeurs.
Le phénomène inverse se produit-il quelque
part? Citera-t-on une seule ville cléricale du
pays, écrasée par les campagnes libérales en
vironnantes Non, pas une
Partout où les chefs-lieux appartiennent aux
cléricaux, les campagnes sont cléricales. Pas
d'exception celle règle.
Nous citons, nous, douze arrondissements
dont les chefs-lieux libéraux se voient imposer
par les campagnes cinquante-cinq représen
tants cléricaux.
Cinquante-cinq c'est-à-dire plus des deux
cinquièmes de la Chambre.
Par contre, pas un arrondissement clérical
où se manifeste le moindre antagonisme entre
les campagnes et le chef-lieu.
Et ces messieurs de l'agriculture osent pré
tendre que le régime actuel sacrifie les campa
gnes aux villes Alors, que veulent-ils? que
les villes ne volent plus du tout?
Un peu de patience 1 Avec le régime de l'oc
cupation, s'il est volé, les villes voteront encore,
mais ce sera comme si elles ne volaient pas.
Leur vole ne comptera plus pour rien.
Qu'on ne nous fasse pas dire ce qui n'est nul
lement dans notre pensée. Nous ne contestons
pas aux campagnes le droit de voter pour qui
bon leur semble et si elles préfèrent des cléri
caux, de donner libre carrière leurs préfé
rences.
Ce que nous ne pouvons pas souffrir, c'est
qu'on les trompe, en leur faisant accroire
qu'elles sont sacrifiées aux villes et qu'en dé
fiance de leurs votes, le parti libéral leur a
rognéjusqu'à l'iniquité la part de souveraineté
qui leur revient légitimement.
Cela n'est pas. C'est tout ce que nous tenions
démontrer. [Gazette).
A propos du discours prononcé Tournai
par M. Bara, le Courrier de Bruxelles manifeste
une mauvaise humeur très drôle
M. Bara ne se comprend plus sans le péril clé
rical, l'arrogance sacerdotale et la lèpre mona
cale. Il est là dans son élément. C'est sa vie,
cet homme, toute sa vie et tout son bagage.
Pourquoi M. Bara conlinue-t-il combattre
le cléricalisme?
Parce que le cléricalisme continue être un
danger social et certes, le Courrier ne dira pas
que c'est la faute M. Bara.
Tant que cléricalisme il y aura, guerre on lui
fera. Rappelons au souvenir du Courrier ce
diable de Molière, qui, comme le vieux bour
gogne, est encore bon quand il repasse
a Je dis toujours la môme chose, parce que
c'est toujours la même chose si ce n était pas
toujours la môme chose, je ne dirais pas tou
jours la môme chose.
La Flandre libérale publiait mardi un article
relatif au projet de loi présenté la Chambre
et qui a pour but de régler le sort des citoyens
qui ont été condamnés injustement. Elle de
mande pourquoi ce projet de loi ne vise pas
également les crimes et délits commis par les
militaires.
Est-ce que le gouvernement est d'avis qu'un
militaire injustement condamné n'est pas digne
de réhabilitation
On dirait vraiment que le pouvoir, préoccu
pé de l'évolution politique qui se prépare par la
revision, n'a plus une vision nette des choses et
marche l'aveuglette au milieu des pièges qu'il
se tend lui-même.
La candidature Brialmont met le monde clé
rical cl ministériel dans un terrible émoi le
nom seul de Brialmont fait sur lui l'effet de la
tête de Méduse.
Déjà les journaux catholiques usent de tous
les moyens pour essayer de faire rentrer sous
terre cette candidature. Les uns prétendent
qu'étant encore en activité de service, le géné
ral ne peut se mettre sur les rangs qu'avec l'as
sentiment du ministre de la guerre.
D'autres, comme la Patrie de Bruges, le
traitent d'anarchiste et demandent que le gou
vernement le rappelle l'ordre.
11 faut croire qu'on le redoute bien, le géné
ral Brialmont, qui, dans ces derniers temps, a
servi de tête de Turc tout le cabinet.
Nous lisons dans la Chronique du '24 Mai d'
Les communes intéressées dans la construc
tion du chemin de fer vicinal d'Ypres Armen-
tières se sont réunies pour prendre une décision
sur le tracé.
Comme c'était prévoir, les vœux du com
merce et de l'industrie ont été écartés pour con
tenter quelques châtelains.
La direction par Neuve-Eglise sur Seau a été
acceptée, au détriment de la commune de
Ploegsteert et dp la ville d'Armentières voilà
une ligne qui va se terminer dans un hameau
sans ressources, laissant de côté une aggloméra
tion de soixante mille habitants.
LE PROGRÈS
VIRES ACQUIR1T ECNDO.
ABONNEMENT PAR AN: Pour l'arrondissement administratif et judiciaire d'Ypres, fr. 6-00.
Idem. Pour le restant du pays7-00.
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