N° 58. Jeudi,
21 Juillet 1892.
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
La gestation constitutionnelle.
Le parti de 1a gueuserie.
La Malle mystérieuse.
Les Guides.
6 FRANCS PAR AN.
Ypres, le 20 Juillet 1892.
52e ANNÉE
PARAISSANT LE JEUDI ET LE DIMANCHE. VII1ES AC^X E[muo
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Les Chambres constituantes, ou plutôt
reconstituantes, ne procéderont la révision
constitutionnelle qu'avec la somnolente lenteur
qui, pendant deux années, a présidé aux tra
vaux de la section centrale et aux légendaires
élucubrations du sieur De Smet-de Naeyer.
Sous prétexte du formidable labeur qu'en
traînera la refonte de notre régime électoral, le
gouvernement annonce l'intention de tenir la
Constituante assemblée jusquau mois de juin
1894.
C'est bien là toute la politique du grand mi
nistre gagner du temps, prolonger par tous
moyens le maintien au pouvoir du parti cléri
cal, ajourner toujours la crise finale et l'inévi
table abdication, et, dans l'entretemps, prodi
guer ses créatures les places et les faveurs et
continuer l'accaparement de tous les services
publics.
Il nous semble cependant que, quelle que soit
l'importance du débat qui va s'ouvrir, il ne sau
rait comporter d'aussi déraisonnables lenteurs,
auxquelles il appartiendra la gauche parle
mentaire de couper court.
Comment C'est en moins de trois mois que
le Congrès national de 1830 a achevé son œuvre
c'est en moins de trois mois qu'au lendemain
d'une révolution, dariS un pays désorganisé où
tout était refaire, il a discute et voté une Con
stitution tout entière, et cela au milieu des pé
rils diplomatiques et sous l'empire des plus
anxieuses préoccupations, et aujourd hui qu'il
ne s'agit que de reviser quelques articles, sur le
remplacement desquels les discussions de la tri
bune et de la presse ont amplement déjà éclairé
l'opinion publique, il faudrait de plus longs
délais
Le pays, que l'on n'a déjà que trop leurré,
demande que l'on marche
On a pu constater, pendant la période élec
torale, que lesjournaux catholiques désignaient
le parti libéral sous la dénomination de parti
de lagueuserie.
La gueuserie, c'est nous, c'est le peuple, c'est
le travailleur, c'est le malheureux
Quels braves gens que ces catholiques 1 quels
gens honnêtes, mais aussi quels hypocrites
Ecoutez leurs discours, leurs sermons, écoutez
comme ils plaignent les malheureux 1 A les en-
endre, tout ce qu'ils font, c'est pour soulager
e pauvre, mais rapprochez leurs paroles de
leurs actes et comparez.
Les libéraux et progressistes réclament cor
et cri l'instruction gratuite et obligatoire les
catholiques répondent jamais l'instruction,
c'est pour le riche, l'ignorance, c'est pour les
fils de gueux 1
Les libéraux et progressistes veulent le ser
vice personnel et obligatoire pour tous, plus de
passe-droit, plus de privilèges les catholiques
répondent jamais I nous Tes privilèges nous
voulons, nous, riches, pouvoir racheter nos
enfants le service militaire, l'abrutissement
de la vie de caserne et de quartiers, c'est bon
"""pour les fils de gueux
Les libéraux et progressistes, quelques ra
res exceptions près, demandent le droit de vole
pour tous les catholiques répondent jamais,
nous sommes le parti des riches, nous voulons
l'assiette au beurre, afin de pouvoir gorger nos
amis de places et d argent les gueux n'ont rien
y voir nos curés leur distribueront dans
leurs sermons quelques bonnes paroles et pro
messes, et, ma foi, s'ils ne sont pas contents,
nos bons petitscurésleurdirontque Jesus-Christ
était un gueux aussi, puisqu'il couchait dans les
granges.
Nous pourrions nous étendre longtemps là-
dessus, ces simples citations suffisent.
Ah oui, ces bons catholiques sont de par
faits conservateurs, dans toute l'acception du
mot, car ils veulent conserver pour eux les
droits, les places, les honneurs, la bourse, tout
et ils veulent conserver aux pauvres, aux tra
vailleurs, leur qualité de bâtards et de parias,
leurs misères, leurs peines, leur gueuserie I
C'est bien canaille, direz-vous, mais c'est bien
catholique
bientôt, lorsqu'ils auront voix au chapitre, ce
parti sans pudeur viendra leur faire des ma
mours que les gueux se rappellent alors ce
qu'ils ont soufierl par lui
L'attitude prise par M. Beernaert dans la
question de la revision inspire la Flandre li
bérale les réflexions suivantes
a L'article 131 de la Constitution dit formel
lement Les Chambres statuent, de commun
accord avec le Roi, sur les points soumis la
revision. Or, comment les Chambres peuvent-
elles statuer de commun accord avec le Roi, si
elles ne connaissent pas l'opinion de celui-ci,
c'est-à-dire de ceux qui, constitulionncllement,
sont responsables devant le pays des actes que
le Roi est appelé commettre Nous compre
nons que le gouvernement, soucieux de conser
ver ses portefeuilles, ne songe pas formuler
un texte que la majorité repousserait mais si
telle est la situation, si le ministère n'est pas
l'émanation vraie d'une majorité si, incapable
de la railler sa formule, il s'abstient d'en pré
senter une, pourquoi conserve-l-il le pouvoir?
Si dans une question de cette importance,
le gouvernement se reconnaît impuissant pré
senter un projet viable, s'il se résigne au rôle
effacé de ministère d'affaires, ce n'est pas des
catholiques comme les ministres act-uels qu'il
convient de remettre le soin d'administrer les
départements ministériels ce sont des admi
nistrateurs spéciaux qui devraient être chargés
de la direction des affaires du pays, pendant le
temps que les Chambres délibéreraient sur des
questions qui ne peuvent être résolues aujour
d'hui, par lexcellente raison qu'elles ne sont
pas même posées.
Jamais, croyons-nous, dans un pays parle
mentaire, un premier ministre n'a, comme M.
Beernaert, fait pareils efforts pour se soustraire
lhonneur de proposer, dans une question
aussi grave, la formule destinéoà devenir la loi
fondamentale du pays. Bien au contraire, dans
les autres pays, les ministres sont toujours tenu
honneur de rédiger, de défendre et de faire
triompher le système qu'ils regardaient comme
le plus favorable aux intérêts du pays. 11 est
vrai que c'étaient des hommes d Etat nos mi
nistres n'en sont que la caricature.
On écrit de Bruxelles la Gazette de Char-
leroi
Des bruits étranges courent au sujet de l'é
lection de Nivelles. On prétend qu'une erreur
de 50 voix aurait été commise le 14 juin au
préjudice des libéraux.
Si la chose était vraie, le résultat du 1er
tour de scrutin serait complètement bouleversé.
En attendant, les dossiers de l'élection ne
se retrouvent toujours pas. Le procureur géné
ral près la Cour dappelet le procureur du roi
s'occupent activement de l'affaire ils espèrent
découvrir l'auteur de cet attentat sans précédent
dans notre pays.
H est désormais certain que les procès-ver
baux ont été dérobés on a la preuve que la
malle a été fracturée.
On écrit de Bruxelles ['Union libérale de
Verviers
Les Allemands sont fiers de leurs ulhans,
les Russes de leurs cosaques, les Français de
leurs dragons et de leurs cuirassiers pourquoi
ne le serions-nous pas de nos guides
La semaine dernière, au champ de ma
nœuvres d'Elterbeek, a eu lieu, par le lieute
nant-général Fischer, l'inspection des deux
régiments des guides commandés par le géné
ral OSullivande Terdeck.
A 7 heures du matin, les exercices ont
commencé et ne se sont terminés qu'à 5 heures,
journée fatigante, écrasante pour nos vaillants
cavaliers.
Le général Fischer ne s'est pas contenté de
faire évoluer la fois les deux régiments dans
des charges éblouissantes, il a inspecté peloton
par peloton, donnant l'ordre l'un de se livrer
aux exercices du sabre, l'autre de jouer du
mousqueton, au troisième de sauter des obsta
cles, etc.
Nos guides sont étonnants de crânerie,
d'adresse, de fougue et de virtuosité excellents
cavaliers, il faut les voir passer, lancés dans un
galop furieux, sabre au clair, enveloppés dans
un nuage de poussière, et s'arrêter soudain la
voix de leurs chefs avec un ensemble merveil
leux. Pendant ces longues heures d'exercices
pénibles, semés de voltiges, de sauts de barriè
res, de courses et de charges, c'est peine si
deux soldats sont tombés de cheval.
Nous possédons là deux régiments de cava
lerie hors ligne, parfaitement dignes d'être mis
sur le même rang que les plus beaux régiments
LE PROGRES