Chronique locale.
x. y. z.
Beuveries
et mœurs cléricales.
Sainte Cécile.
mêla première des conditions et des garanties
qu elle exige. D'autres clauses peuvent venir se
joindre celle-là. Mais aucune n est au même
point utile, nécessaire et precieuse que celle
qui doit nous donner la représentation vraie.
Nous avons aujourd hui, grâce la règle des
deux tiers, voix au chapitre. Profitons-en
l'occasion est unique, elle ne se représentera pas
de si tôt. Nous sommes la minorité, exigeohsque
la minorité soit fidèlement représentée. Nous
serons ainsi dans la logique de notre rôle. La
représentation proportionnelle est pour la mi
norité ou les minorités une assurance contre
I intransigeance et le manque de modération
des majorités.
Ne négligeons pas de demander cette caution
de l'extension du droit de vole, en ce moment
unique, où nous avons quelque chose préten
dre, où nous pouvons imposer notre volonté.
Notre demande cet égard ne pourra être
repoussée la gauche radicale, le Sénat, le mi
nistère ne nous marchanderont pas leur appui
sur ce point. Entrons donc résolument dans
cette voie, elle est celle de la justice et de la
vérité.
La représentation proportionnelle peut seul
assurer le salut du libéralisme conservateur et
progressiste dans le déluge de la revision.
Dans un article bien substantiel, Y Opinion
d'Anvers montre les conséquences de l'abus des
boissons sur la classe ouvrière. Nous le repro
duisons en son entier avec prière nos maîtres
de le lire tête reposée il leur montrera quelle
belle action ils commettaient quand pour s'assu
rer quelques votes mal acquis ils attiraient dans
les cabarets, qui ne désemplissaient plus d'Oc
tobre 1890 Mars 1891, leurs pauvres dupes.
On se rappelle, avec amertume et indignation,
de quels lamentables excès nous fûmes témoins
et quels chants débraillés retentirent dans nos
rues pendant cette mémorable période électo
rale. Ce ne fut plus que soilieries, beuveries, or
gies, et l'ivrognerie fut d'autant plus triste et
révoltante qu'on avait fait croire ces mal
heureux que c'était là leur avenir et leur futur
état normal que nopees et festins, bière et ge
nièvre, ivresse et paresse allaient devenir leur
lot commun et durable sous la paternelle et gé
néreuse administration des aspirants édiles qui
leur faisaient verser boire.
Le mal qui en est résulté, on n'a eu que trop
le constater et si ces imprudents protecteurs de
l'ouvrier en doutaient encore, qu'ils lisent ces
lignes ci-dessous, car c'est pour eux que nous les
reproduisons
Pour qui n'a pas beaucoup l'occasion de se
désopiler la rate, il aurait tort de négliger la
lecture du Journal d'Fpres, il y trouvera une fa
çon si naïve de se moquer de ses lecteurs, que
tout de suite il se figurera tout un cercle de ni
gauds et de béguines se pâmant d'admiration
devant ces descriptions hépatantes, et ce tableau
qu'il se représentera vaudra lui seul toute une
série de représentations flamandes de la jeune
garde catholique, ce qui n'est pas peu dire.
Prenons au hasard Au banquet offert Yhar-
monie communalel'occasion de la Sainte Cécile,
le Journal d'Ypres dit que cette fête ne pouvait
pas passer inaperçue et il en fait la description
sa mauièro.
Inaperçue Pourquoi pas Et mieux n'eût-
il pas valu qu'elle passât inaperçue Alors on
n'aurait pas aperçu ce qu'on y a aperçu. Des
soulards, des gens avinés (que quelques heures
plus tard on ramassera dans quelque cour de
cabaret, ronflant dans leur jus) ayant le secret
de vider sur le plancher de la salle et dans le
vestibule de l'Hôtel de ville, le trop plein qui les
gênait dans la poursuite ultérieure de leur cam
pagne bachique. 11 est vrai que sans le Journal
d'Ypresle lendemain on s'en serait aperçu tout
de même, l'odeur âcre et acide des ripailles ren
dues embaumant encore l'atmosphère de l'entrée
de ce sanctuaire si indignement polluée.
Et notez que, de l'aveu même du Journal
d'Ypres, cela se passait en famille et que
c'est là précisément ce qui constitue la caracté
ristique de la fête.
Eh bien, elle est jolie la famille et jolie aussi
la caractéristique Et il était inutile d'ajouter
que la quantité a pleinement trop pleine
ment satisfait les grands appétits des gens de
peine. Et on avoue ces choses Sapristi Au
fait
M. le Bourgmestre a bu l'union de l'Harmo
nie et du Corps des Pompiers. C'est un vœu au
quel nous nous associons de tout cœur, de même
que nous applaudissons cet autre vœu, non
moins aimable, exprimé aussi par M. le Bourg
mestre, de voir régner la même union entre tous
les citoyens de la ville d'Ypres. C'est très bien,
cette union entre tous les citoyens de la ville
d'Ypres, et ce mot nous arrache des larmes d'at
tendrissement, mais voilà que MM. J. Iweins,
Boedt, Gravet, Van Daele, Cordonnier, G. La-
piere, Kilsdonck, Vanden Bussche, etc., et tous
ces serviteurs, vaillants et dévoués, qu'on a mis
si impoliment la porte, nous rient au nez et
se moquent de nos pleurs.
L'union, disent-ils, allons donc, blagueur et
cela nous fait rentrer nos larmes.
Peut-être M. Surmont entend-il l'union autre
ment que nous Alors qu'il s'explique et qu'il
nous persuade que les bons contes font les bons
amis.
Rien de la chanson de M. Colaert. Cela en va
lait cependant la peine.
Au cours de la séance du Conseil communal du
3 Décembre dernier, M. Werbrouck, agent de
change, a reçu des mains de M. le Bourgmestre,
la distinction officielle en récompense de son
n dévouement diverses œuvres sociales et ou
vrières dit le Moniteur de l'Hôtel de Ville et le
Moniteur part de là pour insinuer que M. P. Ver-
meulen tirait, en ce moment, une singulière
binette. De jalousie Allons donc.
Qu'est-ce que cela peut bien faire M. Ver-
meulen, la petite médaille que portera M.
Werbrouck Petites gens, ils croient tout le
monde pétri comme ils le sont. Que M. Wer
brouck soit heureux, personne ne lut enviera
son bonheur et si M. Surmont veut lui coller sur
la poitrine, une demi douzaine de ces joujoux, M.
Vermeulen ne lui demandera jamais où il les
aura mérités, pas plus que maintenant il ne se
soucie de savoir où et comment cet agent de
change a pu rendre de si grands et longs services
Il se préparera vers la fin de ce siècle une révolution
sociale en comparaison de laquelle horreurs de 93 ne seront
que d'innocentes idylles Cette sinistre prédiction de Henri
Heine revient involontairement la mémoire chaque fois
que l'on perçoit les menaces d'un bouleversement général
qui traversent l'air certaines époques. Les classes infé
rieures s'agitent, se groupent, se disciplinent, se choisis
sent des chefs qui exercent sur elles un empire absolu, les
excitant ou les maîtrisant leur volonté. La haine contre
la bourgeoisie, qui couvait encore il y a dix ans, éclate
dans toutes les paroles, dans tous les actes de la masse po
pulaire On entend comme un cliquetis de fusils que l'on
arme pour la guerre civile, plus atroce que les luttes dans
lesquelles les peuples ennemis se déchirent. Iles individus
au sens moral atrophié, se glissent lâchement dans l'om
bre et tentent l'aide de bombes explosibles de faire sau
ter les hôtels de ceux dont le luxe leur met la rage au
cœur. Sans vouloir jouer les prophètes on peut prédire que
le temps de nouvelles Jacqueries est proche.
A quoi doit-on attribuer l'existence de ce conliil d'inté
rêts paraissant contradictoires, mais qui peuvent se conci
lier aisément parce que l'avantage de l'ouvrier est presque
toujours identique l'intérêt du patron Certes, nous ne
voulons pas prétendre que l'ordre actuel fait aux classes
laborieuses un sort bien enviable, que la bourgeoisie ne
doit pas encourir le reproche d'avoir failli sa mission en
s'occupant exclusivement des aspirations des contribua
bles, en laissant dans l'oubli les réclamations légitimes
du peuple qui passe aujourd'hui de la prière la menace.
Mais n'est-il pas exact, comme l'a démontré M De Bruyn
dans un de ses derniers discours, que le sort de l'ouvrier
ne s'est guère amélioré depuis quarante ans, tandis que le
taux des salaires a quasiment triplé pendant ce laps de
temps Mais n'est-il pas vrai que le peuple doit supporter
en majeure partie la responsabilité de la situation lamen
table dans laquelle il se débat, cause de son ivrognerie
et de son imprévoyance, qui en est le résultat? Tout
récemment la Gazette de Charleroi écrivait les lignes
suivantes qui confirment notre opinion
La commune d'Anderlues traverse en ce moment une
ère de prospérité sans précédent dans son histoire. C'est
la distribution aux familles victimes de la catastrophe du
puits n" 3 du million de francs donné par la Compagnie
qui a produit ce phénomène. La répartition a été com
plètement terminée du mois de Juin et depuis cette date,
la chose est triste constater, ce n'est dans certaines
familles que noces et festins. On cite des individus qui ne
désenivrent pas, se promènent du matin au soir, vêtu de
riches çomplels, et vont, le cigare aux lèvres, assister la
descente de leurs anciens compagnons. L'un s'est payé un
piano, un orgue de barbarie et un attelage de poneys, un
autre a remonté son pigéonnic grands frais des fem
mes ont acheté des masses de costumes et de bijoux des
mères ne promènent plus leurs enfants que dans des voi
tures anglaises capitonnées. Bref c'est l'âge d'or pour la
plupart des ménages qui ont laissé quelqu'un des leurs
dans la catastrophe. Cela va durer un an, deux ans peut-
être, puis ce sera de nouveau la misère. Triste Triste
En Belgique, sous le moindre prétexte, la population
se rue vers les cabarets. L'infatigable secrétaire de la Li
gue patriotique contre l'alcoolisme, M H. Merybach, dé
crivait de la manière suivante la passion de la classe popu
laire pour les boissons fortes
L'ouvrier, de génération en génération, n'a connu dans
notre pays qu'un moyen de se distraire, c'est de boire, et
son lieu de réunion, c'est le cabaret. Il boit quand il a
mangé pour digérer il boit quand il a froid pour se ré
chauffer, quand il a chaud pour se raffraîchir. Il boit
quand il a sommeil pour se tenir éveillé il boit quand il
ne peut pas dormir pour forcer le sommeil il boit quand
il est triste il boit quand il est de bonne humeur. 11 boit
un enterrement. Il boit, il boit toujours.
Les conséquences d'un pareil régime sont connues
nous savons tous que la plupart des ménages ouvriers
sont des enfers pour employer une expression d'une
saisissante éloquence. Le mari, le visage hébété par l'i
vresse, les vêtements débraillés, rentre au logis, la poche
vide et au reproche le plus anodin de sa femme, irrité
même par le regard de celle-ci dans lequel il croit sur
prendre une réprobation, il se précipite sur elle, la roue
de coups, pendant que les enfants, les yeux secs, insen
sibles, impassibles, regardent cet effrayant spectacle qui se
représente toutes les semaines, plusieurs fois même par
semaine. Ainsi que l'écrivait le L)r de Vaulnoy, la virile
gaieté gauloise ou flamande provoquée par la consomma
tion de l'eau-de-vie pure et inoffensive, a succédé là une
ivresse bestiale et morose, produite par l'absorption d'al
cools impurs vendus bas prix. Kogcr-Bonlemps n'est
plus Coupeau l'a remplacé. Dans les quartiers populaires
grouille une population blême, dépenaillée, aux manières
bestiales, au langage grossier, abritée dans des tauuis sor
dides, empuaniis, qui donnent asi-le de nombreuses fa
milles parquées dans quelques chambres, vivant dans la
plus immonde promiscuité. 11 n'y a pas de ville où l'on
boive autant qu'à Bruxelles puisque notre capitale compte
un cabaret par dix hommes valides (actuellement elle ren
ferme environ 5900 débits de boissons) et il n'existe pas
de localité où les logis des ouvriers révèlent un aussi pro
fond dénuement. Sur 19,284 familles ouvrières 8058 (soit
42 p. c.) n'occupent que deux chambres 6978 (soit 36 p.
c.) une seule chambre en outre 2826 ménages habitent
une mansarde et 200 une cave Quelle conséquence pour
l'éducation et la moralité des enfants
c Dans 2875 familles, écrit le Dr Van Caillie, garçons
et filles couchent dans la même chambre dans 400 ils
couchent dans le même lit. Il y a dans nos murs des sau
vages pourqui l'inceste apparaît comme une plaisanterie!
Dans certaines écoles primaires presque tous les enfants
sont pourris 13 ans, grâce cette vie de famille et la
contagion du mauvais exemple. Et ce sont là de futurs
chefs de famille Je rends en grande partie l'alcoolisme
responsable de cette situation l'argent nécessaire un
logement confortable passe toujours au cabaret.
A la campagne la situation n'est guère moins attristante.
Marchés, kermesses, ventes publiques, baptêmes, en
terrements, toutes les réunions quelconques sont prétextes
des saouleries scandaleuses, éliontées. Les foires surtout
sont la cause occasionnelle de gargantesques beuveries.
De tous les points du canton et même de l'arrondissement
y affluent des oisifs, n'ayant rien y vendre, rien y ache
ter, venus uniquement pour satisfaire leur infernale pas
sion pour le genièvre. Rencontrent-ils une connaissance,
ils l'entraînent aussitôt au cabaret où ils s'attablent durant
des heures, l'resque toujours les conversations amicales
au début dégénèrent en rixes. Le soir, on rencontre le
long des routes, croupissant dans les mares, des groupes
d'individus dormant du lourd sommeil de l'ivresse, et cu
vant le schnick ingurgité larges lampées pendant le
jour...
r.omme le dit en terminant VOpinion, notre époque
troublée, il n'y a pas de problème exigeant un examen
aussi prompt et aussi sérieux que la question de l'alcoo
lisme. La passion des boissons fortes, dû John Bright,
est le plus grand obstacle la diffusion de l'instruction
daus le peuple et surtout son éducation. El Cobden
ajoute Le combat pour la tempérance est la condition
première de tonte amélioration dans le sort des classes
laborieuses.
Ous q'y a d'Ia gêne, i n'y a pas d'plaisir.